Exposition Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques

Exposition Piste! Clowns, pitres et saltimbanques, commissaires: Vincent Giovannoni, conservateur en chef, responsable du pôle Arts du spectacle au Mucem et Macha Makeïeff, metteuse en scène et créatrice

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Clowns,  saltimbanques, jongleurs… dompteurs d’autrefois, mais aussi de magnifiques costumes, objets, accessoires, toiles peintes, affiches, photos  et roulottes d’habitation. Une exposition à la recherche des circassiens et de leurs spectacles disparus. Nous avons connue Macha Makeïeff, autrice, metteuse en scène, réalisatrice et artiste, peu après 78 quand elle fonda avec Jérôme Deschamps, la compagnie Makeïeff et Deschamps et créa Les Précipitations, puis en 81 : En avant et dix ans après, le célèbre Lapin chasseur au Théâtre National de Chaillot. Elle a fait personnellement visiter aux critiques cette exposition qui a pour thème, le monde fabuleux du cirque où chacun a des souvenirs. Pour nous, cela a été à huit ans, dans un pauvre petit chapiteau à Houilles (Yvelines) avec quelques chevaux et surtout une merveilleuse boule à facettes qui nous avait fait tous rêver, gamins de la proche école communale.  Ici, c’est une vaste et riche exposition avec œuvres et objets appartenant au MUCEM ou à d’autres grands musées (Orsay, Clermont-Ferrand)  ou prêtés par des collectionneurs.

 

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Evocation des Ballets russes,  sculptures dont une Acrobate de Niki de Saint-Phalle mais sans grand intérêt),  des tableaux  de Georges Rouault, Fernand Léger, Marc Chagall… Et surtout Les Saltimbanques (ou L’Enfant blessé), une grande huile sur toile de 224 × 184 cms (1874) de Gustave Doré : de pauvres saltimbanques avec leur enfant mortellement blessé lors d’un numéro de funambule..  Et de Lucien Simon, une belle toile: Bigoudènes devant les tréteaux (1935-1940)Exposition Piste ! Clowns, pitres et saltimbanques dans actualites Et surtout une magnifique collection de costumes, instruments, objets … Comme ces vingt-quatre somptueux manteaux à paillettes de clowns sur des mannequins. Et juste à côté, une magnifique collection tout à fait émouvante de leurs chaussures démesurées -comme celles de Littel Tich- que des circassiens ont offert au docteur Alain Frère. Il a prêté au Mucem quelque cent soixante-dix œuvres de sa prestigieuse collection…

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Et les superbes photos en noir et blanc d’un cirque implanté à Marseille jusque dans les années cinquante. Ou celles en noir et blanc de François Tuffierd Albert et François Fratellini dans leur loge ( 1943). Ou encore  cette merveilleuse image de la trapéziste Pinito del Oro au Madison Square Garden (1954).Il y a aussi l’âne et le tigre-depuis naturalisés-qui jouèrent dans Au hasard Balthazar, un film de Robert Bresson avec, à côté, un extrait où on voit ces animaux se regarder comme des humains,  les yeux dans les yeux.


Modestes mais tout aussi émouvants, sont aussi exposés de véritables instruments de travail comme un sifflet et un tabouret de clown, des trapèzes aux cordes usées, d’anciennes malles à costumes. Et une vraie petite roulotte achetée par Macha Makeïeff.
La République n’a jamais été tendre avec les saltimbanques! Pour preuve  l’affiche (fin  XIX ème siècle) d’un arrêté préfectoral très menaçant envers les saltimbanques qui devaient respecter lieux où se produire et horaires différents l’été et l’hiver. Jules Cordière, ex-élève de Normale Sup qui avait créé en 75 avec Ratapuce-Le Palais des Merveilles, une petite compagnie de rue très souvent verbalisée, avec amende à la clé. Alors qu’il était seulement en équilibre sur une corde molle attachée entre deux arbres du boulevard Saint-Germain à Paris…(Ratapuce, alias Carolyn Simmonds,  fonda ensuite Le Rire Médecin). Plus-que-passé? Passé antérieur? Non, juste après 68, sous le règne du sinistre Raymond Marcellin, alors ministre de l’Intérieur, partisan de l’ordre musclé et devenu célèbre pour avoir fait installer des micros au Le Canard enchaîné!

