Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud

Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud

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©x A La Belle de mai

Sixième édition de ce festival  hivernal  Archaos, Pôle National Cirque, implanté à Marseille depuis 2001, accompagne la création, la diffusion et la pratique des arts du cirque contemporain. Dirigé par Raquel Rache de Andrade, Guy et Simon Carrara, le Pôle national cirque Archaos a créé  il y a dix ans cette Biennale qui a lieu les années impaires en janvier et février, avec un programme réparti sur cinquante structures culturelles de la région Sud, Côte d’Azur et à Marseille.
Une belle initiative, avec une mutualisation des ressources pour mettre en lumière la création circassienne aux différentes expressions.  Cette année Archaos a  voulu privilégier les artistes femmes, connues ou moins connues. Le tout sous la houlette des élus, entre autres, Benoît Payan, maire de Marseille.

Un ensemble de spectacles  à l’organisation impressionnante mais aussi des Rencontres professionnelles réunissant des centaines d’artistes internationaux. Les chapiteaux abritent des spectacles, à la fois exigeants et populaires, notamment sur la grande plage du Prado à Marseille. Pour maintenir le lien avec le public et assurer une présence continue du cirque tout au long de l’année, le Pôle national Cirque Archaos a lancé en 2016 l’Entre 2 BIAC sur un mois entre janvier et février, les années paires, avec une version ciblée sur le seul territoire de Marseille-Métropole. Devenus événements essentiels, la BIAC et l’Entre 2 BIAC contribuent au rayonnement culturel de cette immense ville mais aussi de cette région très peuplée.

Présentation du riche programme  de la BIAC par la directrice Rachel Rache de Andrade dans le beau petit chapiteau  du Magic Miror,  en toile rouge et aux colonnes plaquées de longs miroirs. Sur le parquet, une colonne carrée en verre synthétique d’environ quatre mètres de hauteur et ouverte au sommet.

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Alice Rende,  une jeune acrobate brésilienne, va y entrer par une trappe en bas. Pendant les vingt minutes de Passages, nous allons la voir de près confinée dans cet espace étroit. Elle va réaliser ascension et descente des parois en se contorsionnant mains et pieds nus, sans aucun accessoire.
Montant jusqu’à une barre en haut puis se laissant couler jusqu’en bas, elle réalise  aussi des figures acrobatiques en pliant et dépliant son corps, comme le ferait un pantin. manipulé. Alice Rende arrive même à se maintenir à mi-hauteur, comme suspendue.  Puis elle chute, se rétablit gracieusement et rechute… Cet exploit physique étant bien entendu préparé avec le plus grand soin. Et cette-apparente-imperturbabilité a des  côtés philosophiques. « La suspension, écrivait Sextus  Empiricus ( II ème siècle après J.C.) est l’état de la pensée où nous ne nions ni n’affirmons rien. Quiétude, c’est la tranquillité et la sérénité de l’âme. »
Ici, aucun art de l’illusion: la performance d’Alice Rende, bien réelle, est à la fois physique mais aussi sonore: on entend, bien sûr amplifiées, le bruit des mains et de pieds contre le plexiglas. Les risques pris sont limités mais cette exercice anti-gravité et d’une rare beauté, a quelque chose de merveilleusement fascinant

Biennale internationale des arts du cirque à Marseille et en région Sud dans actualites
Yongoyély, création collective du Baobab Circus, direction artistique de Kerfalla Camara, mise en cirque et scénographie de Yann Ecauvre

Ce spectacle  a été coproduit par le Centre culturel franco-guinéen, avec le soutien du Fond de développement des arts et de la Culture en Guinée. Avec Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Sira Conde, Mariama Ciré Soumah, M’Mah Soumah, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré. Soit six acrobates-danseuses et chanteuses, deux porteurs et un voltigeur, tous remarquables…

 

