Ménélas rébétiko rapsodie de Simon Abkarian

Ménélas rébétiko rapsodie de et avec Simon Abkarian

Le spectacle avait été créé en 2013 avec déjà Simon Abkarian, Grigoris Vasilas (chant et bouzouki) et Kostas Tsekouras (guitare). « De Ménélas et d’Hélène, nous avons des idées, des points de vue qui tiennent souvent de l’arbitraire et du cliché. Le premier est toujours décrit comme un faible, un mou, voire un lâche. Le fait que son mari ne soit pas à la « hauteur » enlève à la fuite d’Hélène, toute force amoureuse. Elle ne part pas avec Pâris, mais elle fuit un type dénué de charme et de beauté.
De ce fait, elle devient l’archétype de la putain. Celle par qui viennent la discorde et la mort. On lui interdit de disposer de son destin. Et dans cette période archaïque où la femme est l’objet de toutes les convoitises, il est pénible pour les hommes, encore aujourd’hui, de comprendre la décision d’une femme amoureuse. J’ai voulu questionner, comprendre la solitude de Ménélas et redessiner à tâtons les contours de ce chagrin d’amour, toujours occulté par la guerre de Troie. J’ai voulu convoquer une parole écrite, une langue dense et ardue, un langage poétique, lyrique, trivial. C’est par l’incarnation et l’incantation, par l’art de jouer, que tous ces modes deviendront du théâtre. »

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Sur le grand plateau dans la pénombre, une dizaine de tables en bois carrées avec des chaises parfois renversées et, au centre, assis, Grigoris Vasilas, au bouzouki et Kostas Tsekouras, à la guitare. Ils jouent du rébétiko, une musique née il y a un siècle,  empruntant à celles de l’Asie Mineure eti des îles grecques . « C’est la musique des bas-fonds, le blues de la Grèce dit Simon Abkarian. Les chants rebétès sont les derniers soubresauts d’une parole libre. ( …) De la tragédie grecque. »
Dans une atmosphère enfumée, entre l’acteur à la haute silhouette impressionnante en costume et chapeau noir- une magnifique image… Et il va s’asseoir à côté de ses amis musiciens qui chantent les amours perdues, les trahisons, la pauvreté , l’érotisme, l’alcool, la drogue, l’exil… «Une atmosphère autant qu’un chant, écrivait Jacques Lacarrière dans L’Eté grec (1976), des visages silencieux et marqués, autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d’ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis. »

Simon Abkarian va, en une heure, nous raconter l’histoire de ce couple infernal: Hélène et Ménélas qu’on pourra aussi retrouver dans le second spectacle de la soirée. Son texte a des fulgurances poétiques indéniables: «Depuis que tu es partie notre lit est un tombeau qui se refuse à moi./Tout réconfort m’est devenu étranger.-  Je comprends maintenant l’Exil que chantent les bardes venus de la lointaine Ionie, je comprends l’amertume du pain et du vin quand on est l’étranger.  Je comprends que je suis mort à la joie. –  La nuit et moi, nous nous traînons dans le palais que tu as déserté. -Les statues aux belles formes se sont figées.-  Les chansons se sont tues. –  Les miroirs se sont éteints. -Aphrodite toute entière s’est enfuie. -Dans ton sillage, mes yeux se sont repus de sel.-  Les portes, les fenêtres crient « Hélène ! Hélène !» -Le vent me gifle, me claque au visage, l’écho de ton nom désormais atrophié.  «Haine! Haine!».

Et il y a ce même souffle poétique jusqu’au bout dans ce beau texte: «Chienne, dans les ténèbres où je souffre Tu m’as réduit en cendres. Chienne, avec tes deux yeux noirs Tu m’as taillé en pièces. Chienne, tu m’as insulté Devant les miens. »Voilà ce que chantent les Grecs sur mon passage. Ils t’insultent et moi je fais la sourde oreille.  Jadis, j’aurais tué quiconque aurait osé marcher sur l’ombre de ton ombre.  Mais non, le dos rond je chemine comme un vieillard sourd aux sarcasmes des jeunes dieux.»

Là où cela va moins bien: Simon Abkarian qui ne semble pas vraiment à l’aise devant cette salle pas très pleine, parle dans la pénombre à un rythme qui varie peu, avec surtout une diction très approximative!  Donc même au huitième rang, on entend en partie seulement le texte. C’est plutôt embêtant, comme le soulignait un de nos confrères, quand des morceaux entiers de phrase passent à la trappe! et on voit mal son visage… Surtout quand il y a des giclées de fumigène qui n’ont rien à faire là.
Le théâtre de l’Epée de bois avec ses quinze mètres d’ouverture, n’est pas le Grand Parquet où a été créé le spectacle qui, malgré son nom, est un petit espace. Pourquoi ne pas avoir alors ici regroupé les quarante spectateurs sur la scène? Cela aurait déjà amélioré les choses. Mais là, comment ne pas décrocher et cette here dix passe bien lentement?  Reste la merveilleuse musique et les chansons de rebétiko: un petit air d’été en Grèce, c’est toujours bon à prendre dans cet octobre pluvieux…
Mais il faut que Simon Abkarian revoit d’urgence sa mise en scène et son interprétation. A suivre…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 3 novembre, Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, Route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette gratuite. T. :  01 48 08 39 74. 

Le texte est publié aux éditions Actes Sud-Papiers.

 

 

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  • Un commentaire

    1. Anne dit :

      Si je peux me permettre: « il faut que Simon A. revoiE d’urgence »…

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