Panique dans le XVIème

 

Panique dans le XVI ème, d’après le livre éponyme de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, mise en scène d’Anne Vieyry

 

Radio France

©Radio France photo d’époque

Le 14 mars 2016, à l’Université Paris-Dauphine, eut lieu la présentation d’un projet de centre d’hébergement pour sans-abri vers la porte de Passy (XVIème) près du bois de Boulogne. 900 habitants (et électeurs!) de cet arrondissement étaient venus le découvrir. La préfète de Paris, Sophie Brocas, essayera d’expliquer  ce qu’il en serait exactement mais la réunion, plus que houleuse avec injures à la clé, devra être interrompue après vingt minutes! Réactions souvent violentes: peur de voir une partie du XVI ème devenir un autre Notre-Dame des Landes! Peur pour les femmes d’être agressées, mais surtout, peur inavouée bien sûr, de ne plus être entre soi… Comme au moment où le cirque Grüss s’était implanté porte Maillot, provoquant la grande colère des riverains. Depuis, il vit des  jours paisible… comme eux.


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Ces familles très fortunées, d’abord vent debout contre l’édification de ces bâtiments en bois et provisoires, ont fini par accepter, bon gré mal gré, ce véritable scandale selon eux : la Mairie s’attaquait à leurs privilèges: le droit absolu d’être propriétaire et de résider avec des gens de la même classe sociale. Comme à la  proche villa Montmorency, avec gardiennage en permanence, caméras de surveillance partout, vitesse limitée à  25 kms/heure: dans cette grande résidence très fermée, habitent Bernard Arnault, le couple Sarkozy, Xavier Niel, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère mais aussi Gérard Depardieu, Sylvie Vartan, etc.
Le centre d’hébergement qui aurait dû fermer en 2019, restera ouvert jusqu’à l’an prochain… Ce sera la conclusion de ce spectacle conçu d’après Panique dans le Seizième, le livre des sociologues bien connus Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon qui avaient aussi écrit Les Ghettos du gotha.  Prouvant aussi que les H.L.M. récents à Paris étaient dévolus plutôt à des cadres ou de hauts fonctionnaires...
Les élus de l’arrondissement et Claude Goasgen, alors maire du XVI ème arrondissement, dénonçaient  une absence de mesures de sécurité pour ce centre voulu par la mairie de Paris, en particulier par Ian Brossat, adjoint (P.C.F.) chargé du logement. Ils disaient n’avoir eu aucune information de la mairie de Paris. Et 40.000 riverains ont signé une pétition contre la construction de ce centre. La peur, toujours la peur des possédants… comme en 1936 ou mai 68. L’histoire bégaie…