© Thomas O'Brien

© Thomas O’Brien

Après  Yé !  qui avait connu un triomphe exceptionnel à la Scala à Paris et en Europe, ce cirque revient avec ce nouveau spectacle où la virtuosité acrobatique est mise au service d’une œuvre qui se veut féministe. Yongoyély a pour thème l’indépendance de toutes les Africaines. 
Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture de Marseille, dit quelques mots de bienvenue. En même temps, on entend déjà les bruits incessants d’une ville africaine: motos, camions, voitures, mêlés à des brouhahas de conversations. Sans doute ceux de Conakry, la capitale. Et par moments, un texte en voix off qu’on entend mal, dit  tout  l’espoir d’une vie meilleure pour ces femmes courageuses et parfois encore soumises à l’excision dans ce pays de quelque treize millions d’habitants en pleine mutation.
Colonisé par la France depuis 1883, il fut un des premiers, grâce à Sékou Touré  à acquérir son indépendance  en 58 ! Alors nouveau Président de la République, De Gaulle, exaspéré, n’avait pas été spécialement élégant! «Mais laissez-le donc, bouffer ses bananes et ses cacahuètes. »  Sékou Touré, devenu président, échappera à plusieurs attentats destinés à le remplacer par un autre… choisi, lui, par De Gaulle! Sans doute fomentés par des barbouzes français sous la houlette du sinistre Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, de soixante à soixante-quatorze. Cet ancien résistant dévoué à De Gaulle utilisait sans aucun scrupule toutes les méthodes criminelles pour étouffer les oppositions. Le camerounais Félix-Roland Moumié avait été assassiné et les commandos de Foccart entraînèrent des opposants guinéens à développer un climat d’insécurité pour renverser Sékou Touré. Ils introduisirent aussi de gros paquets de faux billets pour déséquilibrer l’économie. Vive la France!

 

Mais Yongoyély n’a pas la puissance de de Baobab Circus. Cette bande de circassiens- femmes et  hommes-sont virtuoses: acrobatie, tours humaines, voltige, sauts périlleux au sol, ou absolument stupéfiants sur une longue perche tenue par deux hommes. Dans un sorte de chorégraphie, sont ici repris des numéros de barre russe, de chambrière (long fouet qui claque  utilisé par les dresseurs de chevaux non montés), mât chinois, portés acrobatiques, main à main, voltige, saut périlleux au-dessus de parpaings ou sur des perches. Brillantissime…Mais aussi des  chants a cappella par les six femmes et danses traditionnelles. Tous ces numéros d’une rare qualité enthousiasment le public qui les a chaleureusement applaudis.
La mise en scène signée Yann Ecauvre, bien conventionnelle, n’est pas du bois dont on fait les perches ni les flûtes: jets de fumigène sans raison comme souvent dans le théâtre actuel, nombreuses répétitions de numéros, chants souvent criés, murs de parpaings dangereux, manque de rythme, scène vide par moments, mélange texte/cirque mal assumé: cela fait quand même beaucoup d’erreurs… qui pourraient être corrigées. Restent ces magnifiques interprètes…


© Pierre Gondard

© Pierre Gondard

Soleil et mistral samedi après-midi à la Friche de la Belle de mai, ancienne manufacture de tabac, accueillaient gratuitement-ceci explique aussi cela-une foule de spectateurs dont de nombreuses familles avec enfants. A l’extérieur, on retrouve Chloé Moglia  qu’on a pu voir à Dijon (voir Le Théâtre du Blog) et entre autres, au festival Paris Quartier d’été. Cette danseuse, chorégraphe et acrobate dirige la compagnie Rhizome et a développé la suspension, un art, disons, d’acrobatie poétique, voire philosophique: elle évolue lentement pour évoquer la «conscience d’être mortel, mais la saveur d’être en vie aussi. »
« Ma pratique, dit-elle, plutôt que se fonder sur des figures spectaculaires dont je me cogne au demeurant, malgré un rapport indéniable au risque et au danger, englobe la pensée et la rêverie en portant une attention amoureuse au monde qui élève l’acuité. »

Féministe convaincue, elle n’apprend son art qu’à des femmes. Dans Rouge merveille qu’elle a créé cette année, Mélusine Lavinet-Drouet dans cette discipline circassienne maintenant reconnue. Cette artiste installe la structure mais fait semblant d’avoir du mal avec le mode d’emploi et  prie une spectatrice de l’aider…
Elle a juste un sac qu’elle accroche puis se suspendra aux branches d’une sorte d’arbre. Et elle se met ensuite des ailes d’ange en métal. De belles images même s’il est parfois difficile de tout voir de cette performance à cause d’un très nombreux public. La rançon du théâtre de rue…

© Pierre Gondard

© Pierre Gondard

Il y avait aussi Soka Tira Osoa, un court mais beau  spectacle avec une funambule sur une musique rock-jazz  dans une scénographie bi-frontale. « Si tout part du sol, pourquoi ne pas imaginer une traversée qui partirait d’ici avec vous ? Et si nous tirions ensemble cette corde pour voir jusqu’où cela nous mène ?  Soka Tira Osoa est un espace propice à la rencontre et à l’entraide. » Les artistes de la compagnie Basinga mettent tous les corps de métiers à cette même place d’artiste et cet exercice de  funambule est aussi fondé sur notre fragilité et sur notre possibilité à les surmonter. » La funambule tombera mais remonte sur le fil avec un autre balancier…
Dans un espace à l’intérieur, trois acrobates espagnols -deux femmes et un homme-jouaient avec et sur des chaises. Mais vu l’affluence de plusieurs centaines de spectateurs, on ne réussissait qu’à les apercevoir,  donc impossible de rien vous en dire…

