Le Théâtre de l’Escapade menacé de disparition (suite)

Le Théâtre de l’Escapade menacé de disparition (suite)

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La municipalité d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) à majorité Rassemblement National, n’a pas encore, réagi, semble-t-il, à la vague  de protestation des milieux professionnels et syndicaux du spectacle qui a suivi… Ni Marine Le Pen, dont on cite  pourtant cette ville comme son fief et qui y a fait, en septembre dernier, sa rentrée politique. Elle a sans doute bien d’autres chats à fouetter: le Rassemblement National fait actuellement l’objet d’un procès pour «complicité et recel de détournement de fonds publics » pour les contrats d’assistants parlementaires. Selon l’accusation, il y aurait un détournement par vingt-sept prévenus sur une période allant de 2004 à 2016.
Soit au total: 4.503 000 euros…. Menacée de peine de prison mais aussi d’inéligibilité, Marine Le Pen a toujours nié que cet argent versé pour rémunérer les collaborateurs parlementaires, ait en réalité financé le Front national. Depuis, le Parlement européen a prélevé quelques dizaines de milliers d’euros sur son indemnité d’élue. Elle l’a quitté en 2017 et elle a remboursé 330.000 euros…

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Marine Tondelier, diplômée de l’Institut d’études politiques de Lille, est secrétaire nationale d’Europe-Ecologie Les Verts et  conseillère municipale dans l’opposition à Hénin-Beaumont où elle a grandit et habite depuis deux ans.
Conseillère régionale, elle a publié en 2017 Nouvelles du Front, La vie sous le Front national, une élue de l’opposition raconte. Avec des témoignages d’employés municipaux, syndicalistes, militants d’associations…Bref, l’envers du décor et  Elle décrit comment la municipalité a tout fait pour entraver le travail des journalistes de La Voix du Nord. Ce livre a eu une répercussion nationale… L’avis de Marine Tondelier sur la situation actuelle de ce théâtre est claire: « J’ai grandi, nous a-t-elle dit, à Hénin-Beaumont, à deux pas du Théâtre de l’Escapade. C’est un foyer  culturel très actif qui rayonne en ville et en région, avec de multiples actions: pièces, concerts, expositions, cours de danse,  guitare…  Et une institution agissant au cœur même de notre ville.

Les avis de la majorité R.N. au conseil municipal sont très tranchés!  Et si vous n’êtes pas avec elle… vous êtes contre elle! Mais longtemps, à part quelques escarmouches, la municipalité a vu ce théâtre de L’Escapade comme un gendre idéal mais depuis, elle se comporte en vautour. Je soutiens la lutte que mène ce Théâtre pour garder son indépendance, garante du service public et pour maintenir son rapport avec la population. »

Pour le moment, les  salariés du collectif L’Intruse sont en grève. « Nous prenons ce risque car nous refusons de cautionner un contexte de maltraitance institutionnelle où les salariés, en souffrance, sont contraintes ou d’arrêter, ou de sur-travailler. (…) Nous voulons continuer à créer, jouer, et diffuser des spectacles vivants, sans nous sentir constamment menacés par les pouvoirs politiques. Nous revendiquons un théâtre public, indépendant et populaire. Nous appelons à la mobilisation des travailleurs du spectacle, mais aussi des structures, des programmateurs qui pourraient nous soutenir et nous aider à sortir victorieux de cette lutte. Nous resterons mobilisés jusqu’à ce que nous obtenions des réponses satisfaisantes. »

