Jon Allen

Jon Allen


Comme beaucoup, cet artiste britannique a commencé à neuf ans, par lire un ouvrage: Little Black Book of Magic de Blackstone. Curieux, il voulait savoir comment les choses fonctionnaient et les tours lui semblaient donc être une bonne voie à explorer. Ses parents lui ont alors fait le cadeau d’un coffret de magie et il a ensuite acheté des tours pour s’entraîner.
Après l’Université, il a voyagé deux mois en été aux États-Unis et ailleurs. «Nous aimons tous faire des tours et beaucoup en ont les capacités mais ajouter une présentation et un style, cela relève d’une autre compétence ! A la dernière soirée à l’Université, j’étais allé au restaurant où il y avait, par hasard, un magicien. J’ai commencé à lui parler de son travail et cela m’a donné l’idée de transformer mon passe-temps en une source de revenus et j’ai pu obtenir un premier emploi dans un restaurant. Mon père, chauffeur de taxi, véhiculait un gérant de restaurant à Londres et lui a parlé de moi. Cet homme lui a donné son numéro pour que je l’appelle et, après quelques mois de travail chez lui,  j’y ai rencontré Marvin Berglas qui m’a invité à venir au Marvin’s Magic : sans doute la plus grande chance de ma vie… J’ai aussi travaillé dans un autre restaurant. » Des étapes importantes pour Jon Allen: il voit alors que la magie fonctionne dans le monde réel mais  qu’il faut arriver à se connecter aux profanes. 

© Sarah Larson

© Sarah Larson

Il n’a rencontré aucun obstacle pour être magicien à plein temps: ses parents voulaient qu’il ait un emploi traditionnel et un salaire fixe. Après que leur fils ait remporté le concours de close-up d’I.B.M. aux États-Unis, ils ont réalisé que c’était peut-être la voie à suivre et ils l’ont pleinement soutenu.
«Mais, dit-il, on doit avoir plusieurs compétences: techniques, psychologiques, créatives… Il y a de nombreux illusionnistes techniquement plus compétents que moi mais cet ensemble de compétences m’ont permis d’être celui que je suis. Il faut avoir aussi une capacité à analyser un effet et avoir une bonne présentation.
Pour moi, il est important que je me demande : « Pourquoi un public devrait-il se soucier de ce que je fais? » Cette question est liée à la capacité de «présenter» la magie, plutôt que la «montrer» et  être une personne intéressante. Il faut avoir une force de réaction rapide aux commentaires du public. Je prends note de ce qui se produit sur le moment et en posant des questions, suis heureux de créer des situations dont je ne connais pas la réponse.

Ainsi, les spectateurs savent qui je suis vraiment et je ne me contente pas de répéter un script mais j’interagis, et cela fait une énorme différence… Mais dans le domaine commercial, les professionnels sont là pour m’aider. » Il s’est surtout concentré sur la magie de proximité et le stand up. Au Royaume-Uni, il y a beaucoup plus de lieux et d’opportunités mais il y a eu chez lui au fil des ans, une transition vers la magie de salon et de scène La magie de proximité et celle de salon sont mes préférées et c’est pour cela qu’on m’engage. J’ai plus de mal avec les grandes illusions scéniques qui semblent être des énigmes à résoudre et  qui n’ont souvent aucun sens. »  Il participe aussi  à de nombreux événements d’entreprise ou privés.
Il a vu régulièrement à la télévision Paul Daniels, Wayne Dobson et David Copperfield mais aussi Daryl, Dan Harlan, Chad Long, Garrett Thomas, et surtout David Williamson qui a littéralement changé sa vie. «Sans lui, je ne serais pas l’artiste que je suis aujourd’hui et je ne pense pas être le seul à le dire. Son humour, ses talents de manipulateur et conteur sont admirables. Il est important que les illusionnistes s’inspirent d’artistes d’autres disciplines comme pour moi: Victor Borge, Bob Newhart, Eddie Izzard et Robin Williams.
David Williamson l’a touché comme personne. « Son style, m’a donné le feu vert pour apporter un sens de l’humour élargi à mes spectacles, comme Robin Williams qui lui aussi, a cassé les règles de ce que devrait être une performance. » Quel conseil donner à un débutant? A cela, il répond le plus souvent en quelques mots : « se demander toujours pourquoi réaliser un tour ? Pourquoi devrait-on se soucier de ce que je fais ?  Pourquoi je dis ça?». Ou à un niveau supérieur : pourquoi faire tel geste, ou utiliser tel accessoire ? Quand la réponse est fondée sur la méthode, elle est mauvaise par rapport à la question posée.
« Mais il faut aussi travailler sur qui on est et sur l’impression qu’on veut donner et pour qu’on ait un aperçu de vous en tant que personne et qu’on ne voit pas un artiste vide de sens… Si vous êtes beau et attirant, je vous déconseille le genre : regardez-moi! Cela vous rendrait «unidimensionnel! Le public s’intéresse à ceux auxquels il peut s’identifier, plutôt qu’à un artiste anonyme et égocentriste. Même avec un spectacle silencieux, on peut arriver à séduire grâce à la musique et à l’expression corporelle. »

Jon Allen a un regard mitigé sur l’état de son art et,, pour lui, « ceux qui révèlent en ligne ses secrets, n’ont pas leur place dans la fraternité de notre corporation et se contente d’exploiter le terrain…  Et celui qui leur donne un laissez-passer, est tout aussi mauvais. Dans l’ensemble, je pense que la magie actuelle est en bon état et beaucoup de confrères font des spectacles sur scène ou à la télévision. Penn et Teller présentent des magiciens incroyables à un public mondial. Même, dans des émissions comme Got Talent, ils s’en sortent incroyablement bien. Je ressens chez de nombreux amis, une dépendance à un accessoire et ils voudraient qu’il fasse tout ou presque. J’ai vu souvent cela, chez ceux qui ne prennent pas le temps d’apprendre. Quand on est trop dépendant d’un accessoire, les bases sont oubliées ! Nous devons faire en sorte que tout paraisse naturel, « invisible »… »

Subtilité, diversion, diversion temporelle, psychologie permettent de créer un effet sans gadget. La magie progresse toujours mais ceux qui qui en étudient les techniques et l’histoire, sont mieux équipés pour avancer. Depuis quelques années, avec les avancées technologiques, un nouveau type d’illusions est arrivé et il y a de nombreuses «applications ». Certaines incroyables mais les autres ressemblent simplement… à une application. Il y a une grande différence entre un spectateur s’étonnant d’un tour manuel et celui, impressionné par une technologie virtuelle. Bien fait, notre art pourra encore et toujours, rivaliser avec d’autres formes de divertissement.
La Culture joue un rôle important dans les répertoires mais, avec des approches spécifiques : l’Espagne est ainsi connue pour ses tours de cartes, l’Asie, pour ses numéros de manipulation, et le Royaume-Uni, pour ses magiciens comiques.» Le public est beaucoup plus susceptible de s’intéresser à un spectacle auquel il peut s’identifier mais il y a une différence dans l’humour visuel, les styles musicaux en Europe, et au Royaume-Uni. L’artiste peut être drôle, et le numéro étrange mais quand le style d’humour vise un public culturellement bien ciblé, vous serez mieux apprécié.
Côté loisirs, Jon Allen a commencé à aller dans une salle de sport mais adore aussi cuisiner avec deux friteuses à air. Il bricole, voit des films en tout genre et les actualités dont il s’inspire souvent et auxquelles il fait référence dans ses spectacles. « C’est beaucoup plus facile en close-up que sur scène, dit-il. Mon style est plus conversationnel, qu’entièrement scénarisé. Mais bien sûr, être avec ma famille est le meilleur des passe-temps! »

Sébastien Bazou

https://www.onlinemagicshop.co.uk/
Interview réalisée le 21 octobre à Dijon, (Côte d’Or).

 

 

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