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Et il y a eu aussi au Mucem, la présentation d’une formidable exposition sur le cirque En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques par Macha Makeieff et Vincent Giovannoni, conservateur en chef, responsable du pôle Arts du spectacle, commissaires  dont nous vous reparlerons.

Philippe du Vignal

 

Jusqu’au 9 février à Marseille et dans toute la Région Sud. T. : 04 91 55 61 64.


La Scala, Paris (X ème) du 12 février au 2 mars. Scène de Bayssan, Béziers, ( Hérault), le 8 mars. Dieppe Scène nationale (Seine-Maritime) ,le 22 mars. Centre Culturel Jacques Prévert, Villeparisis (Seine-et-Marne), le 25 mars. Théâtre Le Reflet, Vevey (Suisse),  le 30 mars.

Théâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse) les 2 et 3 avril. Points Communs-Scène nationale de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), les 5 et 6 avril. L’Avant-Seine, Théâtre de Colombes ( Hauts-de Seine) le 8 avril. Théâtre de Rungis (Val-de-Marne) le 10 avril.

Festival des sept Collines, Saint-Étienne (Loire) le 28 juin.

 

 

 


Archive pour janvier, 2025

Grand-peur et misère du Troisième Reich de Bertolt Brecht, mise en scène de Julie Duclos

Grand-peur et misère du III ème Reich de Bertolt Brecht, traduction de Pierre Vesperini, mise en scène de Julie Duclos

Adolf Hitler prit le pouvoir en 33: avec 43,94 % des suffrages, il remporte les élections et devient chancelier. Le grand dramaturge (1898-1956) avec sa femme l’actrice Helene Weigel est très mal vu  et préfère  s’exiler en Finlande, au Danemark, en Suisse puis aux Etats-Unis… Mais entre 35 et 38, il  écrit en collaboration avec  Margarete Steffin, actrice,  écrivaine mais aussi maîtresse de Brecht qui suivit le couple en exil, une chronique de la vie quotidienne dans son pays jusqu’à l’Anschluss qui précède la guerre de quarante. Lieu et date de chaque scène sont précisément indiqués: Berlin, 1933, Augsbourg, 1934, Berlin 1934, Göttingen 1935, Francfort 1935, Essen 1934…

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A partir de témoignages et coupures de journaux, Bertolt Brecht, lucide sur les événements, montre que ses concitoyens, quelle que soit leur classe sociale, vont être emportés par le Troisième Reich dans cette folie qui appartient désormais à l’Histoire mondiale. Nous nous souvenons de la passion pour ce texte qu’avait un de ses  premiers traducteurs, le Suisse André Steiger  qui nous en parlait quand il avait créé en France La bonne Ame de Se-Tchouan au T.N.P. alors encore à Paris.
Grand-peur et misère du III ème Reich est une suite de courtes ou longues scènes connue depuis longtemps en France mais peu montée. Helene Weigel en joua neuf à Paris (1938). L’année suivante, Pierre Abraham qui fut ensuite directeur de Chaillot, avant d’être viré par les Allemands, traduit et mit en scène quelques-unes avec les Comédiens d’Anjou. Puis la pièce fut aussi créée à New York en 41 en allemand et en 45 en anglais. Il faudra attendre 56 pour que Roger Planchon la mit en scène à la Comédie de Lyon. Mais si Mère Courage et ses enfants  a souvent été jouée,  Grand’Peur et misère du III ème Reich semble faire peur aux metteurs en scène et la pièce n’a jamais été créée à la Comédie-Francaise, ni à l’Odéon.  Ici, des vingt-cinq scènes de Grand peur et misère du Troisième Reich, Julie Duclos a gardé la moitié.

