Notre comédie humaine d’après Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes d’Honoré de Balzac par le Nouveau Théâtre Populaire

Notre comédie humaine : Les Belles illusions de la jeunesse et Illusions perdiue d’après Illusions perdues d’Honoré de Balzac par le Nouveau Théâtre Populaire

 Cette compagnie qui fait sa première apparition sur une scène parisienne, a ravi le public par son approche cohérente de l’œuvre, passant du kitsch d’époque à une fable tragique où les personnages ne sont plus que les fantômes d’un cauchemar. Née en 2009 dans un jardin l’été à Fontaine-Guérin, un village de mille habitants au cœur du Maine-et-Loire, elle y a construit un théâtre de plein air pour monter en peu de temps, des grands classiques de la littérature dramatique, en pratiquant un tarif unique, cinq € la place. Quinze ans et une soixantaine de créations plus tard, le N.T.P. compte vingt-et-un membres permanents et a un fonctionnement démocratique. Son manifeste stipule: « 1. Nous prenons les décisions collectivement : par consensus, vote à bulletin secret ou à main levée.2. Nous présentons toujours plusieurs pièces, mises en scène par différents membres de la troupe. (…) 4. Tous les membres de la troupe participent à plusieurs spectacles.»

© N.T.P.

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Lucien, jeune provincial sans fortune, rêve de monter à Paris pour y atteindre la gloire littéraire. Honoré de Balzac raconte ses aventures dans ces romans-clés de la Comédie Humaine : Illusions perdues, publié entre 1837 et 1843, et Splendeurs Misères des courtisanes, entre 1838et 1847.  Le collectif Nouveau Théâtre Populaire le présente en triptyque, avec des mises en scène de style différent, dans une scénographie unique mais évolutive. Soit pour le spectacle vu en intégralité, six heures trente dont une d’intermèdes, et une autre d’entractes.

Le premier spectacle correspond au début d’Illusions Perdues : Les deux poètes et prend la forme légère d’une opérette ,Les Belles Illusions de la jeunesse. Le deuxième est une satire politico-médiatique, récit des tribulations de Lucien dans la jungle parisienne, tiré du second chapitre du roman, Un grand homme de province à Paris. Enfin, Splendeurs et Misères, adaptation de Splendeurs et misères des courtisanes, est un drame policier sur fond de spéculations financières. Il est peut-être préférable de voir cette trilogie dans sa continuité mais cette opérette, suivie d’une comédie, puis d’une tragédie fonctionne aussi séparément.

Les Belles illusions de la jeunesse, adaptation et mise en scène d’Émilien Diard-Detœuf

La troupe nous accueille en chanson devant le décor en carton-pâte d’un petit théâtre provincial: «Soyez les bienvenus dans nôtre co co co comédie humaine (…)  Le ciel est un théâtre et le monde une scène. Nous faisons des chansons des livres les plus longs… »Honoré de Balzac (Frédéric Jessua) vient situer l’action et les personnages de son roman. Nous sommes à Angoulême, en 1821, au temps de la Restauration. Perchée sur son rocher, la ville haute abrite la noblesse et le pouvoir et en bas, au bord de la Charente chez les roturiers, on fait du commerce et de l’argent.
En haut, la belle Madame de Bargeton (Elsa Grzeszczak) s’ennuie auprès de son vieux mari (Joseph Fourez), entourée de quelques courtisans : le fat et hypocrite Sixte du Châtelet (Flannan Obe) et des médisants (Francis du Hautoy, Kenza Laala et Morgane Nairaud). Entichée de littérature, elle cherche à jouer les muses. Lucien (Valentin Boraud) deviendra son protégé.

© N.T.P.