© Tour de chant de L'Intruse

© Tour de chant de L’Intruse  dans la rue avec Camille Candelier

Pour Camille Candelier,  une de ses actrices, les choses sont aussi claires: « J’ai commencé à faire du théâtre à quinze ans, ,ous a-t-elle dit, puis j’ai étudié avec Jacques Lecoq (1921-1990) le grand pédagogue, passionné par le chœur des tragédies antiques.
J’aime le théâtre de rue uniquement tourné vers la création. Ma compagnie est en résidence au théâtre de l’Escapade et je participe à la lutte de ce lieu unique pour son indépendance. Au début, certaines compagnies s’interrogèrent sur les  formes de l’action et sur la grève  votée. Je suis aussi  mère de famille et dois jongler avec mon emploi du temps mais le piquet de grève rend visible notre action aux yeux des habitants de Hénin-Beaumont; nous discutons avec eux et ils nous apportent leur soutien. Ce théâtre qui fait partie de la ville est reconnu par tous, sauf par la mairie. Pourquoi? Nous avons joint les autres théâtres français qui subissent, ou qui vont subir les mêmes menaces… »

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Bruno Lajarra, ancien directeur de l’Escapade de 2017 à 2020, témoignait ainsi avec lucidité, il y a deux ans: « A l’arrivée du Front National, la convention triennale liant le théâtre-au statut associatif- à la Ville a été cassée, pour déboucher sur une convention annuelle avec une baisse de plus de 100.000 euros dès les premiers mois. Menaces, isolement, convocation du bureau de l’association… auront conduit le directeur à ne plus être en mesure de poursuivre sa mission. Certes, il n’y a pas eu de censure directe mais un climat de pression exercé sur le personnel municipal et sur la gouvernance de l’association qui est incessant depuis. Tout le personnel municipal dépendant de la Culture est à bout, que ce soit à l’école de musique ou à l’école d’arts plastiques, sans parler de la médiathèque où (…) les achats de livres sont contrôlés, les dédicaces des auteurs, fliquées. Le théâtre a perdu beaucoup de ses spectateurs lors du passage de la ville aux mains du F.N. (…) En 2019, lors des cinquante ans de l’association, un concert de Sinsemilia avait été programmé. Des émissaires de la mairie ont été envoyés pour filmer le concert et me renvoyer ces films avec une pression menaçante auprès de ma personne qui avait oser programmer un spectacle « de gauchistes ».

Un autre jour, lors d’une action culturelle avec des enfants de la ville, des chansons en berbère étaient programmées pour découvrir d’autres cultures,  quand les élus ayant eu l’information, ont interdit aux enfants de continuer à suivre l’atelier. Et un coup de fil du directeur des affaires  culturelles me demandant d’arrêter mes provocations. Il n’y a jamais eu de politique culturelle sur la ville: hormis un festival: Le Hénin Rock festival, marionnette d’un des adjoints au maire, et le défilé de Miss Héninois.

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Je n’ai jamais vu en quatre  saisons, Marine Le Pen dans la salle et deux fois seulement l’adjoint à la Culture.  Les derniers mois de ma direction, il y a eu une volonté délibérée de m’isoler et ne plus me convier aux réunions avec la Ville.
On ne peut pas discuter avec eux, on est soit avec eux, soit contre eux, il n’y a pas de demi-mesure et si Marine Le Pen arrivait au pouvoir, elle placerait à la tête des D.R.A.C., des théâtres et musées nationaux, des préfectures, tout ce qui pourra contrôler la liberté d’expression qui fait la culture française. Je pourrais aussi m’étendre sur le machisme, le sexisme: ils s’exercent au sein des instances municipales qui sentent bon l’excès de testostérone. Et sur le projet, heureusement avorté: transformer l’Escapade en cabaret au service de la culture française, la non-réouverture du cinéma Espace Lumière, une des rares salles « art et essai » du Pas-de-Calais, les dépenses pharaoniques pour faire venir le « vu à la télé » lors des fêtes nationales : Jenifer, Shy’m et s’attirer les louanges de la population. »
Pour le moment, les choses semblent rester en l’état mais bien entendu, nous vous informerons de la suite des événements…

Bernard Rémy

 Théâtre de l’Escapade, 263 rue de l’Abbaye, Hénin-Beaumont ( Pas-de-Calais).