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Ici, tout sonne juste dans ce parcours. Vincent Giovannoni, le conservateur responsable du pôle Arts du spectacle du Mucem répond avec précision à toutes nos questions et Macha Makeïeff qui, on le voit facilement, a travaillé avec passion et exigence depuis deux ans, explique pourquoi elle a imaginé une sorte de spectacle de théâtre. Sous les belles lumières de Jean Bellorini et les sons de Sébastien Trouvé.  Une sorte de voyage exceptionnel dans les souvenirs et ce qui fait tout le plaisir de  voir toutes ces œuvres, soit issues de grands musées soit-et souvent plus émouvantes- prêtées par des collectionneurs comme Macha Makeïeff ou le docteur Alain Frère…
« J’ai fui, dit-elle avec raison, la simple juxtaposition d’objets pour une zone qui tient du théâtre (comment faire autrement !), du spectacle forain, de ses attractions éphémères. C’est une fois que la fête est passée. M’obsède jusqu’à l’effroi : où vont les spectacles disparus, dans quels limbes ? Mon parti-pris assez maniaque est de ne pas tout montrer, ne pas expliciter le paysage pour laisser opérer la fiction. Avec comme règle du jeu, une géométrie de couleurs et des traces fantomatiques. Les images muettes du cinéma comme art forain. Je mise sur l’intelligence sensible du public, du regardeur, son plaisir à être désorienté dans ces espaces. (…) Une fois le spectacle fini, défait, nous attrape cette forme d’exil, de perdition, corps et bien. Quelle dérive, une fois le plateau vide, une fois que la danseuse de corde a quitté le fil, que le dernier music-hall a fermé, que le clown fait son sac? Quel est ce vertige qui nous prend et ce vide de l’âme, quand la scène, la piste, la loge sont désertées ? Cet après qui me hante, je veux le raconter. Pour qu’il me quitte. Les Choses et les Bêtes qui habiteront l’exposition savent le déclassement, le destin de l’artiste, sa grâce et sa misère toutes liées. Les accessoires poussés dans la coulisse, l’attirail dans une caisse, remisés, éparpillés, hors jeu, ces sublimes objets misérables se prêtent à une autre célébration, après naufrage. »

© Agnès Varda

© Agnès Varda

Et il y a encore de magnifiques images (1952) sur le Cirque de Montreuil et, inédites, du Cirque chinois faites par Agnès Varda

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© François Tuefferd Pinto de Oro

(1928-2019) qui devint la photographe officielle du Théâtre National Populaire. Mais le cirque a été une source d’inspiration fréquente pour le cinéma. Ici, des extraits de films de Buster Keaton qui, on l’oublie souvent, a aussi présenté des numéros en 47 au Cirque Medrano, au Cirque Royal à Bruxelles, de Laurel et Hardy, de Jacques Tati, petit- cousin de Jérôme Deschamps mais aussi un extrait des Ailes du Désir de Wim Wenders quand Damiel découvre Marion, une jeune exilée (fascinante Solveig Dommartin, hélas, tôt disparue), devenue trapéziste dans un cirque.

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©x Farid Chopel

Mais on peut aussi voir Charlie Chaplin, les clowns de Federico Fellini, Toto au cirque de Pier Paolo Pasolini, et cet extrait du Septième sceau d’Ingmar Bergman où il joue aux échecs contre la mort, pour que les saltimbanques échappent à son regard… Macha Makeïeff ratisse large (après tout, pourquoi pas?) et a aussi exposé une grande et belle toile de son fils mais aussi des photos de Jérôme Deschamps et de Farid Chopel: un clin d’œil à ce merveilleux acteur burlesque, disparu en 2008 qui écrivait et jouait avec grand succès dans les années quatre-vingt, ses spectacles comme Chopelia, ou Les Aviateurs avec Ged Marlon. Aussi connu pour avoir joué dans les publicités de Perrier.


