Radio live/La Relève
Radio live /La Relève
Radio Live a été créé en 2013 par la journaliste Aurélie Charon et la réalisatrice Amélie Bonnin. Cet objet scénique prolonge le travail qu’elles mènent dans le cadre de leurs émissions documentaires sur France Inter et France Culture. Elles ont sillonné le monde pour faire entendre et dialoguer sa jeunesse engagée. Et le temps d’une soirée, elles invitent ici certaines de leurs rencontres à monter sur scène et à raconter leur histoire : il est question de démocratie, droit des minorités, guerre, révolte…
Ce documentaire théâtralisé prend la forme d’une émission réalisée en public. Les interviews, menées par Aurélie Charon, sont illustrées par des archives sonores, et des vidéos et photos projetées sur des écrans par Amélie Bonnin (en alternance avec Gala Vanson). Elle dessine aussi quelques croquis retransmis en direct et une musicienne vient ponctuer de ses chants le spectacle .
Au Théâtre de la Cité Internationale, Radio live-La Relève convoque à chaque fois une personne différente. Ce soir, les portraits croisés d’Amir Hassan et d’Hala Rajab, l’un originaire de Gaza, l’autre de Syrie. Ils évoqueront devant nous une actualité brûlante qui les a arrachés à leur pays et à leur famille. Comment ont-ils vécu la guerre qu’ils ont fuie, comment envisagent-il leur avenir en exil? Amir, né à Gaza, a passé son enfance enfermé dans une ville surpeuplée, sous le ronronnement permanent des drones de surveillance israéliens. Il a enfin connu le silence et découvert la nature, en quittant l’enclave pour le France où il fut invité comme jeune poète francophone. Il s’y est installé, laissant derrière lui père, mère, frères et sœurs…
Aujourd’hui, il enseigne l’arabe, écrit de la poésie et travaille comme journaliste. En septembre 23, dix ans après son départ, il est retourné dans son pays et, au lendemain d’une fête de famille, les bombes se sont mises à pleuvoir, les chassant du domicile paternel…Il nous raconte l’enfer de Gaza dont il a pu réchapper grâce à son passeport français. Dernièrement, en tant que Français, il a pu faire venir sa famille à Clermont-Ferrand et ainsi la sauver. Seule, sa sœur restée là-bas, vit dans sa maison en ruines qu’on nous montre sur un des écrans.
Pendant qu’il raconte, s’affichent des photos anciennes -ou récentes-des uns et des autres et une vidéo filmée par l’équipe de Radio live à Gaza, quand la famille avait encore un toit.
Nous partageons avec Amir son émotion à la vue de ces documents, en sachant que la guerre continue à frapper son pays. Mais le jeune homme se défend de toute haine et veut conserver son humanité. «J’habite une tristesse ordinaire.», dit-il et nous lit : Qu’allais-tu faire à Gaza?, un de ses poèmes: « Qu’allais-tu faire à Gaza/ Entre les ruines des souvenirs et les cadavres des roses ?/Entre les maisons du camp et les verbes du passé simple? (…)/Entre ces gens perdus sur le chemin de la vie?/Et entre ces deux destins jumeaux qui s’entretuent ?/ (…) Qu’allais-tu dire à Gaza ?/A part les mots recomposés de tristesse et de peur ?/ A part les mots muets qui font la manche par pitié ?/A part des phrases où le sujet est orphelin et le verbe est un martyr ?/(…) A Gaza, ne dis rien, ne fait rien./Écoute le silence de la mort quand elle passe la tète inclinée/Elle n’ose rien dire face à cette montagne de courage. »
Le témoignage d’Hala, aujourd’hui actrice et réalisatrice en France, fait écho à celui d’Amir. Elle a fui la guerre avec ses trois sœurs, laissant sa mère à Lattaquié alors assiégé par Daech. Des films et photos lui rappellent son enfance mouvementée à Jablé, un petit village alaouite avec un père, opposant communiste.
Oday Rajab qui avait connu les geôles d’Hafez-el-Assad et, revenu d’Egypte où il s’était exilé, est mort suite aux tortures et coups subis dans une prison du régime de Bachar-el-Assad en 2015.
Mieux valait pour ses filles de quitter la Syrie, face aux menaces de mort reçues. Elles ont choisi la France. Les deux sœurs d’Hala et sa jeune nièce, filmées à Lyon par Radio live, nous parlent, elles aussi, de leur expérience d’exilées et d’un avenir où elles ont du mal à se projeter. La musique d’Oum Kalthoum et les images de leur mère alimentent la nostalgie. Elle devait leur rendre visite mais comment quitter la Syrie aujourd’hui, quand le Moyen-Orient s’embrase?
Nous comprenons à l’issue de ce spectacle poignant de deux heures trente, combien le droit d’asile, aujourd’hui gravement menacé, est précieux et combien, au-delà de leur vécu traumatique, ces jeunes gens nous portent un message de courage et d’espoir. Il faut les écouter. Les prochains invités seront Sumeet Samos, d’Inde et Yannick Kamanzi, du Rwanda.
Mireille Davidovici
Le spectacle a été joué du 15 au 18 octobre, Théâtre de la Cité internationale, 21 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème). T. : 01 85 53 43 85, dans le cadre du festival Transforme-Paris, initié par la Fondation d’entreprise Hermès.
Du 22 au 23 novembre, La Paillette, dans le cadre du Festival T.N.B., Rennes ( ) ; du 26 au 28 novembre, Bonlieu-Scène Nationale d’Annecy (Haute-Savoie).
Du 3 au 4 décembre, Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon; du 11 au 12 décembre, Comédie de Valence (Drôme) et du 18 au 19 décembre, MC2 Grenoble (Isère).
Du 22 au 23 janvier, Comédie de Caen (Calvados).
Le 7 février, Festival FARaway, Comédie de Reims (Marne).
Le 28 mars, Théâtre de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne).