Nos âmes se reconnaîtront-elles ? texte et mise en scène de Simon Abkarian, accompagnement musical et voix de Ruşan Filiztek, et Eylül Nazlier

Nos âmes se reconnaîtront-elles? texte et mise en scène de Simon Abkarian, accompagnement musical et voix de Ruşan Filiztek et Eylül Nazlier

Comme on le sait avec Homère, les amours d’Hélène, la belle jeune femme grecque et Pâris, le Troyen, ont déclenché une guerre mythique. L’Iliade et l’Odyssée ont inspiré des centaines de pièces de théâtre- entre autres Jean Giraudoux , opéras, romans, films, bandes dessinées Les Grecs ont battu les Troyens, pillé la ville et le roi  Ménélas a massacré des dizaines d’hommes et Pâris, l’amant de son épouse Hélène.
« Détruite, elle se reconstruira dans la confrontation. Ivre de rage et de sang, Ménélas titube en lui-même. Lui se raconte par la perte d’un amour fantasmé. Un amour qu’il n’a su apprécier jusqu’à ce qu’il disparaisse.Jusqu’à ce que l’absence lui rende sa conscience.Jusqu’à ce qu’il trouve refuge dans les bras de la guerre.C’est sur un champ de ruines qu’il retrouvera Hélène. C’est face à elle, et grâce à elle, qu’il retrouvera le chemin de la parole. »

© antoine Agoudjian

© Antoine Agoudjian

Simon Abkarian, passionné par Homère et la Grèce antique, avait déjà écrit Ménélas rebétiko rapsodie et Hélène après la chute sur la guerre de Troie, des pièces récemment créées  (voir Le Théâtre du Blog)  avec les personnages essentiels de la mythologie grecque. Ici, se retrouvent les anciens amoureux grecs, la belle Hélène (Marie-Sophie Ferdane) et le roi Ménélas (Simon Abkarian). L’auteur et metteur en scène les fait se croiser dans la première partie dans Nos âmes se reconnaîtront-elles?

C’est un texte aux belles fulgurances mais souvent à la limite de la logorrhée, surtout dans la première partie où dans de longs monologues, Ménélas d’abord, puis Hélène qui se sentent seuls, s’expliquent sur ce qu’ils ont vécu. Lui, ne semble pas fier de la catastrophe qu’il a provoquée! il va la ficher sa petite épée sur le praticable en bois peint en rouge situé au centre du grand plateau blanc, noyé d’un léger  fumigène comme ailleurs…Pour figurer la brume marine?
Il essaye peut-être d’exorciser le sang des Troyens qu’il a tués avec cruauté: entre autres, le malheureux Pâris. Hélène, elle, dira nettement à Ménélas qu’elle se sentait abandonnée et qu’elle avait demandé à son amant  de l’emmener avec lui.

Mais le grand roi grec n’en peut plus de la guerre qu’il a menée si longtemps.  Il voudrait se rapprocher d’elle, dit qu’il l’aime et espère que cela pourrait être réciproque. Plus tard, ils se retrouveront. Lui, d’abord anonyme, les yeux bandés. Elle, jeune femme, libre et séductrice et pleine de sensualité. Ils arrivent quand même à se parler (sinon la pièce s’arrêterait là!). Ils sont grecs tous les deux, ont beaucoup de choses en commun mais on voit mal une possible réconciliation entre ce guerrier cruel, encore amoureux de son Hélène qu’il a récupérée comme un trésor de guerre. Mais Hélène, humiliée, reste profondément révoltée et accablée par la mort tragique  de son jeune amant. Et elle va le crier à Ménélas … Le temps du patriarcat a vécu et elle veut  rester libre. Là, le vainqueur de Troie a perdu la guerre

Et cela donne quoi? Un spectacle aux belles fulgurances, un peu bavard, voire même parfois laborieux… Simon Abkarian, au début, boule son texte, et on l’entend mal mais il danse bien. Dès qu’elle entre sur le petit plateau, Marie-Sophie Ferdane, simple et vraie,  magnifiquement juste et à l’impeccable diction, fascine le public. Autre atout, aussi efficace que discret: les luths et autres instruments à cordes, les magnifiques chansons des musiciens kurdes Ruşan Filiztek et Eylül Nazlie; comme à Marie-Sophie Ferdane, le spectacle leur doit beaucoup…

Philippe du Vignal

Le  spectacle a été joué au Théâtre Nanterre-Amandiers-Centre Dramatique National (Hauts-de Seine), du 16 janvier au 2 février.