Vous avez encore un peu de temps mais surtout ne ratez pas cette formidable exposition. « Une expérience intérieure, dit aussi Macha Makeïeff que je veux partager. Il faut à tout ce chaos, une règle du jeu, un tempo, une géométrie des couleurs et une fantaisie insolente sans laquelle tout resterait inerte. » Pari gagné.  Encore une fois, ne ratez pas cette exposition, une de celles-et c’est rare-qu’on a envie très envie de revoir…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 12 mai, Mucem, Promenade Robert Laffont Marseille (II ème) .  T. : 04 84 35 13 13.

 
   
   

 


Archive pour 22 janvier, 2025

Corpos d’ Hubert Petit-Phar et Augusto Soledade par la compagnie de la Mangrove

Corpos d’Hubert Petit-Phar et Augusto Soledade par la compagnie de la Mangrove 

Tous les dix ans est organisé un grand raout officiel, diplomatique, donc aussi culturel entre les pays amis que sont la France et le Brésil. Dernière célébration en 2008-2009. Corpos (2024) réunit les Antilles françaises et le Nord-Est du Brésil. Ici, danseurs guadeloupéens et bahianais. Le nom de la compagnie rappelle celui : du Grupo Corpo, fondé en 75 par Paulo Pederneiras, à Belo Horizonte, État de Minas Gerais. Il unissait expression africaine et modern dance et découvert en France à la Biennale de la danse à Lyon en 94.
Dans sa présentation de Corpos au théâtre du Fil de l’eau,  le chorégraphe brésilien Augusto Soledade qui collabore depuis deux ans avec
le Français Hubert Petit-Phar, créateur avec Delphine Cammal, de La Mangrove que le mélange des genres chorégraphiques est à la base de cette pièce. Mais ici, pas de mélange des genres tout court : auteurs et interprètes sont tous des hommes. La pièce, dit Hubert Petit-Phar, « interroge le “masculin” noir pour libérer la créativité humaine ». L’homme et le corps sont donc ici à prendre au sens le plus large.  La question, pour ne pas dire le sujet des corps, vise à interroger  les différences, à révéler les «similitudes dans ce labyrinthe foisonnant de nos cultures ». Corpos veut être aussi « une réflexion commune sur la perception et la représentation du corps noir, confronté aux stigmates, aux préjugés et « aux clichés qui l’enferment .»

 

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La bande originale aide à séparer Corpos en deux parties distinctes. La première partie de la pièce, la plus longue, la plus lente, et la plus mesurée sur des thèmes musicaux électro-acoustiques d’Anthony Rouchier, use des vocabulaires modern jazz, néoclassique et contemporain. Les mouvements ralentis et gracieux de Sebastião Abreu, Alex Lago, Hiago Ruan et Mickaël Top pieds nus, en tenue casual ou pantalon en coton et marcel, sont agréables à voir. La deuxième partie, sur des musiques à danser traditionnelles, proches de la samba, libère les corps, y compris de leur carcan textile-le jupon se substituant au grimpant. Une rustine théâtrale relie ces actes : les danseurs, recyclés comédiens, parlent d’imagination et de « trouver/chercher un chemin» en réduisant l’homme qui marche ou danse, à l’index et au majeur avançant, à même le sol. Chacun pouvant ,en solo, se mettre en valeur d’une façon ou d’une autre.

Au travail à l’unisson, aux duos, portés, poses «B» façon Maurice Béjart et aux groupes sculpturaux, succèdent acrobaties, passes de hip-hop, grandes roues qu’enjolive le déploiement de jupes colorées. Un rasta rompt le quatrième mur, comme cela devient rituel et encourage les spectateurs du premier rang à caresser ses longues tresses. Sans aller jusqu’à parler de transe, ce final est brillant et, en tout cas, festif.

 Nicolas Villodre

 Spectacle vu au Théâtre du fil de l’eau, 20 rue Delizy  Pantin (Seine-Saint-Denis); T. : 01 49 15 70.
 

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