Ils avaient demandé une suspension du projet auprès du tribunal administratif mais sans résultat. Cette haute bourgeoisie parisienne revendiquait sans ambiguïté que reste bien à elle cet espace acquis grâce à une richesse familiale due à une concentration des capitaux et à une endogamie établies depuis plus d’un siècle. Avec ses nombreuses écoles ou lycées privés. Même si la société du XVI ème, en particulier vers les Portes de  la Muette, et de Passy, a bien évolué: rez-de chaussée maintenant souvent devenus bureaux, vidéo-surveillance et/ou police privée d’hôtels particuliers, changements fréquents de propriétaires qui réaménagent luxueusement et à chaque fois, de grands appartements pour leur famille et disposent souvent d’un SUV et d’une autre voiture, consommation importante de repas et autres fournitures livrés, chambres dites de bonnes au sixième étage, transformées en studios loués à prix élevé exigences plus élevées en matière de confort. Les loges de gardiens restant, elles, mal conçues, parfois même avec toilettes et salle d’au dans la cour…
Les stratégies de solidarité familiale et de classe sont restées les mêmes pour que le mode de vie reste intact et que les habitats ne soient dévalorisés en aucune façon: gouverner, c’est prévoir. Le mieux étant la transmission aux enfants et/ou aux proches. Ce droit autoproclamé à l’habitat luxueux, à l’écart des classes populaires et aux privilèges intouchables: capital très élevé (hors salaires) grâce à de solides placements bancaires et investissements immobiliers comme cette célèbre actrice qui a acheté un grand appartement porte de Passy,  domesticité, voyages lointains au besoin en jet privé, réseaux de relations soigneusement entretenus en France et à l’étranger grâce à des réceptions entre soi, luxueuses résidences secondaires sur la côte d’Azur, la côte basque ou marocaine, ou encore à l’autre bout de la planète. Quand on aime, on ne compte pas ses petits sous et les soucis écologiques, c’est bon… pour les intellos et les pauvres!
Mais tout cela ne date pas d’hier. Les familles du XVI ème a toujours tout fait pour qu’il y ait le minimum d’ H.L.M. et vers les années cinquante- non, ce n’était pas au Moyen-Age- dans les appartements de 300 m2 (sic), avenue Henri-Martin toute proche, les nombreux domestiques (quatre, voire cinq) avaient droit aux repas et à une petite chambre non chauffée au dernier étage. Ils recevaient comme salaire, de l’argent de poche…  Bref, le passé éclaire le présent: il y a encore du boulot en matière de justice sociale !  Et les analyses de ces sociologues sont claires et précises, même si elles sont teintées d’une couleur politique évidente.
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Faire théâtre de tout… Avec cette formule devenue célèbre, Antoine Vitez avait ouvert la porte à toutes sortes d’adaptations de textes à la fois romanesque: on en voit le succès aujourd’hui où la majorité des spectacles en est ! En 75 et avec grand succès, il monta Catherine d’après Les Cloches de Bâle d’Aragon. Et il y eu de nombreuses créations collectives dont les célèbres 1789 et 1793 mis en scène par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil, à partir de textes et documents historiques.
Depuis cinquante ans, nombreux metteurs en scène opèrent une réécriture à partir d’une fiction, d’un ouvrage philosophique ou socio-politique, pour construire un spectacle théâtral, quel que soit le nombre d’acteurs, l’espace scénographique choisi-ou imposé… Mais la répartition entre texte et dialogues, entre acteur-conteur et personnages imaginaires ou non est un travail dramaturgique souvent périlleux. Un théâtre documentaire issu de celui d’Erwin Piscator, le célèbre metteur allemand (1893-1966) et une « adaptation » tirée d’un roman, d’un texte politique ou ici sociologique, pourquoi pas?  Mais  quel mode d’emploi et quel système énonciatif pour s’adresser au public? Quelle place donner au narratif et aux dialogues,  et surtout comment passer de l’un à l’autre? Bref, un sérieuse recherche et de mise en scène.

Ici, d’autant moins facile sur ce petit plateau serré entre deux piliers dans une cave aux beaux murs de  pierre blanche. Et c’est dire toute l’importance donné au texte, comme au jeu. un n travail d’équilibriste… que n’a pas vraiment réussi à maîtriser la metteuse en scène. Ce bon titre a quelques chose de théâtral. Oui, mais comment garder l’essentiel d’un ouvrage sociologique? David Ruellan et Béatrice Vincent font le travail mais peinent à convaincre: il y a trop souvent de la criaillerie dans l’air
Anne Veyry semble  consciente de la difficulté à transformer cette étude sociologique en théâtre: « En effet, à la parole incarnée et à la parole récitée, s’ajoute un troisième type de parole: celle de l’analyse pure. Comment rendre compréhensible et vivante la réflexion? Comment faire surgir le jeu à l’intérieur de l’analyse ? Comment créer du rythme et de l’humour avec une matière analytique ? C’est en creusant ces questions que la mise en scène de Panique dans le seizième ! s’est construite. »
Mais cette valise qui s’ouvre et devient table encombrante dans cet espace réduit: celle de l’amphithéâtre à Paris-Dauphine ou le bureau des sociologues, n’est sûrement pas une bonne idée. Même si pour la metteuse en scène, « elle symbolise le voyage des sociologues sur cette terre des ultra-riches ».
A ce spectacle sympathique, il manque des personnages plus consistants et une dramaturgie solide: il y a ici quelque chose de répétitif et la direction d’acteurs est souvent faible. Reste le plaisir de découvrir pour ceux qui ne le connaissaient pas, un fragment de l’histoire de la capitale, emblématique du pouvoir socio-économique de ces privilégiés,  au XXI ème siècle …Un espèce qui, elle, dans tous les cas de figures politiques, ne semble pas en voie de disparition.

Philippe du Vignal

Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre-au-Lard, Paris ( IV ème). T. : 01 42 78 46 42.
 