Dans un espace vide fermé côté jardin par une grande verrière assez sale d’usine, une grande table nappée de blanc où il y a encore des verres à pied, deux chandeliers,  assiettes et couverts  sales. Deux jeunes filles vont les enlever. Un soldat en uniforme beige, croix gammée rouge vif sur un brassard entre et mange des spaghettis, tout en leur parlant. La tension est visible dans cette scène qui ouvre le spectacle, comme la peur qui s’abat en permanence sur la vie des Allemands, toute classes sociales confondues: juges, bourgeoisie,  médecins, ouvriers… Aux questions des jeunes filles, le soldat, fier d’appartenir à l’armée d’Hitler et de ses belles bottes, répond sèchement:  » Personne ne saura rien de moi. «  
Et il y a aussi une belle séquence dans le bureau d’un Juge (remarquable Philippe Duclos, père de la metteuse  en scène), peu à l’aise quand il s’agit de prendre une décision. Bref, la peur a envahi toute la société: des domestiques, aux hauts fonctionnaires et le plus proche voisin est loin d’être fiable…
Personne n’est épargné et la méfiance envahit même les familles. Un couple croit que leur petit garçon est allé à dénoncer à la Gestapo son père qui a osé critiquer le nouveau régime… Des éleveurs de porc demandent à leurs enfants de faire le guet:  les nazis  pourraient les voir en train de nourrir leur bétail… Et à la fin du spectacle, un  boucher désobéissant qui avait refusé de présenter, faute de vraie  viande, de la fausse pour faire croire  qu’il n’y avait aucune pénurie, sera  retrouvé pendu devant sa boutique  avec, écrit sur son tablier: « J’ai voté Hitler. » Et une jeune femme juive (excellente Rosa-Victoire Boutterin) va faire ses valises et s’en ira à Amsterdam pour que son mari médecin puisse continuer à exercer.

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L’Histoire bégaie quelquefois et surtout, en ce moment, cette piqûre de rappel  n’est pas un luxe et le public y a été sensible. Et-on l’oublie souvent- Bertolt Brecht a passé en exil le quart de sa vie! Ici il a touché juste: quand la machine à  fasciser commence à fonctionner, rien ne semble  l’arrêter: peur de l’autre, intolérance, suspicion et chantage dans les familles et les entreprises, délation après quelques mots ambigus ou un doute personnel sur un aspect du régime en place, décrets en rafale réduisant les libertés, puis mise en place de camps pour museler les opposants, le tout sur fond de mauvaise nourriture, voire de disette.
Cela dit, la mise en scène, manque de véritable fil rouge, la distribution est trop inégale, et Julie Duclos aurait pu nous épargner les nombreux déménagements de meubles pour des scènes trop courtes et ces déplacements du décor qui ne font pas sens, comme ces vidéos stéréotypées de personnages filmés de dos, sortant  dans un couloir…  Tout ici est bien propre et le public est content…
Mais plus grave: rares sont les moments où on sent le climat de violence qui est permanent dans le text Bertolt Brecht.  Ce spectacle, un peu esthétisant avec de belles  images est trop long et malgré quelques scènes intéressantes, finalement décevant. Peut-il progresser?

Philippe du Vignal

Jusqu’au 7 févier, Odéon-Théâtre de l’Europe, Place de l’Odéon, Paris ( VI ème). T. : 01 44 85 40 40.

 

Impossible sur scène, écriture et mise en scène de Luis de Matos

Impossible sur scène, écriture et mise en scène de Luis de Matos

© Ana Dias, Jorge Lopes Luis de Matos producoes

© Ana Dias, Jorge Lopes Luis de Matos producoes

Cela se passe aux mythiques Folies-Bergère pour un mois, avec des artistes «de luxe » la plupart primés à la F.I.S.M. En une heure et en solo avec deux à trois numéros. Luis de Matos jouant ici le grand ordonnateur et présentateur. Le rideau est déjà ouvert et on peut voir une grande enseigne lumineuse avec inscrit: Luis de Matos-Impossible sur scène, six écrans LED verticaux, des projecteurs amovibles, des extincteurs et une grand praticable sur roulettes avec un tabouret haut et une chaise. Un leitmotiv marque le début et la fin de chaque partie et cinq danseurs effectuent des figures de breakdance. Ils actionnent les extincteurs vers le praticable et les cinq magiciens apparaissent instantanément!

Le présentateur montre un grand aquarium plein d’eau et produit un poisson rouge à partir d’une carte à jouer enroulée qu’il place dans un verre à pied. Il saisit ensuite un foulard de la couleur du poisson qu’il va lentement faire disparaitre dans l’aquarium ; les mouvements ondulants du tissu rappelant subtilement la queue du poisson. Après s’être essuyé à une serviette noire, il la met autour des trois parois vitrées de l’aquarium, y jette le poisson du verre et fait mine d’en attraper d’autres en l’air. La serviette est alors retirée et une centaine de poissons rouges apparaissent !