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En bas, le poète en herbe, enrage de ne pouvoir percer dans le monde : il est pauvre et sa mère, née de Rubempré, a dû renoncer à sa particule, en épousant le pharmacien Chardon. Il trouve un soutien moral auprès de son ami David Séchard (Émilien Diard-Detœuf), imprimeur et inventeur, et de sa sœur Eve, une blanchisseuse (Morgane Nairaud). Accompagné par Sacha Todorovau piano, ces personnages vont nous faire vivre en chansons, une double idylle : Anaïs de Bargeton s’enfuit à Paris avec Lucien Chardon, en espérant avoir l’aide d’une cousine, la Marquise d’Espard. Et Eve épousera David Séchard
La musique de Gabriel Philippot met en valeur la finesse des paroles. Les arrangements puisent aux sources de l’opérette, de Jacques Offenbach, puis à George Gershwin. Le compositeur a aussi dirigé les chanteurs et le chœur des Angoumoisins friands du qu’en dira-t-on, leur ville étant, comme Paris par la suite, une composante de cette histoire. Le metteur en scène signe un livret habile et malicieux où Honoré de Balzac, sous une apparente légèreté, critique férocement une société désuète, engluée dans ses préjugés de classe.

 

Illusions perdues adaptation et mise en scène de Léo Cohen-Paperman

Débarrassé de son petit théâtre provincial, le plateau se résume à des gradins. En haut de la pyramide, trône la noblesse, en la personne de la marquise d’Espard (Kenza Laala), entourée de ses courtisans, entre autres Madame de Bargeton et Sixte du Châtelet. Honoré de Balzac prend ici l’habit d’un cuisinier de gargote et observe son héros dans l’arène du monde littéraire et médiatique. L’auteur de La Comédie humaine sait de quoi il parle, pour avoir fréquenté les milieux qu’il évoque de sa plume impitoyable : salons mondains, cénacles littéraires, cercles libéraux ou royalistes.
Ce Balzac cuisinier expose en quelques mots la situation politique sous Louis XVIII,où c’est le règne du «en même temps» : les Libéraux correspondraient pour nous à la Gauche et les Monarchistes, à la Droite. Autour de lui, s’agitent comme dans une fourmilière : éditeurs, écrivains, auteurs dramatiques, actrices… Le fils du pharmacien, pour défaut de particule, sera rejeté par la cousine de Madame de Bargeton et relégué dans une mansarde, en attendant qu’un décret du Roi lui rende le titre de noblesse de sa mère: de Rubempré. Sûr de son talent, Lucien va alors se battre et trouvera succès et fortune dans le journalisme. Le provincial idéaliste se déniaisera et apprendra vite les ficelles d’un métier corrompu: grâce à la toute puissance de la presse, on arrive à ses fins… à condition de n’avoir aucun scrupule. Il rencontrera le succès et l’amour de la belle Coralie qui triomphe au théâtre. Mais cela n’aura qu’un temps! «Les belles âmes, écrit Balzac, arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine.» Plus dure sera la chute et l’ambitieux qui a tout perdu, envisage de mettre fin à ses jours…

Par son esthétique, la pièce nous plonge dans le monde contemporain, avec ses couleurs criardes, son amour du fric, son culte de la jeunesse, ses lumières aveuglantes et ses musiques électroniques assourdissantes. Sous l’œil amusé et les commentaires cinglants d’un Honoré de Balzac vendeur de frites, le héros navigue entre plusieurs milieux : on reconnaît dans ses voisins d’infortune-qu’il finira par trahir!-les gauchistes d’aujourd’hui. Et la salle de rédaction pourrait être celle du journal Libération… Mais il n’atteindra jamais les hautes sphères de la société présidée par la Marquise d’Espard. Une juste et divertissante traduction de notre comédie contemporaine.
La suite au prochain spectacle qui débute, lui, sur la fin d’Illusions perdues où Herrera dissuade Lucien de se noyer.

Mireille Davidovici

Du 2 au 24 novembre Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes + navette. T. : 01 43 28 36 36.
Intégrales samedi et dimanche)

Du 11 au 14 décembre, Le Quai, Angers (Maine-et-Loire).

Du 29 janvier au 1er février, Théâtre de Caen (Calvados).

 Le Ciel, la nuit et la fête: Le Tartuffe / Dom Juan / Psyché, du 15 au 18 janvier, Le Trident- Scène Nationale de Cherbourg (Cotentin) et du 22 au 25 janvier,Théâtre de Caen (Calvados).

Du 5 au 8 février, La Commune -C.D.N. d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

 

 

 

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