 

Archive pour 21 octobre, 2024

Panique dans le XVIème

 

Panique dans le XVI ème, d’après le livre éponyme de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, mise en scène d’Anne Vieyry

 

Radio France

©Radio France photo d’époque

Le 14 mars 2016, à l’Université Paris-Dauphine, eut lieu la présentation d’un projet de centre d’hébergement pour sans-abri vers la porte de Passy (XVIème) près du bois de Boulogne. 900 habitants (et électeurs!) de cet arrondissement étaient venus le découvrir. La préfète de Paris, Sophie Brocas, essayera d’expliquer  ce qu’il en serait exactement mais la réunion, plus que houleuse avec injures à la clé, devra être interrompue après vingt minutes! Réactions souvent violentes: peur de voir une partie du XVI ème devenir un autre Notre-Dame des Landes! Peur pour les femmes d’être agressées, mais surtout, peur inavouée bien sûr, de ne plus être entre soi… Comme au moment où le cirque Grüss s’était implanté porte Maillot, provoquant la grande colère des riverains. Depuis, il vit des  jours paisible… comme eux.


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Ces familles très fortunées, d’abord vent debout contre l’édification de ces bâtiments en bois et provisoires, ont fini par accepter, bon gré mal gré, ce véritable scandale selon eux : la Mairie s’attaquait à leurs privilèges: le droit absolu d’être propriétaire et de résider avec des gens de la même classe sociale. Comme à la  proche villa Montmorency, avec gardiennage en permanence, caméras de surveillance partout, vitesse limitée à  25 kms/heure: dans cette grande résidence très fermée, habitent Bernard Arnault, le couple Sarkozy, Xavier Niel, Vincent Bolloré, Arnaud Lagardère mais aussi Gérard Depardieu, Sylvie Vartan, etc.
Le centre d’hébergement qui aurait dû fermer en 2019, restera ouvert jusqu’à l’an prochain… Ce sera la conclusion de ce spectacle conçu d’après Panique dans le Seizième, le livre des sociologues bien connus Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon qui avaient aussi écrit Les Ghettos du gotha.  Prouvant aussi que les H.L.M. récents à Paris étaient dévolus plutôt à des cadres ou de hauts fonctionnaires...
Les élus de l’arrondissement et Claude Goasgen, alors maire du XVI ème arrondissement, dénonçaient  une absence de mesures de sécurité pour ce centre voulu par la mairie de Paris, en particulier par Ian Brossat, adjoint (P.C.F.) chargé du logement. Ils disaient n’avoir eu aucune information de la mairie de Paris. Et 40.000 riverains ont signé une pétition contre la construction de ce centre. La peur, toujours la peur des possédants… comme en 1936 ou mai 68. L’histoire bégaie…

