Nos Matins intérieurs ,mise en scène de Nicolas Mathis,conception musicale deChristophe Collette

Nos Matins intérieurs ,mise en scène de Nicolas Mathis,conception musicale deChristophe Collette

Programmé à la Grande Halle de La Villette, en ouverture de Nuit du Cirque qu’organise Territoires de Cirque*, ce spectacle exceptionnel mêlant intimement jonglage et musique, prouve, une fois de plus, la grande richesse du cirque de création. Des cubes empilés, déplacés, éparpillés, disposés en labyrinthe, constituent le terrain de jeu du quatuor Debussy et des dix jongleurs du collectif Petit Travers. Les balles blanches fusent dans l’espace, en tout sens, à jets continus, rattrapées et relancées, ballet perpétuel, sur des airs d’Henry Purcell et Marc Mellits. Christophe Collette et Emmanuel Bernard (violons), Vincent Deprecq (alto) et Cédric Conchon, (violoncelle) jouent et se déplacent avec la même grâce que les circassiens.

©Blandine Soulage

©Blandine Soulage

Être ensemble, voilà ce qui importe quand on jongle au rythme des instruments : mouvement et musique en parfaite synchronie. De cette harmonie naissent d’étonnantes images. Eyal Bor, Julien Clément, Rémi Darbois, Amélie Degrande, Bastien Dugas, Alexander Koblikov, Taichi Kotsuji, Carla Kühne, Emmanuel Ritoux, Anna Suraniti se déploient vivace, lento, vivace…, en rangs serrés ou en farandole, tout en s’envoyant des volées de balles. On les retrouve là où on ne les attend pas, toujours sur le qui-vive, à guetter l’objet qui leur tombe du ciel. Quelques solos acrobatiques émaillent ces scènes de groupe. Quand, aux balles, succèdent des bâtons, les circassiens défient la gravité, les portant sur leur front, ou se les lançant au risque de les faire tomber. Ce qui n’arrive jamais.

© Blandine Soulage

© Blandine Soulage


Les lumièresd’Arno Veyrat font merveille sur ces belles compositions scéniques impulsées par la musique. Le Quatuor Debussy impose tempo, vitesse, durée des séquences : « la musique nous déplace, et fait chanter nos gestes », disent les acrobates qui prennent parfois le temps de l’écouter.
Les fantaisies baroques de Purcell engendrent des gestes déliés, sur une grande variété de tempos.
En contraste, les compositions de Marc Mellits, inspirées du rock ou de la musique répétitive actuelle, offrent un paysage sonore entre mélancolie et rudesse: le son voyage d’un instrument à l’autre, comme bâtons et balles entre les mains des jongleurs.

Il arrive aussi aux artistes de prendre la parole. Ces brefs instants où chacun se dévoile s’insèrent avec grâce dans l’économie générale de Nos matins intimes. Une belle traversée visuelle et musicale proposée par des artistes virtuoses. En vingt ans, Petit Travers, fondé par Julien Clément et Nicolas Mathis, a développé un répertoire de neuf pièces, jouées à travers le monde. Le collectif, installé en 2014 à Villeurbanne, a mis en place un espace de travail : l’Établi, salle de répétition, lieu de stockage et bureaux. En plus de Nos matins intérieurs, quatre pièces du répertoire sont en tournées (Pan- Pot ou modérément chantant, NUIT, Encore la vie et S’assurer de ses propres murmures et quatre courtes pièces: Formule, Ornements, Fragments et Dehors.

En trente ans, le Quatuor Debussy a joué aux quatre coins du monde. Il a obtenu la Victoire de la musique1996 et enregistré plus de trente disques (intégrale de Chostakovitch, musique française, américaine, jazz, musique actuelle, comptines…) Il est aussi un habitué des scènes de danse avec Maguy Marin, Anne Teresa De Keersmaeker, Wayne Mac Gregor, Mourad Merzouki…., de théâtre ou de musiques actuelles, tout en enseignant au Conservatoire de Lyon et animant des ateliers pédagogiques auprès de personnes âgées, enfants détenus, malades…. Il organise depuis 1999 une Académie d’été, dans le cadre de son festival Cordes en ballade en Ardèche.

