Le Dernier Voyage (Aquarius) texte et mise en scène de Lucie Nicolas

Le Dernier Voyage (Aquarius) texte et mise en scène de Lucie Nicolas

Le collectif 71, fidèle à sa ligne documentaire, nous invite à suivre la dernière mission humanitaire de l’Aquarius. Une épopée qui a défrayé la chronique : du 8 au 18 juin 2018, le navire erre de côte en côte, dans l’attente d’un port « sûr » où débarquer les six-cent vingt-neuf migrants recueillis à son bord.

Avant le départ, l’équipage se présente, détaillant les fonctions de chacun. Il y a trois équipes : les membres de l’ONG citoyenne SOS Méditerranée – qui affrète le navire -, les soignants de Médecins sans frontière, et les marins, dirigés par un capitaine. On compte aussi des journalistes : témoins des actions humanitaires, ils en sont les relais essentiels. « Sauver, protéger, témoigner », tels sont les objectifs de SOS Méditerranée. «  J’ai fait la Hongrie, Calais, la Grèce…, il me manque quelque chose qui se passe en mer », déclare un reporter du New-York Times.
Une scénographie artisanale et astucieuse plonge le public au cœur de l’action. Une armée de micros – chacun représentant un personnage – et un fouillis de câbles orange délimitent le pont du bateau où s’activent trois comédiens accompagnés d’un musicien. Saabo Balde, Jonathan Heckel et Lymia Vitte interprètent, à eux trois, des dizaines de rôles, dans l’univers sonore créé par Fred Costa. Bruitages divers, annonces et ordres au porte-voix alternent avec ses solos de saxophone. Les effets lumineux sont produit à vue par les comédiens : selon les besoins, ils allument une loupiote, règlent les projecteurs, s’équipent de lampes frontales…

L’alerte est donnée : deux embarcations en détresse sont signalées au large de la Libye, dans les eaux territoriales italiennes ! Le navire se précipite à la rescousse- il faut entre trente-huit et quarante-huit heures pour les atteindre. Une fois sur zone, les Zodiacs Easy 1 et Easy 2 sont lancés.Le temps que les sauveteurs arrivent, on peut suivre dans la pénombre le périple des migrants : des éclats de paroles nous parviennent, des bribes d’histoires comme on en a souvent entendues…

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Le premier groupe de rescapés est rapatrié sans problème sur l’Aquarius. Mais le second canot pneumatique s’est dégonflé : panique à bord, cris, pleurs. Les gens se disputent les gilets de sauvetage en nombre insuffisant. Il faut « saisir, hisser, poser » les femmes et les enfants d’abord, au risque de chavirer sous la pression de ceux qui s’agrippent aux embarcations.

Quand, après bien des péripéties, les naufragés sont enfin rassemblés sur l’Aquarius, il faut soigner les blessés, certains brûlés par l’essence mêlée à l’eau de mer, d’autres en détresse cardiaque et tous en état de choc, malgré la joie d’être sains et saufs. Sur les 629 rescapés, on compte 123 mineurs non accompagnés, 11 enfants, 7 femmes enceintes. « Vous êtes ici en sécurité, nous allons en Italie, restez calmes… », lancent les comédiens.

sans compter le refus de Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, d’accorder l’asile, obligation qui, en vertu des traités européens, incombe à l’Italie. La mise en scène reconstitue le bras de fer administratif et politique qui suivit : échanges dans toutes les langues entre les autorités portuaires et les navigateurs, tweets des services de communication du bateau… On entend les tergiversations des différents pays, quant à ouvrir leurs ports aux migrants, notamment, en France, les déclarations d’Emmanuel Macron, Éric Ciotti, Marine Le Pen… Un branle-bas médiatique !

Le spectacle nous embarque dans cette Odyssée mouvementée, à la rencontre de ses nombreux protagonistes. Lucie Nicolas a mené l’enquête : « J’ai retrouvé ceux qui étaient à bord durant ces quelques jours : marins-sauveteurs, rescapés, médecins, journalistes… (…) Des hommes et des femmes ordinaires qui ne se considèrent pas comme des héros.  » Le collectif 71 signe ici un documentaire au plus près du réel, sans sensiblerie, conçu comme un concert de paroles, sons et musique. Il rend concret le travail des humanitaires plus que jamais nécessaire en ces temps où les États referment leurs frontières. SOS Méditerranée continue sa route, mais à bord de l’Ocean Vicking: Gibraltar, puis Panama, ont retiré à l’Aquarius son pavillon, sous la pression du gouvernement italien et sans réaction de l’Union Européenne, malgré 30.000 vies sauvées en deux ans et demi.

« Nous ne pouvons accepter que des milliers de personnes meurent en mer sous nos yeux sans rien faire. Notre action de sauvetage en mer répond à un impératif moral et légal », dit Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée. Depuis 2014 plus de 30.500 personne ont perdu la vie en essayant de traverser la Méditerranée sur des embarcations de fortune. Depuis 2016, SOS Méditerranée en a sauvé 40.962». Il faut suivre cette épopée qui, espérons-le, continuera sa tournée. Avis aux programmateurs. En attendant nous recommandons un autre spectacle, mettant en scène l’Ocean Viking : Esquif (à fleur d’eau) ( voir Le Théâtre du Blog)

 Mireille Davidovici

Vu le 25 novembre à la MC 93, 9 boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis). T. :  01 41 60 72 72.

Du 4 au 22 décembre, Esquif (à fleur d’eau) texte et mise en scène d’Anais Allais Benbouali Théâtre de la Colline paris XXe

 

 

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