Si tu t’en vas, de Kelly Rivière, mise en scène de Philippe Baronnet
Si tu t’en vas, de Kelly Rivière, mise en scène de Philippe Baronnet
Ce n’est pas le titre d’un chanson sentimentale mais un tête-à-tête entre une professeure et son élève : d’elle ou lui, qui aura le dessus dans ce huis-clos tendu ? Après le succès du solo, An Irish Ssory, une histoire irlandaise, l’autrice a reçu commande du metteur en scène Philippe Baronnet, d’un texte court qui traiterait des relations conflictuelles entre parents et enfants, et du fossé qui se creuse entre les générations.
Kelly Rivière choisit de parler de l’école et met en présence Nathan, dix-sept ans et Madame Ogier, sa professeure de terminale. Il lui annonce qu’il veut quitter le lycée et aller à Dubaï : il rêve de faire fortune avec la vente en ligne de baskets, un commerce qui lui rapporte déjà gros. Il ne voit pas son avenir dans la ferme familiale où endetté, son père déprime depuis que sa femme l’a quitté. L’enseignante va essayer de dissuader Nathan : pourquoi abandonner ses études sur un coup de tête pour un projet nébuleux ?
Il la traite de «tueuse de rêves» mais elle réplique qu’il peut envisager un autre avenir après avoir passé le baccalauréat. Mais lui ne croit pas à l’ascenseur social de l’école, ni à la valeur de ce qu’on lui enseigne et il se moque d’elle, la trouve vieux jeu, parce qu’elle ne connaît pas Instagram… Dans cette salle de classe vide et impersonnelle, le cours terminé, il faut beaucoup de persévérance à cette professeure-jouée avec talent par Kelly Rivière- pour ne pas sortir de ses gonds et trouver la bonne distance avec le jeune homme. Et comment défendre un système scolaire en panne ?
Inévitablement, l’enseignante et son élève (Pierre Bidard,) ont des échanges plus personnels, trouvant chacun de leurs arguments, dans leur vécu. Ils finiront par se confier l’un à l’autre mais sans que jamais naisse un vrai terrain d’entente. Et leur duo ressemble de plus en plus à une scène de ménage ou de famille mais à fleuret moucheté. L’autrice a su trouver les mots justes pour chaque personnage. Et la professeure a une bonne dose d’humour, même si, elle perd quelquefois les pédales ou trahit ses sentiments par des lapsus. Au final, une tendresse souterraine nait entre les protagonistes.
Des résidences en milieu scolaire ont permis à l’équipe artistique d’affiner le projet et filmer les témoignages d’élèves et professeurs. Certains visages sont projetés en ouverture du spectacle, histoire de nous mettre dans le climat de la confrontation qui va suivre. Ils traduisent brièvement les opinions contradictoires qu’ils ont les uns, des autres et les questions qu’ils se posent. Juste et bien interprétée, la pièce met le doigt sur un certain nombre de problèmes, alors que s’ouvre le procès Samuel Paty, quatre ans après son assassinat.
Il serait bon comme le propose Philippe Baronnet, que ce spectacle soit joué dans les classes. Les théâtres qui le programment, s’y emploient. «Je ne doute pas que le personnage de Nathan trouvera beaucoup de résonance chez les lycéens, dit Kelly Rivière, mais j’aime autant que les jeunes et moins jeunes, soient réunis pour partager la même représentation. » Si tu t’en vas est à voir en famille et espérons qu’un maximum de parents et enseignants iront le découvrir. Kelly Rivière est une autrice à suivre et donnera son prochain solo, La Vie rêvée aux Plateaux Sauvages en février.
Mireille Davidovici
Les 4, 11, 18 novembre et les 5, 19, 29 novembre puis les 3 et 17 décembre, Théâtre La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.
Le 19 décembre, Théâtre Municipal # lycée C.F. Lebrun, Coutances (Manche).
Le 13 janvier, Scène Nationale de Dieppe (Seine-Maritime), lycée agricole Pays de Bray, Brémontier-Merval (Seine-Maritime) ; le 15 janvier Théâtre de la Ville, Saint-Lô #MFR de Percy (Manche).
Le 6 mars, Théâtre du Château, Eu (Seine-Maritime) e le 20 mars Athénée-Théâtre de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).
Et à partir du 1er avril, Théâtre de la Scala.