Le Sud-coréen Yu Hojin présente, en queue-de-pie noir, son numéro de manipulation primé à la FISM 2012 de Blackpool. On y retrouve, accompagnés d’une musique classique au piano, de remarquables effets : comme le foulard blanc se transformant en carte à jouer, ou une carte déchirée qui se reconstitue à vue, une incroyable série de cinq productions d’éventails de cartes colorés… On a souvent loué l’école sud-coréenne pour son esthétisme et sa technique irréprochables mais devenue souvent stéréotypée. Mais Yu Hojin, un de ses plus grands représentants, a, lui, une grâce et une technique exceptionnelles. Luis de Matos tient un cube (qui lui servira pour sa prochaine illusion) et présente l’américain Dan Sperry, avec un classique d’apparitions de colombes façon gothique-métalleux, sur une musique d’enfer avec éclairs tonitruants. Il va produire de nombreuses colombes : technique connue mais présentation originale et choix judicieux comme cette incroyable transformation d’un masque d’oiseau, en colombe. Transformations et apparitions s’enchaîneront dans une séquence impressionnante : plume qui devient foulard, production d’un éventail, d’un couteau, puis d’une colombe. Filet de sang sur le bras se transformant en foulard rouge et production d’une colombe. Le foulard roulé en boule se transforme alors en balle de la même couleur, puis en ballon d’où arrive une colombe qui instantanément devient rouge!Elle disparaît ensuite dans le foulard taché de sang et lancé en l’air. Un autre foulard est transformé en baguette d’où surgit une colomb, qui est ensuite dédoublée. Une fois toutes les colombes mises dans la cage, celle-ci est couverte d’un tissu et disparait dans les airs… Apparaît alors un grand perroquet blanc. Dan Sperrycampe un personnage marginal et introverti ( gestuelle savamment travaillée) avec effets grand-guignolesques macabres et humour sombre.

Suit l’illusion Origami de Jim Steinmeyer avec sa partenaire Joana Almeida.Il placeun cube (celui du tableau précédent) sur une plateforme à roulettes, muni d’un grand miroir. Le cube s’ouvre comme un papier déplié etJoana Almeida entre dans ce cube qui est reconstitué et où trois sabres vont pénétrer de chaque côté. Des conditions impossibles… mais elle ressort indemne… en ayant aussi changé de costume.Luis de Matos a l’art d’interpréter un classique de la grande illusion, pour en faire un moment de grande poésie. Effets lumineux et projections vidéo magnifient ce numéro avec un jeu graphique et optique en noir et blanc.

 Puis entrée cocasse du Français Norbert Ferré avec une boîte-surprise en forme de prédiction. Démarche de cowboy et nouvelles chaussures pour un numéro de claquettes déroutant. Court mais professionnel, comme il dit. Il présente ensuite son double : un manipulateur, pour une routine de balles durant laquelle il va laisser échapper «accidentellement » une balle-en fait un geste délibéré révélé par la prédiction au début. Son double comique revient avec un chant espagnol. La surprise se dédouble et on retrouve dans la boîte, la paire de chaussures que le magicien, maintenant en chaussettes, portait à son entrée. Peaufinés depuis au moins vingt ans, les personnages de Norbert Ferré sont irrésistibles, et savoureux et hauts en couleur dans leur clownerie, et gracieux dans leur classicisme. Et nous avons toujours le même plaisir à assister à ses performances, même si on les connait par cœur. Il fait partie des rares illusionnistes à présenter le même numéro sur quelques décennies sans jamais lasser… comme le grand Voronin.

 Le Belge Aaron Crowest un personnage à la fois charismatique et énigmatique-aspect mystique, mutisme et regard bleu acier pénétrant- avec des expériences dangereuses pour les spectateurs qu’il fait monter sur scène. Comme La Bougie, un effet de mentalisme, les yeux bandés de cire ou bandelettes, scotch…. Trois personnes désignées tiennent chacune un sac plein de sable, ou une planche, ou encore un ananas sur la tête. Placés à des endroits stratégiques, le mentaliste visualise l’espace et les yeux bandés, va se déplacer tel un ninja, et percera le sac de sable avec un couteau, cassera la planche avec un nunchaku et coupera l’ananas avec un sabre, sans que personne ne soit blessé. Suspense et frissons garantis ! Le maître de cérémonie  présente la superbe illusion Eclipse de Mark Kalin et William Kennedy, avec Joana Almeida, tout habillée en blanc, sur une belle musique et dans une superbe scénographie, entre ombres et faisceaux lumineux tombant des cintres. Elle entre dans la moitié d’une grande structure circulaire séparée en son milieu par une plaque de métal. Des assistants placent un voile opaque devant une des moitiés et l’on voit Joana Almeida en ombre chinoise. Cette moitié pivote de l’autre coté et la partenaire disparait de la première moitié et réapparait dans la seconde en ombre chinoise puis en vrai.