Théâtre de Villefranche-sur-Saône (Saône), le 8 avril.

Théâtre Ducourneau, Agen (Lot-et-Garonne) le 6 mai.

Comédie de Picardie, en co-accueil avec la Maison de la Culture d’Amiens ( Somme)  du 21 au 23 mai.

 


Archive pour 27 janvier, 2025

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Johanny Bert

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Johanny Bert

  »L’année d’après‚ je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚ pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision -ce que je crois-lentement‚ calmement‚ d’une manière posée-et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚ pour annoncer‚dire‚ seulement dire‚ ma mort prochaine et irrémédiable‚. l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚ et paraître-peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir-et paraître pouvoir là encore décider. »
Jean-Luc Lagarce (Juste la fin du monde, première scène)

C’est l’histoire d’un homme qui retourne au Pays lointain (ce sera le titre de cette œuvre retravaillée à partir de Juste la fin du monde) dans sa famille, chez les siens-la légitimité de ce possessif sera l’une des questions de la pièce-pour leur annoncer sa mort prochaine. Louis, l’aîné, était parti en ville pour devenir écrivain. Eux, la mère veuve, le fils cadet et la benjamine n’ont jamais quitté cette France « périphérique » moyenne, avec ses petites maisons entourées d’un jardin « bien », comme dit la jeune Suzanne mais qu’elle n’aime pas. Antoine,lui, se dépatouille avec le chômage, une femme et deux gosses venus peut-être trop tôt. Et ce jour-là, ces deux vies se rencontrent, avec comme catalyseur, cette mort prochaine et pas encore annoncée.
Ce jour-là, un grand jour : il s’agit du retour du fils. Louis, le prénom de son père, est aussi celui de son tout jeune neveu. Notre Louis, « transfuge de classe», ne transmettra pas le nom : tous savent qu’il n’aura pas d’enfants, façon discrète d’évoquer son homosexualité, choses intimes qu’on ne dit pas. Mais ce jour-là, enfin, on va se parler.

 

La parole, c’est la grande affaire. Un mot de trop ou de pas assez et l’un ou l’autre se sent atteint, blessé, mal aimé, ou pas aimé du tout. A l’exception de la mère qui essaye de réunir la famille, de l’envelopper de douceur. Tous sont à vif. Antoine, le cadet, en particulier : tout effleurement est une agression, toute parole, une attaque et il faut s’arranger avec le langage.
Le départ de l’aîné a creusé un fossé social infranchissable. D’où les efforts de chacun pour travailler la langue, la préciser, la nettoyer des termes qui ne seraient pas justes et qui pourraient blesser, et qui blessent, en effet, ou au moins laissent insatisfait. Avec les comédiens, Johanny Bert ne s’est pas laissé prendre aux filets de l’écriture : il ramène cette écriture si particulière, intimidante peut-être avec ses hésitations, reprises, repentirs, à sa source vivante, la parole nécessaire et embarrassée de ceux qui ne la maîtrisent pas forcément et pour qui, elle est vitale.

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Restituer ce dimanche qui ressemble à tous les autres et à aucun autre, est essentiel. Partir à la recherche du temps perdu aussi, et du vrai moyen de «faire famille».  Pour cela, Johanny Bert fait parler les objets : pendus aux cintres, les meubles viennent se poser au besoin, table de famille, buanderie, chaise longue…et s’envolent, comme des souvenirs, marquant les époques de leur design, de leurs matériaux, créant une véritable poésie du temps qui passe. Le metteur en scène ne s’est pas interdit de faire apparaître le fantôme du père, sous la forme d’un masque à demi-souriant, et pourtant inquiétant : est-ce une invitation à la mort?

