Une Trilogie New-yorkaise, librement adaptée de la Trilogie New-yorkaise de Paul Auster, traduction : Pierre Furlan, adaptation et mise en scène d’Igor Mendjisky
Une Trilogie new-yorkaise, librement adaptée de la Trilogie new-yorkaise de Paul Auster, traduction de Pierre Furlan, adaptation et mise en scène d’Igor Mendjisky
« De quoi parle cette trilogie, dit le metteur en scène. Pour dire vrai, je ne sais pas, et donner une réponse précise et détaillée réduirait à mon sens la profondeur de ce « monument ». Peut-être que cela parle d’identité, d’écriture, de création, de solitude, de quête de soi à travers la quête des autres. Cela parle d’amour, d’amitié, du deuil et de ses conséquences, de l’enfance et de ses troubles. C’est un polar, un thriller, une fresque métaphysique, drôle, vibrante et bouleversante. C’est peut-être tout simplement l’histoire d’une ville et de son bouillonnement. Je crois que comme chaque grand roman, cette trilogie porte en elle tous les grands thèmes de la condition humaine. »
Dans Cité de verre, le premier volet de cette trilogie écrite en 85 et 86, Quinn, auteur de polar, accepte d’être pris pour le détective Paul Auster. Cela commence par un téléphone sonnant la nuit. Une voix demande avec insistance Paul Auster mais c’est visiblement une erreur.
Une cliente de ce détective lui demande d’enquêter sur Peter Stillman, un universitaire extrémiste sorti de prison: il veut tuer son fils qu’il a torturé durant toute son enfance. Quinn découvrira bientôt que ce Stillman essaye d’inventer un nouveau langage pour sauver le monde de l’incompréhension. Sous une lumière sépulcrale imaginée par Stéphane Deschamps et qui perdurera pendant tout le spectacle! un animateur de radio (Igor Mendjisky) parle au micro, en haut sur une passerelle. Il commente et introduit aussi l’action et deviendra le personnage principal dans la troisième partie du spectacle.
Dans Revenants, nous assistons à une filature de détective privé sur des années, à New York. Mais les personnages ont pour seul nom: Bleu, Noir et Blanc. Bleu, un détective privé, rémunéré par Blanc, doit suivre Noir qui ne fait rien. Bleu envoie un rapport hebdomadaire à Blanc. Bleu voudra rencontrer Noir pour en savoir plus.
Enfin dans La Chambre dérobée, un homme disparait et son grand ami épouse alors sa femme Sophie et il publiera ses écrits et adoptera son fils Ben, au risque d’y perdre son .identité. Pau Ausrer sur les bases d’un polar, nous entraîne dans une sorte quête métaphysique à New York, ville de toutes les interrogations. Et ce roman de Paul Auster, mort le 30 mars dernier, ne manque pas de saveur. Avec des thèmes comme la liberté, la solitude, l’identité et l’impression de vide qu’on peut ressentir dans une grande ville. Mais est-on ici dans un récit, un roman ou une pièce de théâtre?
Igor Mendjisky et Charlotte Farcet, sa dramaturge ont choisi de tirer la substantifique moelle de cette trilogie. En fond de scène, sous une faible lumière qui persistera pendant tout la pièce, un immeuble en briques rouges avec des escaliers ou plutôt des échelles de secours. Sur une sorte de passerelle, animateur radio (Igor Mendjisky) commente et introduit l’action et sera le personnage principal, un écrivain, dans la dernière partie. Reste à créer une certaine théâtralité à partir d’une narration et de dialogues romanesques. C’est toujours la même difficulté et là, le metteur en scène n’arrive pas à ses fins, faute d’une dramaturgie suffisamment solide. Comment adapter un roman au théâtre? C’est devenu une mode mais il n’existe aucune recette magique! Antoine Vitez avait merveilleusement adapté Les Cloches de Bâle d’Aragon sous le titre Catherine théâtre-récit mais en y mettant la distance nécessaire… Et il ne s’y est pas risqué une seconde fois.
Quand il s’agit d’incarner des personnages, comment concilier un récit en train de s’établir et arriver à créer une oralité théâtrale? Mission sinon impossible, mais très difficile avec trois romans de Paul Auster. Ici, même « joués » par des acteurs expérimentés :Gabriel Dufay, Pascal Greggory, Rafaela Jirkovsky, la lumineuse Ophélia Kolb-qui n’est pas ici beaucoup mise en valeur- Thibault Perrenoud, Lahcen Razzougui, Felicien Juttner et lui-même Igor Mendjisky. Et ces hommes et ces femmes restent des silhouettes sans consistance.
Qui trop embrasse mal étreint: Igor Mendisjky aime faire dans la longueur mais ici pas plus que dans certaines de ses autres pièces (voir Le Théâtre du Blog), cela ne fonctionne, et comme le spectacle dure quatre heures!-avec une pause de cinq minutes et un entracte de quinze-un ennui pesant s’installe vite! Malgré quelques réflexions sur l’identité et le travail d’un romancier où on retrouve un peu de ce qui fait le charme de l’écriture de Paul Auster. Et le public? Il y a eu des désertions à la pause et à l’entracte mais les applaudissements furent maigres… A vous de décider, mais mieux vaut sans doute vous replonger dans les romans de Paul Auster.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 30 novembre, Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, 31 rue des Abbesses, Paris (XVIII ème).
Les 3 et 4 décembre, Théâtre de Sénart-Scène nationale (Essonne). Le 6 décembre, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Le 10 décembre, Théâtre de Meudon (Hauts-de-Seine).