Dan Sperry revient avec Lifesaver (Saw de Sean Fields), assis en bord de scène. Il mâche puis avale un bonbon rond de type polo avec trou au milieu, puis place un fil dentaire au niveau de sa gorge. On le voit clairement pénétrer dans la chair et d’un coup sec, après des va-et-vient, le bonbon ressort intact sur le fil. Un effet gore mais joyeusement décalé, grâce aux facéties et mimiques de cet artiste. Yu Hojin présente un deuxième numéro Coins of time, un close-up sur table retransmis sur un des écrans verticaux. Des routines classiques de pièces s’enchaînent sur le thème du temps qui passe. D’abord avec l’apparition d’une pièce et la transformation d’une montre à gousset… en pièce. Deux autres apparaissent et placées sous quatre cartes, voyagent une à une sous la même, puis reviennent à leur position initiale. Les quatre se multiplient alors sur la table : vingt au total. Quelques-unes sont alors transformées en cartes, puis la montre-gousset réapparait… pour clore le numéro.

 Puis un tour interactif de Luis de Matos fascine le public. Il sort d’une enveloppe (confiée en début de spectacle) quatre cartes postales où sont représentés quatre sur des cinq magiciens de ce soir. L’un d’eux va alors énumérer une succession de procédures que le public doit suivre à la lettre : déchirer en deux les quatre cartes et les mettre les unes sur les autres, en garder une moitié, puis en mettre un bout dans sa poche pour la révélation finale. Après un échange de morceau avec un autre spectateur, différents mélanges et éliminations, le dernier bout restant en main de chacun correspond parfaitement à l’autre moitié gardée en poche !Une adaptation du tour Before you read any further…How to find your other half créé par Woody Aragon en 2011.

 Après un entracte, les danseurs reviennent sur scène sur la musique générique puis apparaissent cinq magiciens dans des halos de lumière partant du sol pour dévoiler progressivement tout leur corps jusqu’à leur tête. Une superbe trouvaille technique, version contemporaine du célèbre procédé du « théâtre noir ».Luis de Matos revient avec une routine de close-up diffusée sur grand écran avec quatre cartes.Quatre as à dos bleu se retournent, un à un, face en bas, puis à nouveau face en l’air en changeant chacun leur dos de couleur ; en rouge. Pour finir, les as se transforment un à un, en rois à dos bleu ! Ensuite donnés en souvenir aux spectateurs. Très beau moment de manipulation sur le bout des doigts avec le classique Twisting the aces revisité.

Troisième et dernier numéro de Yu Hojin avecPaper airplanes act, très inspiré de celui de son collègue allemand Nikolai Striebel. Un tabouret haut bien visible et de nombreux avions en papier au sol. Il arrive, tenue décontractée et baskets.sur le tabouret. Il pose un avion qui disparait puis réapparait dans un geste de lancer et le magicien commence à jouer la chanson entraînante As it was d’Harry Style. Plusieurs avions sont ensuite produits, dédoublés et lancés dans les airs. Un papier froissé surgit du tabouret et se transforme en balle blanche pour devenir un bâton où apparait un volant (pour constituer un petit moulin à vent). Le volant prend la forme d’un bateau puis d’un avion. Une feuille écrite se plie toute seule en lévitant et prend la forme d’un avion. Plusieurs autres sont jetés dans les airs et une pluie de confettis surgit. Arrive alors le magnifique tableau final où le magicien commande chaque avion au sol : i les fait arriver dans sa main et les lance alors à l’horizontale dans l’espace où ils s’immobilisent tous pour ensuite, repartir aussitôt en coulisse. Un numéro d’une grande délicatesse minimaliste : Yu Hojin utilise un objet qui nous rappelle notre enfance. Les effets de lévitation sont dans l’air du temps et plusieurs artistes reprennent ce procédé, réactivé et sublimé par la compagnie 14:20 et Étienne Saglio depuis 2010, avec des objets basiques comme des feuilles de papier (Laurent Piron, Artem Shchukin).

 Luis de Matos choisit sept spectateurs dans la salle grâce à un frisbee. Il les dispose en ligne à un endroit précis et confie un jeu de cartes à chacun, mis en éventail pour bien montrer que toutes ses cartes sont différentes. Les sept jeux sont ensuite mélangés par chacun. Et ensuite coupés en deux et une moitié est éclairée au hasard.Une fois la moitié restante mélangée face en bas, au stop du magicien, les spectateurs couvrent le jeu de leurs mains.. Chacun révèle, un à un, la première carte du dessus du paquet, différente de son voisin. Révélation finale : devant chacun, un tapis en vinyle imprimé d’un index qui retourné, correspond à la carte qu’ils ont choisie ! Cet effet de prédictions multiples a scotché tout le public….

 Dernier close-up de Dan Sperryau milieu de la salle et retransmis sur écran : le fameux tour des Lames de rasoir avalées (The Threaded Razor Blades de William A. Buerger (1930) avec un humour noir. Assis sur une chaise, il sort d’un petit coffre, une pomme où sont plantées des lames de rasoir. Il présente un papier avec un gros smiley jaune dessiné dessus qui sourit puis retourne le motif et au verso le même smiley avec bouche à l’envers et yeux en croix. Il découpe alors la feuille avec une lame qu’il avale ensuite. L’opération est répétée plusieurs fois. Quand il a une dizaine de lames dans la bouche, il mange du fil dentaire et en ressort, une à une, les lames dessus. Excellente présentation de ce classique, à la technique parfaite, qui fait toujours frissonner le public. Ensuite superbe double lévitation de Luis de Matos (Asrah de Servais Le Roy et Double levitation de Rick Thomas) avec sa partenaire Joana Almeida allongée sur une table. Elle flotte ensuite en l’air, une fois la table retirée.Il passe un grand cerceau autour de Joana Almeida pour montrer qu’il n’y a rien la retenant physiquement. Il place sur elle un voil age qui va alors léviter vers les cintres. Luis de Matos rejoint sa partenaire en hauteur, arrache le voile…Mais elle a disparu. Luis de Matos demande aux spectateurs qui est amoureux ? Rares, ceux qui lèvent la main, craignant d’être choisis pour monter sur scène : ce qui se passe pour un couple. Entre alors le ténébreux Aaron Crow, l’air grave. Les yeux dans les yeux, il demande son anneau de mariage à la femme et la pose au milieu d’une pomme verte sur sa tête. A cours, on découvre alors une cible. Aaron Crow se place à jardin avec un grand arc et une flèche. Il monte ensuite sur une petite plate-forme tournante, ajuste sa flèche avec un faisceau laser et tire à travers la pomme. Elle coupera la pomme en deux et se plantera dans la cible ! La bague est retrouvée sur la flèche et le mari est invité à la passer une nouvelle fois au doigt de sa femme. Présentation et mise en scène de ce numéro de l’archer millimétrées. Tout le monde se reconnait dans ce couple amoureux où les notions de confiance et sacrifice sont évoquées.

 Luis de Matos rend ensuite hommage à Harry Houdini avec la Chinesewater torture cell, une illusion très dangereuse et mythique. En introduction, nous entendons la voix enregistrée du célèbre magicien en 1914 (provenant de la collection de David Copperfield) et son profil apparait sur cinq écrans. Luis de Matos apparaît, est menotté, puis suspendu par les pieds, et plongé dans une grande cuve rectangulaire remplie d’eau. Un rideau rouge va cacher les parois de la cuve de chaque côté. Un compte à rebours affiche les minutes passées sans oxygène dans l’eau. À deux minutes, le rideau est levé et on voit la tête de Luis de Matos. Quelques minutes après le magicien arrive au fond de la salle et sa partenaire Joana Almeida est prisonnière à sa place dans la cuve !

 Norbert Ferré fait un deuxième passage comique et dit un poème à son chien, en imitant ses aboiements. Suit un cours d’imitation… de sa mère et un numéro hilarant où il bruite avec un sifflet, différents sons. Il pousse la chansonnette, rigole, mime un jeu vidéo qu’il perd, et il pleure. Il appuie ensuite sur plusieurs parties de son corps (son zizi ne fait pas le même bruit !). Il sort de sa poche une mouche, lui parle, la libère et l’aplatit comme une crêpe. Elle ne réagit plus! Alors il pleure comme un bébé. Il prend une clé et essaye de « remonter» la mouche, comme un jouet mécanique. Cela ne marche pas et il quitte le plateau sur une marche funèbre. Pour terminer, le magicien présente son cultissime One for two, two for one où il se dédouble et ses incroyables démonstrations de dextérité poétique avec des cartes. Son numéro s’est affiné au fil des années, avec des subtilités pour devenir un petit bijou !

