Trois petits cochons-les monstres courent toujours,texte et mise en scène de Marion Pellissier

Trois petits cochons-les monstres courent toujours, texte et mise en scène de Marion Pellissier

A l’origine, un célèbre conte remontant au XVIII ème, revu et corrigé depuis, notamment par Walt Disney en 1933;  Trois pourceaux vont quitter leur famille pour construire leur maison, le premier  en paille, le deuxième en bois et le troisième, en  briques et ciment, chacun pour se protéger du loup. Celui-ci mangera les deux premiers petits cochons mais tombera dans la marmite du troisième et y mourra ébouillanté.  Bruno Bettelheim dans sa Psychanalyse des contes de fées montre que ce conte doit apprendre aux enfants à ne pas s’amuser tout le temps et à être vigilant. Soit une version populaire du célèbre: Souviens-toi de te méfier, du philosophe grec Epicharme.

« Ce spectacle, dit l’autrice, ne sera pas un spectacle jeune public. La part d’enfance se retrouve dans le ludisme de l’acteur, et la part plus sombre du conte, comme c’est le cas de la mythologie, révèle de grandes figures dramatiques qui ravivent des sentiments archaïques ou du moins universels de l’Homme. (…) Le conte est ici un outil pour tisser deux trajectoires. La première est le lien qu’établit une fratrie face au mal. La pièce ne gardera que les étapes du conte. Des frères et sœurs se divisent ou se rassemblent face à leur rapport au danger. L’ainé est terrifié par le loup, c’est comme s’il se préparait depuis toujours à la confrontation(…) Face à cette menace, chaque membre de la fratrie cherchera comment vivre, quoi bâtir, comment se positionner face au danger, comment fabriquer ou déconstruire un monstre.
La seconde trajectoire est une narration sous-jacente, qui suivra la fable et évoquera la représentation elle-même, les liens entre les acteurs, les techniciens, leurs litiges, leur tendresse, leurs difficultés dans la pièce, leur solitude et leur émoi face à l’expérience de la scène, à leurs vies d’artistes. »

© La Raffinerie

© La Raffinerie

La trame de ces Trois petits cochons-les monstres courent toujours dont nous avons raté les vingt cinq premières minutes à cause du mauvais entretien des voies SNCF:  un affaissement de terrain entre Bayonne et Toulouse… Si nous avons bien compris, cela se passe dans une famille de musiciens, les Cochon, un père et une mère qui chante dans un cabaret mais qui va mourir. La fille aînée s’occupera de son père et veillera sur ses frère et sœurs. Il y a aussi un loup prédateur qui va semer la terreur.

Et la compagne du fils, un documentariste, le metteur en scène du spectacle. A la fin, nous verrons le Père seul dans un E.P.H.A.D.  et que son fils vient voir… Mais le propos est loin d’être clair. Nous aurons aussi droit aux répétitions d’un spectacle avec bribes de conversation entre acteurs et techniciens… Tous aux abris! Le théâtre dans le théâtre, un procédé qui remonte au XVI ème siècle, a été mille fois vu et sous toutes les formes! Merveilleusement entre autres, chez William Shakespeare, Molière, Marivaux, Pierre Corneille, Luigi Pirandello… Et aussi dans les comédies musicales : logique puisque la première, dit-on, aurait été réalisée par des acteurs-chanteurs-danseurs étrangers en panne de contrat à New York. Mais ici, cela fait flop!

Marion Pellissier voudrait que « la frontière entre la fiction et le réel soit nébuleuse, comme dans un rêve »… Côté nébuleux, nous sommes servis: jets de fumigène réguliers et  pénombre en permanence. Et les stéréotypes du théâtre contemporain fleurissent : arrivée des acteurs par la salle, criailleries, déménagement incessant d’éléments scéniques, grossissements vidéo de visages et de personnages dans une voiture, lumières rasantes, micros H.F., mixages du genre : une cuiller de fable, une cuiller de vaudeville, un soupçon de cinéma nouvelle vague, etc. Mais textuellement mal foutu et sans véritable unité.

Bref, ce tissage entre conte/théâtre dans le théâtre et fiction /réalité peut difficilement fonctionner! Marion Pellissier revendique pourtant avec un certain aplomb : «le mythe prend une nouvelle dimension ». Mais cela fait pschitt ! Et très vite, l’ennui s’installe et sans aucun espoir…
Ce qui aurait pu à la rigueur, être une espèce de pastiche en une heure et quelque, ne tient pas la route sur plus de deux heures et demi sans entracte, à cause surtout d’une dramaturgie prétentieuse et de dialogues bien minces .Yasmine Berthoin, Charlotte Daquet, Julien Derivaz, Steven Fafournoux, Morgan Lloyd Sicard et Sabine Moindrot font le boulot avec précision, mais, de «procédé ludique et ode aux artistes», il n’y a ici, pas plus que de beurre en broche comme disaient nos grand-mères. Un critique doit toujours être indulgent quand il y a des erreurs et qu’il n’y pas eu beaucoup de temps de répétition mais il y a des limites et le spectacle a bénéficié, en plus, d’un grand plateau comme on en trouve peu. Désolé, mais à ne pas recommander.

Philippe du Vignal

Spectacle créé et vu le 19 novembre au Théâtre de la Joliette-Scène conventionnée, 2 place Henri Verneuil, Marseille (II ème). T. : 04 91 90 74 28.

Du15 au 17 janvier, Théâtre Jean Vilar, Montpellier (Hérault). Du 21 au 23 janvier, Théâtre Daniel Sorano, Toulouse (Haute-Garonne).

Les 3 et 4 février,Théâtre de Châtillon (Hauts-de-Seine). Du 7 au 9 février, Le Cent-Quatre, Paris (XIX ème).

 

 

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