La troupe, elle, est une invitation à la vie, avec ses tiraillements. Vincent Dedienne, sobre, élégant, est ce grand frère qui écoute intensément, prend en pleine face et en plein cœur, les rancunes de son frère et l’affection débordante et brutale de sa petite sœur-elle le connaît si peu. Mais c’est avec le public qu’il partage les inquiétudes et les pensées de Louis. Et si tout disparaissait avec moi? Pourquoi ce sentiment de n’avoir pas été aimé ?
Le frère n’a pas cet espace, ce n’est pas son histoire. Et pourtant, c’est tout autant sa propre histoire : se sentir mis de côté, pas assez aimé, lui non plus. Loïc Riewer garde tout au long de la pièce la rage d’Antoine, la colère peut-être de ne pas savoir dire exactement sa colère et la souffrance qu’il déballe durant un long monologue presque final (l’auteur a quand même laissé le dernier mot à Louis) avec un souffle saisissant.
Les comédiens forment une vraie famille, c’est à dire, un de ces bizarres attelages qui tirent un peu dans toutes les directions. Astrid Bayiha est Catherine, la belle-sœur, élément nouveau et légèrement de côté dans la famille, Céleste Brunquell, petite Suzanne passionnée, impatiente et exigeante, Christiane Millet, dans le rôle de mère enveloppante, quoi qu’il se passe entre ses enfants adultes, sont parfaites, justes, chacune jouant de sa propre nature, autant que de sa fonction.
Et la pièce est aussi leur histoire, à chacune d’elles. Parfois, sans le vouloir, elles électrisent le conflit (« Tu es brutal. » dit Catherine, ce qui fait bondir Antoine. «Je te dépose en passant.», dit le frère. «Je t’accompagne en voiture. » contredit la sœur et cela s’envenime… Cette famille, c’est la nôtre, avec le drame qui n’aura pas lieu, les moments de rire et la tragédie cachée.

 La tragédie, c’est toujours le jour où… Le jour où Titus, devenu empereur, n’a plus besoin de Bérénice, le jour où Phèdre parle et où Thésée revient trop tôt. Le jour où Louis vient revoir une dernière fois sa famille : la mort n’a pas sa place sur scène comme dans la tragédie classique. Et quoi, faut-il employer les grands mots pour une simple querelle familiale? La tragédie est là et trouve son point d’orgue dans la dernière parole de Louis : un immense cri de joie, même s’il dit n’avoir pas osé le lancer dans la nuit. Comment ne pas se sentir profondément touché par un spectacle qui laisse une telle place au public et à ce que, malgré lui et sans le savoir, il apporte à la pièce? Et où plane si fort, sereinement, le souvenir de l’auteur? On n’aura pas parlé de la partie autobiographique de la pièce. Vincent Dedienne a choisi de lui donner une place en adaptant une partie du Journal de Jean-Luc Lagarce sous le titre Il ne m’est jamais rien arrivé  aussi mis en scène par Johanny Bert. On en reparlera.

 Christine Friedel

Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris (XVIII ème). T. : 01 46 06 49 24.

Juste la fin du monde, mercredi, jeudi, vendredi à 21h, samedi à 15 h et 21 h, dimanche à 16 h.

Il ne m’est jamais tien arrivé, jeudi, vendredi et samedi à 19 h.

 Les deux spectacles, les 25, 26 et 27 mars, Le Sémaphore, Cébazat (Puy-de-Dôme).

Juste la fin du monde, les 1er, 2, 3 ,4 et 5 avril, Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon (Rhône). Les 8 et 9 avril, Théâtre de Pau (Pyrénées-Atlantiques). Le 11 avril, Théâtre Odyssée, Périgueux (Dordogne).

 

Vie et destin de Vassili Grossman, adaptation pour la scène de René Fix d’après le roman de Vassili Grossman, univers musical de Yannick Deborne, adaptation de René Fix, mise en scène de Gerold Schumann

Avec ce roman achevé en 1962, mais censuré en URSS et publié seulement en 80 en Occident, le romancier russe (1905-1964) a écrit  une fresque de  son pays pendant la seconde guerre mondiale. Et la matière ne manquait pas, hélas: ghetto de Berditchev, mise en place d’un système totalitaire performant, bombardement de Stalingrad assiégée par les Allemands, laboratoire de physique nucléaire de Moscou, camps de concentration nazis, vie misérable-faim et froid-du peuple russe, guerre sur les fronts de l’Est, goulags en Sibérie, camp d’extermination de Treblinka en Pologne, Ukraine dévastée…
Il y a a ainsi  Victor Strum, un chercheur en physique  nucléaire  évacué à Kazan au début de la guerre et qui a regagné Moscou mais au risque de perdre son poste car il est juif, mais aussi Eichman!, un Juge, tous joués avec efficacité par François Clavier. La Soldate Irina, Sofia, Katia, Juge 1, La femme  (remarquable Maria Zachenska ). Un civil, Serioja, Chichakov, le soldat Stepan, Semionov,  un Juge,  un Homme (Vincent Bernard); la soldate Irina, Sofia, Katia, un Juge, une Femme (Thérésa Berger), lun  Conducteur de train,  le Soldat Sacha, Krymov, Liss, Ossipov (Thomas Segouin). Tous impeccables.

© Jennifer Herovic

© Jennifer Herovic

Sur le plateau, quelques cubes blancs et au fond sur grand écran pour des images vidéo en noir et blanc particulièrement fortes : camps avec barbelés, campagne enneigée… Et il y a souvent des dialogues très solides et bien menés: dans un camp de prisonniers russe: » Professeur Mostovskoï, compagnon de route de Lénine ! Je ne suis qu’un simple officier SS dit Liss, mais je souhaite discuter avec vous. et il lui répond: Moi, compagnon de route de Lénine, je ne souhaite pas discuter avec vous.Liss: « Je comprends parfaitement. Asseyez-vous.Je vous ai dérangé au milieu de la nuit, mais je voudrais vraiment ‘discuter avec vous. Mostovoskoi: « On m’a appelé pour un interrogatoire, pas pour faire la causette. » Pourquoi pas une causette ? (Il regarde son uniforme). Ah, mon uniforme… Je ne suis pas né avec : Vous savez, je me passionne pour l’histoire de la philosophie. Mais je suis membre du notre parti national-socialiste. Notre Führer ordonne, et nous marchons, nous, les soldats du parti. Chez vous, on aime les tortures à la prison de la Loubianka ? Si vos dirigeants, votre Comité central, vous demandait de dénoncer, de trahir vos proches, de travailler pour la Tcheka, vous pourriez refuser ? Il rit et lève ses mains. Mes mains, comme les vôtres, aiment le vrai travail, le grand œuvre. Elles ne craignent pas de se salir.(Il le regarde dans les yeux, puis quitte le regard de Mostovskoï) Quand nous nous regardons, nous ne voyons pas seulement un visage haïssable, mais nous regardons dans un miroir. C’est là, la tragédie de notre époque. Vous ne vous reconnaissez pas en nous ? Vous comprenez ? Si nous vainquons, nous, les vainqueurs, nous resterons sans vous, seuls face à un monde étranger qui nous hait. Ce sont les mêmes questions qui nous torturent, vous et moi ! Il approche sa tête, regards en parallèle. Notre victoire est votre victoire. Et si nous perdons la guerre, nous la gagnerons quand- même, nous continuerons à nous développer sous une autre forme, mais en conservant notre essence. »
Et il y a une scène bouleversante où Anna Semionovna Strum avec une lettre écrite à son fils, depuis le ghetto juif à Berditchev en Ukraine.

 

© Jennifer Herovic

© Jennifer Herovic

Mais il y a encore et toujours le même problème quand il s’agit d’adapter au théâtre un roman traditionnel ou contemporain, voire un roman-fresque de quelque mille pages comme celui-ci, inspiré du célèbre Guerre et paix de Léon Tolstoï… Comment réussir à en garder la substantifique moelle? Comment rendre vivants ces événements qui ont déjà plus quatre-vingt ans! Comment faire revivre en un temps théâtral, les très nombreux! personnages de ce passionnant mais touffu Vie et destin, en particulier les membres de la famille Chapochniko.  Et il y a des échos à la situation contemporaine, avec quelques conversations au portable… et des jets de fumigène que le metteur en scène aurait pu nous épargner.
L’auteur essaye de comprendre pourquoi il existe une forte ressemblance entre les systèmes nazi et communiste adoptés par des pays qui pourtant, se font une guerre impitoyable depuis des années. « Que chercher dans cette œuvre monumentale? L’adaptation théâtrale, dit  Gerold Schumann entend créer un lien entre la fable, l’histoire contemporaine et notre actualité bouleversée par la guerre en Ukraine. Nous allons utiliser la structure même du roman, une structure de fragment, pour créer notre fragment.
Dans une unité de temps, nous allons trouver la vie, partout, dans les décombres comme dans les situations inhumaines. Poursuivre le cheminement de l’Empire russe des Tsars, vers l’Empire soviétique, jusqu’aux tentatives de rétablissement des empires perdus de l’actuel président de la Russie. Constater les lots d’antisémitisme et de racisme qui sont les fidèles compagnons de tout Empire, en l’occurrence ici ceux de l’Allemagne de Hitler et de l’Union soviétique de Staline. Faire la différence entre les totalitarismes nazi et russe.  »

L’adaptateur et le metteur en scène ont fait un travail cohérent mais qui ne fonctionne pas bien: la dramaturgie n’est pas au rendez-vous et les petites scènes se succèdent sans véritable fil rouge. Le public a à peine le temps d’identifier les personnages qu’on passe à d’autres… joués par les mêmes acteurs, ce qui ne facilite en rien le suivi de l’action… répartie su plusieurs territoires, le tout sur plus d’une heure et demi. Bref, de quoi pousser les collégiens à un doux ensommeillement, ce dont ils ne se privaient pas. Les adultes peuvent tenter l’expérience s’ils veulent connaître Vassili Grossman. Malgré de très bonnes scènes, l’ensemble-décevant- et on a plutôt envie de relire, ou lire, ce roman devenu culte… Dommage.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 13 janvier (en séance scolaire) à la Grange aux Dîmes, Ecouen (Oise).

Et les  28, 29, 30, 31 janvier et  1 er février, ( séances scolaires et tout public), Théâtre Studio, Alfortville (Val-de-Marne).

Le 30  avril, Théâtre de l’Arlequin, Morsang-sur-Orge (Essonne).

Textes de Vassili Grossman, traduction d’Alexis Berelowitch et Anne Coldefy-Faucard, éditions Calmann Lévy.

 

 

 

 

I’m deranged, écriture, mise en scène, et interprétation de Mina Kavani

I’m deranged, écriture, mise en scène, et interprétation de Mina Kavani

Née dans un famille d’artistes, elle se forme à l’Ecole d’Art Dramatique de Téhéran puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris. Elle est réfugiée politique en France. “L’exil, dit-elle, commencé dans mon propre pays. L’exil a été imposé par la République islamique dès mon enfance; nous étions exilés dans notre maison, dans les rues de Téhéran. Nous étions des étrangers. J’étais déjà une étrangère dans mon pays, je rêvais d’ailleurs et cet exil a continué. »
Depuis sept ans elle n’a pas pu retourner en Iran.
Apparue nue dans Red Rose réalisé par Sepided Farsi, elle a été condamnée comme “actrice pornographique”!  Ce solo d’une heure est un long cri de douleur et paradoxalement aussi, un hymne à la vie. Ses souvenirs d’adolescence aux débuts de la République Islamique, correspondent à un vent de liberté. Tout en dansant,  dit-elle “J’ai construit le premier rêve de ma vie dans la brume des fumées d’opium… Tous nous étions libres et sauvages”.

©Laura Severi

©Laura Severi

Nous savons maintenant que cette liberté n’était qu’éphémère. Le danger guette toutes les démocraties occidentales, non pour des idéaux religieux quoi que! Mais pour une bascule du monde dans un ultra-libéralisme sauvage. Mina Kavani, à la présence hypnotique, nous emporte aisément dans toutes ces fractures qu’elle exprime dans un discours très intime: “Je voudrais juste trouver mon chemin maintenant que j’ai tout perdu … Tu appartiens à nulle part, tu appartiens à tes rêves et à tes fantasmes”.
L’actrice se dit prisonnière des ses rêves: le principal-et actuellement impossible-étant un retour dans sa terre natale pacifiée. Les mêmes fantasmes des personnages de 4.211 kms (voir Le Théâtre du Blog). Sur un plateau noir, Mina Kavani, aussi en costume noir, nous fait partager cette confession.
Comme chez Barbara sur scène, nous ressentons un fragilité et en même temps, une belle volonté de survie pour échapper à ce cauchemar. “Je crie, dit-elle, je danse, je ris”. ..

Jean Couturier

Jusquau 25 janvier, Théâtre de lAthénée-Louis Jouvet, 2-4 square de l’Opéra-Louis Jouvet, Paris (IX ème). T. :  01 53 05 19 19.

 

Ruination : The True Story of Medea, mise en scène et chorégraphie de Ben Duke direction musicale Yshani Perinpanayagam (en anglais surtitré en français)

Ruination : The true story of Medea, mise en scène et chorégraphie de Ben Duke direction musicale d’Yshani Perinpanayagam (en anglais, surtitré en français)

 Le mythe antique étant du domaine public et libre de droits, tout un chacun peut l’interpréter comme il l’entend. Et pour celui de Médée, nul ne s’en est privé ! Des écrivains : Euripide, Sénèque, Pierre et Thomas Corneille, Dario Fo, Léon Daudet, Catulle Mendès, Jean Anouilh, Yukio Mishima, Heiner Müller, Christa Wolf… Des compositeurs : Marc-Antoine Charpentier, Luigi Cherubini, Darius Milhaud, Iannis Xenakis, Gavin Bryars. Mais aussi des peintres: Rembrandt, Joseph Turner, Eugène Delacroix, Alfons Mucha, des cinéastes: Pier Paolo Pasolini, Lars von Trier… Et nombre de chorégraphes, chacun à leur façon: Jean-Georges Noverre, Auguste Vestris, Pierre Gardel, Martha Graham, Birgit Cullberg, Rosalia Chladek, John Neumeier, Angelin Preljocaj…

