Adieu Niels Arestrup
Adieu Niels Arestrup
Mort à soixante-quinze ans. Cet excellent acteur au regard bleu d’acier dont le père était ouvrier, avait été formé, non dans des écoles classiques mais chez la formidable enseignante qu’était Tania Balachova. Il était bien connu du grand public grâce surtout au cinéma où il jouait souvent des personnages ambigus d’abord chez Claude Lelouch, Yves Boisset.. A cinquante ans, il joua davantage, notamment dans De Battre mon cœur s’est arrêté (2005) et Un Prophète (2010) de Jacques Audiard, Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier; pour chacun de ces films, il reçut un César du meilleur second rôle.
Et aussi dans Elle s’appelait Sarah, L’affaire Farewell, Villa Caprice, La Femme flic, Le Futur est femme, Parlez-moi d’amour. Il était devenu réalisateur du Candidat. Au théâtre, nous l’avions découvert en 73 dans Crime et châtiment d’après Dostoïevski, mise en scène d’André Barsacq, puis brillant dans Don Juan de Molière, Platonov, d’Anton Tchekhov, mise en scène de Gabriel Garran, et La Cerisaie du même grand dramaturge, mise en scène de Peter Brook en 82. Mais il jouait aussi bien des auteurs classiques, que contemporains. Avec toujours la même présence incendiaire d’homme qui a des comptes à régler. Ainsi en 90 dans Sade, concert d’enfers d’Enzo Cormann, mise en scène de Philippe Adrien et la même année dans Le Misanthrope de Molière, mise en scène de Pierre Pradinas. Il reçut un Molière pour Rouge de John Logan, il y a quatre ans.
Il avait aussi créé en 88 avec des moyens limités, le Théâtre-École du Passage, rue Boyer, à Paris qui avait fait référence mais avait la réputation d’avoir un sacré caractère… Nous en avions quelque chose. Venu pour faire une interview de lui à l’Odéon où il jouait brillamment dans La Mouette d’Anton Tchekhov, mise en scène par Andreï Kontchalovski, nous l’attendions à l’entrée des artistes mais il nous avait aussitôt dit que j’avais peut-être rendez-vous avec lui mais que, finalement, il n’avait pas envie de parler! Cela, avec une pointe d’agressivité et sans un mot d’excuses… Il finit par accepter une autre date mais s’était montré dur et assez méprisant, éludant les questions, ou y répondant en trois mots. Bref, le bonheur pour un journaliste…
Et il avait la réputation de s’être montré parfois assez violent avec ses partenaires féminines au théâtre En 83, quand il jouait avec elle, Mademoiselle Julie, il aurait giflé Isabelle Adjani puis avait dit que c’était elle qui avait commencé! En tout cas, elle avait, vite fait, abandonné le rôle. Quant à Myriam Boyer, il avait commencé à l’étrangler en 96 dans Qui a peur de Virginia Woolf? d’Edward Albee et avait dû lui verser 800.000 francs de dommages et intérêts.
Malgré cela, aucun doute là-dessus, ce fut un immense comédien. Requiescat in pace…
Philippe du Vignal