Re Chicchinella, d’Emma Dante ( en napolitain surtitré en français)
Re Chicchinella, un spectacle d’Emma Dante, librement inspiré du Conte des contes de Giambattista Basile(en dialecte napolitain, surtitré en français)
Le Théâtre de la Colline avait accueilli La Scortecata et Pupo di zuccher il y a deux ans. Ce spectacle est le dernier de cette trilogie inspirée par le livre célèbre de l’écrivain napolitain Giambattista Basile (1566-1632) qui a influencé, entre autres, Charles Perrault. A l’origine, Re Chicchinella est une fable: le roi de Naples souffre et la population de son royaume est inquiète. A la chasse, il a eu une grande envie de déféquer et avec les douces plumes d’une poule qu’il croyait morte, il s’essuya les fesses. Mais elle était bien vivante et le pénétra. Le roi -avec douleur-se mit alors à pondre chaque jour un œuf en or. Et qu’importe la douleur du roi, cela fit la fortune de Naples. Mais Re Chicchinella (Le Roi poule) épuisé, souffrait terriblement et attendait la mort!
« Je travaille avec le corps des acteurs dit Emma Dante. De l’orteil à la racine des cheveux, il doit parler plus que les mots. D’ailleurs, j’utilise des dialectes, le napolitain et le palermitain-langues des exclus et des pauvres-qu’on ne comprend plus. Pareille obsession du corps fait de la scène un vrai scanner. J’y déchiffre les souffrances. Jusque dans le corps social. C’est déjà les soigner un peu. »
Il y a une belle unité esthétique dans ce spectacle dont Emma Dante a aussi signé la scénographie, et les costumes. Et dès la première scène-une assemblée d’hommes et femmes à tête de poule, elle sait nous embarquer dans des images fabuleuses. Comme à la fin sur le plateau nu aux rideaux noirs-tous ces prie-Dieu disposés en ovale avec une vraie poule arrivée comme par miracle dans cette cage.
Le roi est absolument nu sous une jupe noire bouffante et toutes la cour est habillée de robes dont il ne reste plus que les crinolines. Les corps, eux, étant habillés de costumes aux gros rembourrages… Angelica Bifano, Viola Carinci, Davide Celona, Roberto Galbo, Enrico Lodovisi,
Odette Lodovisi, Yannick Lomboto, Carmine Maringola, Davide Mazzella, Simone Mazzella, Annamaria Palomba, Samuel Salamone, Stéphanie Taillandier, Marta Zollet sont tous d’excellents comédiens-chanteurs à la gestuelle impeccable. Et toute la mise en scène d’une rare exigence est sans acun à-coup et garde un bon rythme jusqu’au bout, même si le début est un peu lent. Ce Re Chicchinella préparé avec le plus grand soin par Emma Dante et déjà bien rodé, fait la part belle au loufoque et à la satire socio-politique.
Cela dit, les dialogues nous ont paru souvent un peu faibles et ne nous ont pas vraiment touché: nous avions l’impression de n’être pas tout à fait de la paroisse napolitaine… C’est toujours la même chose, que ce soit en France ou en Italie, adapter un conte au théâtre n’est pas facile et il y a forcément des longueurs, malgré encore une fois la grande maîtrise d’Emma Dante. Elle dirige avec une rigueur absolue ses treize acteurs et sait créer en une heure pile, de fabuleuses images… Que demande le peuple? La plus grande partie du public a applaudi chaleureusement, l’autre moins. A vous décider si cela vaut le coup, mais un coup de soleil napolitain dans la nuit pluvieuse parisienne, cela ne se refuse pas …
Philippe du Vignal
Jusqu’au 29 janvier, Théâtre National de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème).
Le Conte des contes de Giambattista Basile, traduction du napolitain de Françoise Decroisette , est édité chez Circé.