 © Camilla Greenwel

© Camilla Greenwel

Ben Duke, cofondateur et directeur artistique de Lost Dog et acteur versé dans la danse, influencé par un chorégraphe comme Lloyd Newson (DV8 Physical Theatre), nous livre sa version de la tragédie. Le texte fait allusion à Sarah Bernhardt, monstre sacré du théâtre français qui incarna Médée en 1898 au Théâtre de la Renaissance. Qui dit ruination dit : perte, destruction, dégradation, dévastation, mort dans le pire des cas, ruine tout simplement, ou ruine morale, si l’on préfère. Tous ces aspects évoqués ici dans une pièce qui prétend décrire la vraie histoire de l’héroïne. La destruction s’applique au mythe mais aussi à la manière de l’évoquer sous différents aspects. Le concept heideggerien d’abbau, que Jacques Derrida traduisit par déconstruction, s’applique donc à la forme que développe depuis quelques années, le metteur en scène et chorégraphe. Avec la danse-théâtre, expression hybride s’il en est, il applique à Médée, un traitement tragi-comique. Nullement à la belle franquette mais avec une haute exigence, une précision mathématique, des moyens de production réduits, du travail et du talent. La scénographie de Soutra Gilmour est efficiente, les éclairages de Jackie Shemesh, particulièrement soignés et la distribution exceptionnelle : Miguel Altunaga, Jean Daniel Broussé, Maya Carroll, Liam Francis, Anna-Kay Gayle, Hannah Shepherd et les musiciens : Sheree DuBois, Yshani Perinpanayagam et Keith Pun.Mots d’esprit, gags visuels et également sonores-les plus difficiles à mettre en œuvre- nous réjouissent, même si leur écoulement aurait pu être un brin plus bref…. Raquel Meseguer Zafe, la dramaturge, mène rondement la chose et rend l’intrigue limpide, ou presque. Deux chants bouleversants donnent de la profondeur à ce faux musical de West End.

La ruine peut être au singulier ou au pluriel, un peu comme enfer. Une pique est adressée à la danse académique dès l’entrée du public avec quatre moniteurs à tube cathodique, installés côté cour par Hayley Egan, diffusant en boucle un extrait du ballet Casse-noisette, au programme de Covent Garden, quand y a été créée Ruination. Le spectacle commence par une séquence infernale : un flashback, avec, d’emblée, un jugement. Sans autre forme de procès, si l’on peut dire. Comme dans quasiment tous les films hollywoodiens. Hadès (Jean-Daniel Broussé) est le Procureur, chargé d’accuser Médée. Le corps de Jason gït sur un brancard, emballé sous film plastique, corps christique sous son suaire et qui se réveillera, ou ressuscitera soudain. Perséphone (Anna-Kay Gayle) joue l’avocate du héros qu’un jury populaire (représenté par un spectateur pris au hasard) changera en anti-héros.

 Le parti-pris visant à blanchir Médée pour ses crimes n’est pas totalement nouveau. Celui de tirer du mythe, une œuvre à la fois graveet spirituelle ne fait aucun doute. Raphaël de Gubernatis qui nous a incité à découvrir cette pièce, y a noté « l’esprit d’Offenbach». Dont Orphée aux enfers fut créé au Théâtre de la Gaîté Lyrique en 1874.
On pourrait ajouter d’autres ingrédients : distanciation brechtienne, anachronisme assumé à la Hellzapoppin le film de H. C. Potter (1941), solos et duos par Hannah Shepherd (Médée) et Liam Francis (Jason), ou par ce dernier avec Maya Carroll (Glaucé) sous influence punk, bruts de décoffrage, façon Michael Clark.

La partition musicale de la pianiste et cheffe d’orchestre Yshani Perinpanayagam est sensationnelle, avec thèmes romantiques au piano, passages chantés par le haute-contre Keith Pun et, surtout, la chanteuse soul Sheree DuBois aux deux interventions magistrales, digne successeuse de Mahalia Jackson.

Nicolas Villodre

 Spectacle joué du 21 au 26 janvier au Théâtre des Abesses-Théâtre de la VIlle-Sarah Bernhardt, 31 rue des Abbesses, Paris ( XVIII ème). T. : 01 42 74 22 77. 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...