 

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 1er décembre, La Villette, Espace Chapiteaux, Parc de la Villette ( cotée Porte de la Villette) Paris XlX e T. 01 40 03 75 75

 *Fondée en 2004 dans l’élan de l’Année des Arts du cirque, l’association Territoires de Cirque rassemble aujourd’hui soixante-deux structures – dont les quatorze Pôles Nationaux Cirque – engagées dans le soutien à l’émergence, la création et la diffusion du cirque.

 


Archive pour 23 novembre, 2024

Les Dernières Geishas, mise en scène et interprétation de Shingo Ôta et Kyoko Takenaka

Festival d’Automne à Paris

 Les Dernières Geishas, mise en scène et interprétation de Shingo Ôta et Kyoko Takenaka

Le mot japonais geisha signifie : «personne pratiquant l’art» et dépositaire de la tradition. Danse, musique (tambour et instruments à cordes), chant, poésie, calligraphie, maniement de l’éventail… une geisha doit avoir toutes ces compétences. Contre rémunération, elle tient souvent compagnie et distrait les riches hommes daffaires, à l’occasion de banquets, cérémonies du thé ou événements prestigieux.

Les premières ont été des hommes mais, au XIX ème siècle, cette profession devient exclusivement féminine. Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, elles étaient très nombreuses, notamment à Kyoto. Puis, leur nombre a diminué et il en reste environ cinq cents. Leur formation commence à l’adolescence et dure cinq ans. Aspect physique codifié: visage maquillé en blanc, lèvres en rouge vif, cils et sourcils en noir, chignon traditionnel sophistiqué, semelles compensées de bois, kimono en soie aux caractéristiques variant selon l’âge. L’amalgame entre geisha et prostituée traîne à tort dans l’imaginaire des Occidentaux….
Le cinéaste et comédien Shingo Ôta, et l’actrice Kyoko Takenaka ont rencontré ces femmes qui continuent de faire vivre cette culture. Ils ont suivi leurs cours et répété leurs danses, et ont joué dans les banquets traditionnels. Nous les retrouvons sur scène en kimonos appartenant à Hidemi, la dernière geisha de la station thermale de Kinosaki. La pièce a été jouée sous une forme plus courte, au Japon, dans les villes où il y a encore des geishas, comme Kyoto et Kanasawa.

© Pierre Grosbois

© Pierre Grosbois

Pour ces représentations, les artistes ont ajouté des extraits des vidéos réalisées quand ils sont allés dans les écoles de geishas. Ils montrent en particulier, leurs répétitions avec Hidemi, qui est venue les rejoindre aux saluts. Après une partie proche d’un théâtre documentaire, Kyoko Takenaka interprète une danse gracieuse, Itako dejima, puis Shingo Ôta, joue une performance plus virile, Yakko-san, un moment bouleversant les codes traditionnels et qui fait basculer le spectacle vers une représentation plus iconoclaste.

La comédienne veut édicter de nouvelles règles pour la geisha: entre autres, s’assoir un peu durant la cérémonie et manger les restes du banquet pour éviter le gaspillage alimentaire. Ces artistes se lancent aussi dans une danse illustrant deux moments emblématiques de la victoire japonaise aux Jeux Olympiques de Tokyo ! La musique du guitariste Kazuhisa Uschihashi qui les accompagne, s’inspire de l’ambiance sonore des banquets traditionnels.

On retient de cette pièce, un touchant travail de mémoire sur le monde perdu de l’ancien Japon. Comme le dit justement Shingo Ôta, dans un beau monologue: « On dit que nous mourons deux fois. La première, quand notre corps s’éteint. La seconde, quand notre existence disparaît de la mémoire de celles et ceux qui sont restés. » ( …) «Grâce au travail de transmission de mes prédécesseurs, les codes de la danse traditionnelle sont parvenus jusqu’à nous. Je les remercie de nous faire revivre, par leur savoir, les paysages et les coutumes des anciens. »

 Jean Couturier

 Spectacle joué du 15 au 19 novembre, Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Jacques Chirac, Paris (XV ème). T: 01 44 37 95 95.