Archive pour 11 octobre, 2024

Le Théâtre de l’Escapade menacé de disparition (suite)

Le Théâtre de l’Escapade menacé de disparition (suite)

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La municipalité d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) à majorité Rassemblement National, n’a pas encore, réagi, semble-t-il, à la vague  de protestation des milieux professionnels et syndicaux du spectacle qui a suivi… Ni Marine Le Pen, dont on cite  pourtant cette ville comme son fief et qui y a fait, en septembre dernier, sa rentrée politique. Elle a sans doute bien d’autres chats à fouetter: le Rassemblement National fait actuellement l’objet d’un procès pour «complicité et recel de détournement de fonds publics » pour les contrats d’assistants parlementaires. Selon l’accusation, il y aurait un détournement par vingt-sept prévenus sur une période allant de 2004 à 2016.
Soit au total: 4.503 000 euros…. Menacée de peine de prison mais aussi d’inéligibilité, Marine Le Pen a toujours nié que cet argent versé pour rémunérer les collaborateurs parlementaires, ait en réalité financé le Front national. Depuis, le Parlement européen a prélevé quelques dizaines de milliers d’euros sur son indemnité d’élue. Elle l’a quitté en 2017 et elle a remboursé 330.000 euros…

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Marine Tondelier, diplômée de l’Institut d’études politiques de Lille, est secrétaire nationale d’Europe-Ecologie Les Verts et  conseillère municipale dans l’opposition à Hénin-Beaumont où elle a grandit et habite depuis deux ans.
Conseillère régionale, elle a publié en 2017 Nouvelles du Front, La vie sous le Front national, une élue de l’opposition raconte. Avec des témoignages d’employés municipaux, syndicalistes, militants d’associations…Bref, l’envers du décor et  Elle décrit comment la municipalité a tout fait pour entraver le travail des journalistes de La Voix du Nord. Ce livre a eu une répercussion nationale… L’avis de Marine Tondelier sur la situation actuelle de ce théâtre est claire: « J’ai grandi, nous a-t-elle dit, à Hénin-Beaumont, à deux pas du Théâtre de l’Escapade. C’est un foyer  culturel très actif qui rayonne en ville et en région, avec de multiples actions: pièces, concerts, expositions, cours de danse,  guitare…  Et une institution agissant au cœur même de notre ville.

Les avis de la majorité R.N. au conseil municipal sont très tranchés!  Et si vous n’êtes pas avec elle… vous êtes contre elle! Mais longtemps, à part quelques escarmouches, la municipalité a vu ce théâtre de L’Escapade comme un gendre idéal mais depuis, elle se comporte en vautour. Je soutiens la lutte que mène ce Théâtre pour garder son indépendance, garante du service public et pour maintenir son rapport avec la population. »

Pour le moment, les  salariés du collectif L’Intruse sont en grève. « Nous prenons ce risque car nous refusons de cautionner un contexte de maltraitance institutionnelle où les salariés, en souffrance, sont contraintes ou d’arrêter, ou de sur-travailler. (…) Nous voulons continuer à créer, jouer, et diffuser des spectacles vivants, sans nous sentir constamment menacés par les pouvoirs politiques. Nous revendiquons un théâtre public, indépendant et populaire. Nous appelons à la mobilisation des travailleurs du spectacle, mais aussi des structures, des programmateurs qui pourraient nous soutenir et nous aider à sortir victorieux de cette lutte. Nous resterons mobilisés jusqu’à ce que nous obtenions des réponses satisfaisantes. »