Ils avaient demandé une suspension du projet auprès du tribunal administratif mais sans résultat. Cette haute bourgeoisie parisienne revendiquait sans ambiguïté que reste bien à elle cet espace acquis grâce à une richesse familiale due à une concentration des capitaux et à une endogamie établies depuis plus d’un siècle. Avec ses nombreuses écoles ou lycées privés. Même si la société du XVI ème, en particulier vers les Portes de  la Muette, et de Passy, a bien évolué: rez-de chaussée maintenant souvent devenus bureaux, vidéo-surveillance et/ou police privée d’hôtels particuliers, changements fréquents de propriétaires qui réaménagent luxueusement et à chaque fois, de grands appartements pour leur famille et disposent souvent d’un SUV et d’une autre voiture, consommation importante de repas et autres fournitures livrés, chambres dites de bonnes au sixième étage, transformées en studios loués à prix élevé exigences plus élevées en matière de confort. Les loges de gardiens restant, elles, mal conçues, parfois même avec toilettes et salle d’au dans la cour…
Les stratégies de solidarité familiale et de classe sont restées les mêmes pour que le mode de vie reste intact et que les habitats ne soient dévalorisés en aucune façon: gouverner, c’est prévoir. Le mieux étant la transmission aux enfants et/ou aux proches. Ce droit autoproclamé à l’habitat luxueux, à l’écart des classes populaires et aux privilèges intouchables: capital très élevé (hors salaires) grâce à de solides placements bancaires et investissements immobiliers comme cette célèbre actrice qui a acheté un grand appartement porte de Passy,  domesticité, voyages lointains au besoin en jet privé, réseaux de relations soigneusement entretenus en France et à l’étranger grâce à des réceptions entre soi, luxueuses résidences secondaires sur la côte d’Azur, la côte basque ou marocaine, ou encore à l’autre bout de la planète. Quand on aime, on ne compte pas ses petits sous et les soucis écologiques, c’est bon… pour les intellos et les pauvres!
Mais tout cela ne date pas d’hier. Les familles du XVI ème a toujours tout fait pour qu’il y ait le minimum d’ H.L.M. et vers les années cinquante- non, ce n’était pas au Moyen-Age- dans les appartements de 300 m2 (sic), avenue Henri-Martin toute proche, les nombreux domestiques (quatre, voire cinq) avaient droit aux repas et à une petite chambre non chauffée au dernier étage. Ils recevaient comme salaire, de l’argent de poche…  Bref, le passé éclaire le présent: il y a encore du boulot en matière de justice sociale !  Et les analyses de ces sociologues sont claires et précises, même si elles sont teintées d’une couleur politique évidente.
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Faire théâtre de tout… Avec cette formule devenue célèbre, Antoine Vitez avait ouvert la porte à toutes sortes d’adaptations de textes à la fois romanesque: on en voit le succès aujourd’hui où la majorité des spectacles en est ! En 75 et avec grand succès, il monta Catherine d’après Les Cloches de Bâle d’Aragon. Et il y eu de nombreuses créations collectives dont les célèbres 1789 et 1793 mis en scène par Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil, à partir de textes et documents historiques.
Depuis cinquante ans, nombreux metteurs en scène opèrent une réécriture à partir d’une fiction, d’un ouvrage philosophique ou socio-politique, pour construire un spectacle théâtral, quel que soit le nombre d’acteurs, l’espace scénographique choisi-ou imposé… Mais la répartition entre texte et dialogues, entre acteur-conteur et personnages imaginaires ou non est un travail dramaturgique souvent périlleux. Un théâtre documentaire issu de celui d’Erwin Piscator, le célèbre metteur allemand (1893-1966) et une « adaptation » tirée d’un roman, d’un texte politique ou ici sociologique, pourquoi pas?  Mais  quel mode d’emploi et quel système énonciatif pour s’adresser au public? Quelle place donner au narratif et aux dialogues,  et surtout comment passer de l’un à l’autre? Bref, un sérieuse recherche et de mise en scène.

Ici, d’autant moins facile sur ce petit plateau serré entre deux piliers dans une cave aux beaux murs de  pierre blanche. Et c’est dire toute l’importance donné au texte, comme au jeu. un n travail d’équilibriste… que n’a pas vraiment réussi à maîtriser la metteuse en scène. Ce bon titre a quelques chose de théâtral. Oui, mais comment garder l’essentiel d’un ouvrage sociologique? David Ruellan et Béatrice Vincent font le travail mais peinent à convaincre: il y a trop souvent de la criaillerie dans l’air
Anne Veyry semble  consciente de la difficulté à transformer cette étude sociologique en théâtre: « En effet, à la parole incarnée et à la parole récitée, s’ajoute un troisième type de parole: celle de l’analyse pure. Comment rendre compréhensible et vivante la réflexion? Comment faire surgir le jeu à l’intérieur de l’analyse ? Comment créer du rythme et de l’humour avec une matière analytique ? C’est en creusant ces questions que la mise en scène de Panique dans le seizième ! s’est construite. »
Mais cette valise qui s’ouvre et devient table encombrante dans cet espace réduit: celle de l’amphithéâtre à Paris-Dauphine ou le bureau des sociologues, n’est sûrement pas une bonne idée. Même si pour la metteuse en scène, « elle symbolise le voyage des sociologues sur cette terre des ultra-riches ».
A ce spectacle sympathique, il manque des personnages plus consistants et une dramaturgie solide: il y a ici quelque chose de répétitif et la direction d’acteurs est souvent faible. Reste le plaisir de découvrir pour ceux qui ne le connaissaient pas, un fragment de l’histoire de la capitale, emblématique du pouvoir socio-économique de ces privilégiés,  au XXI ème siècle …Un espèce qui, elle, dans tous les cas de figures politiques, ne semble pas en voie de disparition.

Philippe du Vignal

Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre-au-Lard, Paris ( IV ème). T. : 01 42 78 46 42.
 
 

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