 

 

 

Requiem pour les vivants, texte et mise en scène de Delphine Hecquet


Requiem pour les vivants, texte et mise en scène de Delphine Hecquet

©x

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Ainsi est faite la vie théâtrale en cette fin d’année, ce spectacle créé à Bayonne est le second des cinq derniers que nous avons vus en une semaine. Après celui de Maëlle Puelchoutres à Mantes-la-Jolie, puis de Cécile Feuillet à Paris, avant ceux de Marion Pélissier à Marseille et d’Aurélie Namur à Montpellier dont nous vous parlerons très vite. Point commun : ces pièces ont toutes été écrites et mis en scène par des autrices, et c’est tant mieux. Malgré les rigueurs budgétaires actuelles, quelque chose  bouge enfin dans le théâtre contemporain…

Corniche Kennedy à Marseille, l’été: des jeunes filles et garçons gens vont se baigner et plonger dans la mer du haut des rochers. La grande excitation: disparaître pour mieux revenir quelques secondes après à la surface et se sentir encore plus fort, plus vivant. Le plaisir aussi de vivre collectivement une expérience dangereuse, en oubliant les règles émises par les autorités et parents.« Moi j’ai besoin de ça, dit Marthe, j’ai besoin d’avoir des points de côté. Quelque chose qui me rappelle que je suis fragile. Si tu restes là, au bord, t’auras jamais de point de côté, alors peut- être que ça te rassure, mais moi c’est tout le contraire. J’ai compris ça très tôt, qu’il fallait que je me souvienne que je suis fragile et que quelque chose d’extérieur me le rappelle. »

Mais Jonas qui avait mal anticipé son plongeon, se tuera sur un roc. Fin de la récré… Fin de l’adolescence? Choc, puis sentiment de colère devant qui est vu comme une injustice,  perte irréparable, longue tristesse absolue, puis acceptation de cette mort accidentelle avec, toujours devant soi malgré les années qui passent, l’ombre de ce jeune disparu. Cela nous a fait penser à une tragédie des années cinquante:  au fronton de Guéthary, un village proche de Bayonne, un adolescent avait été foudroyé par une pelote basque qu’il avait reçue sur la nuque. Envoyée par la chistéra de son meilleur ami avec lequel il jouait paisiblement, un soir de printemps…
Là aussi, intense douleur de leur bande: la mort brutale d’un jeune est toujours considérée comme profondément injuste. Ici, les amis de Jonas vont devoir aller l’annoncer  à Hélène, sa mère… vite désemparée et en pleurs. Une scène de toute beauté malgré ces effroyables circonstances.  Delphine Hecquet a pris soin de ne pas tomber dans le pathos et fait habilement répéter plusieurs phrases en boucle, comme pour mieux exorciser verbalement  les choses

 

 Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Sur le grand plateau au sol noir, l’appartement de cette famille, avec au-dessus, un plateau de jeu sans garde-fou mais très bien conçu par Matthieu Sampeur et où les acteurs joueront aussi et sauteront derrière dans le vide. Une belle évocation du danger… On tremble pour les acteurs!Côté cour, un gros rocher. Et en fond de scène, un grand écran où se succèderont les titres des épisodes, jusqu’au Requiem final et surtout les  images de baignades en groupe de ces jeunes et un corps flottant les bras étendus sur l’eau bleu émeraude comme si le nageur faisait la planche.Magnifique symbole du thème du spectacle: un aller et retour permanent entre la vie et la mort…

Au début, peu de paroles mais surtout des danses impeccablement chorégraphiées par Angel Martinez Hernandez et Vito Giotta, de la compagnie La Horde. Ces jeunes gens, comme hélas souvent! après un accident de la route d’un copain voire de plusieurs, sont accablés mais devront apprendre à faire leur deuil et essayeront de survivre en s’entraidant : pas d’autre choix. Pour eux, est brutalement arrivée l’obligation de voir la vie autrement qu’elle n’était jusque là… Et cela, l’autrice le dit très bien. La mère elle-même, montera là-haut avec eux pour vaincre ses peurs. Ils bâtissent alors ensemble une façon de transformer cette absence en présence.

Corniche Kennedy, un  roman de Maylis de Kerangal, a aussi ce même point de départ mais ici, pas d’histoire de drogue, simplement un plongeon mal anticipé et c’est la tragédie… Cet apprentissage de la mort arrive à un moment de la vie où on s’allonge sur les plages ensoleillées et où on plonge dans la mer. La mort obsède Delphine Hecquet: « Je ne suis ni croyante, ni une scientifique confrontée en tant que médecin. J’éprouve beaucoup d’absurdité et de violence dans le fait que nous construisions toute notre vie des choses, et que la mort y mette un point final. L’écriture est une manière d’y répondre, puisqu’on laisse des traces. (…) Nous essayons de montrer comment les vivants se débrouillent-pas si mal que ça finalement ! J’aimerais être croyante pour obtenir des réponses d’un dieu mais j’en trouve beaucoup par l’écriture et la recherche avec les interprètes. D’où l’importance du corps dans ce spectacle. »

Et en effet, ici la gestuelle des personnages, seuls ou en groupe, est primordiale. Et il y a  un engagement physique permanent avec ces sauts dans le vide, un leitmotiv rappelant celui, mortel de Jonas dans la Méditerranée. Comme l’avaient fait Hervée de Lafond et Jacques Livchine pour la fin de Noces et Banquet à Blaye (Gironde) : les jeunes acteurs issus de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot sautaient depuis le haut de la forteresse de Vauban. Le public savait bien qu’il y avait un trucage mais.. comment ne pas être impressionné! Comme ici….

Delphine Hecquet a écrit et mis en scène Les Évaporés (voir Le Théâtre du Blog) et Nos solitudes. Elle crée Parloir il y a deux ans à la Scène nationale du Sud-Aquitain dont elle est cette saison artiste-compagnonne. Cette mise en scène est, comme toujours chez elle, d’une grande rigueur: danses et dialogues s’enchaînent sans à-coup et cette sorte de poème à la fois oral et très physique est remarquablement mis en scène et chorégraphié et elle dirige très bien Damoh Ikheteah, Claire Lamothe, Léo-Antonin Lutinier, Angel Martinez Hernandez, Julien Ramade, Hugo Thabaret, Mathilde Viseux. Ils montent du sol avec facilité déconcertante à l’espace au-dessus-deux mondes «celui des vivants, et celui des morts» dit-elle… Marie Bunel, actrice expérimentée,  qu’on a souvent vue au cinéma mais aussi au théâtre, entre autres dans Rêve d’Automne, une pièce de Jon Fosse mise en scène par Patrice Chéreau joue la Mère. discrète mais émouvante, avec une belle présence. Et le chant collectif final est de toute beauté.
Il y a parfois quelques trous d’air dans le texte issu d’une écriture de plateau, c’est à dire d’improvisations, et on n’entend pas toujours très bien les acteurs malgré les micros H.F quand il sont au fond de ce-trop-grand plateau nu. A ces quelques réserves près, le spectacle, encore un peu brut de décoffrage, va se solidifier très vite et mérite vraiment d’être vu.

 Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé les 20 et 21 novembre à la Scène Nationale du Sud-Aquitain, Théâtre Quintaou, 1 allée de Quintaou, Anglet (Pyrénées-Atlantiques).

Le 25 novembre, Le Parvis-Scène nationale de Tarbes (Hautes-Pyrénées). Le 27 novembre, Théâtre de Gascogne, Mont-de-Marsan (Landes).

Les 3 et 4 décembre,  L’Empreinte, Scène nationale de  Brive-Tulle (Corrèze). Le 10 décembre, Odyssées, Périgueux (Dordogne) Les 12 et 13 décembre, Théâtre d’Angoulême (Charente). Le 17 décembre, Gallia-Théâtre, Saintes (Charente-Maritime)

Le 28 janvier, Salins-Scène nationale de Martigues ( Bouches-du-Rhône).

Les 20 et 21 mars, Théâtre Liberté, Toulon (Var). Les 31 mars et le 1er avril, Le Méta-Centre Dramatique National de Poitiers  (Vienne).

Le 8 avril,  Scène nationale d’Albi (Tarn).

 

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