© Tour de chant de L'Intruse

© Tour de chant de L’Intruse  dans la rue avec Camille Candelier

Pour Camille Candelier,  une de ses actrices, les choses sont aussi claires: « J’ai commencé à faire du théâtre à quinze ans, ,ous a-t-elle dit, puis j’ai étudié avec Jacques Lecoq (1921-1990) le grand pédagogue, passionné par le chœur des tragédies antiques.
J’aime le théâtre de rue uniquement tourné vers la création. Ma compagnie est en résidence au théâtre de l’Escapade et je participe à la lutte de ce lieu unique pour son indépendance. Au début, certaines compagnies s’interrogèrent sur les  formes de l’action et sur la grève  votée. Je suis aussi  mère de famille et dois jongler avec mon emploi du temps mais le piquet de grève rend visible notre action aux yeux des habitants de Hénin-Beaumont; nous discutons avec eux et ils nous apportent leur soutien. Ce théâtre qui fait partie de la ville est reconnu par tous, sauf par la mairie. Pourquoi? Nous avons joint les autres théâtres français qui subissent, ou qui vont subir les mêmes menaces… »

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Bruno Lajarra, ancien directeur de l’Escapade de 2017 à 2020, témoignait ainsi avec lucidité, il y a deux ans: « A l’arrivée du Front National, la convention triennale liant le théâtre-au statut associatif- à la Ville a été cassée, pour déboucher sur une convention annuelle avec une baisse de plus de 100.000 euros dès les premiers mois. Menaces, isolement, convocation du bureau de l’association… auront conduit le directeur à ne plus être en mesure de poursuivre sa mission. Certes, il n’y a pas eu de censure directe mais un climat de pression exercé sur le personnel municipal et sur la gouvernance de l’association qui est incessant depuis. Tout le personnel municipal dépendant de la Culture est à bout, que ce soit à l’école de musique ou à l’école d’arts plastiques, sans parler de la médiathèque où (…) les achats de livres sont contrôlés, les dédicaces des auteurs, fliquées. Le théâtre a perdu beaucoup de ses spectateurs lors du passage de la ville aux mains du F.N. (…) En 2019, lors des cinquante ans de l’association, un concert de Sinsemilia avait été programmé. Des émissaires de la mairie ont été envoyés pour filmer le concert et me renvoyer ces films avec une pression menaçante auprès de ma personne qui avait oser programmer un spectacle « de gauchistes ».

Un autre jour, lors d’une action culturelle avec des enfants de la ville, des chansons en berbère étaient programmées pour découvrir d’autres cultures,  quand les élus ayant eu l’information, ont interdit aux enfants de continuer à suivre l’atelier. Et un coup de fil du directeur des affaires  culturelles me demandant d’arrêter mes provocations. Il n’y a jamais eu de politique culturelle sur la ville: hormis un festival: Le Hénin Rock festival, marionnette d’un des adjoints au maire, et le défilé de Miss Héninois.

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Je n’ai jamais vu en quatre  saisons, Marine Le Pen dans la salle et deux fois seulement l’adjoint à la Culture.  Les derniers mois de ma direction, il y a eu une volonté délibérée de m’isoler et ne plus me convier aux réunions avec la Ville.
On ne peut pas discuter avec eux, on est soit avec eux, soit contre eux, il n’y a pas de demi-mesure et si Marine Le Pen arrivait au pouvoir, elle placerait à la tête des D.R.A.C., des théâtres et musées nationaux, des préfectures, tout ce qui pourra contrôler la liberté d’expression qui fait la culture française. Je pourrais aussi m’étendre sur le machisme, le sexisme: ils s’exercent au sein des instances municipales qui sentent bon l’excès de testostérone. Et sur le projet, heureusement avorté: transformer l’Escapade en cabaret au service de la culture française, la non-réouverture du cinéma Espace Lumière, une des rares salles « art et essai » du Pas-de-Calais, les dépenses pharaoniques pour faire venir le « vu à la télé » lors des fêtes nationales : Jenifer, Shy’m et s’attirer les louanges de la population. »
Pour le moment, les choses semblent rester en l’état mais bien entendu, nous vous informerons de la suite des événements…

Bernard Rémy

 Théâtre de l’Escapade, 263 rue de l’Abbaye, Hénin-Beaumont ( Pas-de-Calais).

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