 Enfin les cinq illusionnistes s’assoient chacun sur un tabouret, déchirent une serviette blanche et produisent alors des confettis qui volent sur toute la scène comme une neige artificielle. Un final déjà vu et conventionnel puis un générique de fin défile sur les écrans pendant que le public quitte la salle. Les magiciens l’attendent dans le grand hall des Folies-Bergère pour une séance-photo et dédicaces. Ce spectacle d’une qualité remarquable est dû au travail collectif de la production et au professionnalisme des équipes. Il a été répété et rodé avec précision, notamment au Estúdio33, la salle de travail de Luis de Matos. Choix des invités judicieux : chacun avec son personnage, son style et son répertoire. Cet ensemble assez complet montre l’art magique dans sa diversité culturelle et esthétique. Pas de doublon mais une complémentarité et une variété, à un excellent rythme. Et Luis de Matos fait l’effort de parler français, ce qui est très apprécié… L’art de l’illusion est ici porté au plus haut et avec passion.Un des meilleurs spectacles actuels, avec un public au cœur d’un dispositif où émotion et partage sont la clé de voûte. Un seul regret: ici, aucune artiste pour équilibrer rapports et sensibilités artistiques. L’an passé, Léa Kyle était la seule femme de la quatrième édition…

 Sébastien Bazou

 Spectacle vu aux Folies Bergère, Paris ( IX ème), le 1er décembre. En tournée, notamment dans l’Est de l’Europe

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L’exposition Allez hop, au travail !

L’exposition Allez hop, au travail !

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Cela se passe à l’hôtel Gaillard place du Général Catroux (XVIIème arrondissement de Paris-toits élancés, tourelles et murs de briques-et qui a été conçu à la fin du XIXème siècle pour Émile Gaillard. Il en confia l’édification à l’architecte Jules Février et celle  de deux autres, aujourd’hui réunis. L’hôtel Gaillard répondait à trois besoins : loger une famille, recevoir avec faste, et mettre en valeur une collection exceptionnelle: faïences de Bernard Palissy, tapisseries des Flandres, statues et coffres Renaissance. Construit entre 1878 et 1884, ce chef d’œuvre de l’architecture néo-Renaissance, inspiré des châteaux de Blois et Gien… avait coûté onze millions de francs. Soit environ 41 millions d’euros!!!!

© Philippe du Vignal

© Philippe du Vignal

Les valeurs artistiques-émail peint, sculpture sur bois,  verre polychrome, carrelage raffiné- de la Renaissance correspondaient  à celles de la grande bourgeoisie d’affaires.  Puis de 1923 à 2006 l’hôtel Gaillard devient une succursale  de la Banque de France à un prix bradé: deux millions de francs. Le transformer en succursale bancaire nécessitera des travaux importants, de 1919 à 1923 confiés à Alphonse Defrasse et au décorateur Jean-Henri Jansen. L’architecte crée enter autres, un hall du public grâce à une structure en béton armé avec voûte en bois et verrières. Un ensemble monumental… Et il y introduit des motifs décoratifs empruntés à la façade : murs en briques polychromes, corbeaux en pierre sculptée (moulés sur les originaux)…. Mais cette succursale bancaire fermera ses portes en 2006.

Cette exposition, dont le commissaire est Albert David, professeur de management à l’Université Paris-Dauphine qui a cofondé le Dauphine Musée du Management, est conçue comme une véritable plongée au cœur du management moderne. Ici, on  a retracé à grandes lignes, comment le management a façonné le monde professionnel, surtout celui de l’industrie. Mais il est partout et on aurait bien aimé que soit aussi évoqué celui  du milieu de l’art et des musées. Lequel n’échappe pas aux dérives du management! Un régisseur du FRAC Champagne-Ardennes s’est suicidé en 2021. Et autrefois, un cadre important du Ministère de la Culture, avait viré sans ménagement (et sans jeux de mots) par André Malraux… Il ne l’avait pas supporté et succomba quelques heures plus tard.  Et, sans doute mal conseillé, en 68 André Malraux licencie Henri Langlois, immense fondateur et directeur de la Cinémathèque, avant de rétropédaler vite fait, devant la pétition signée de réalisateurs inconnus… entre autres  Federico Fellini, Charlie Chaplin, Stanley Kubrick, Orson Welles, Luis Buñuel, et, en France François Truffaut, Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Jacques Rivette….
Histoire de rappeler qu’un management bien conçu, est aussi fondé sur des enjeux philosophiques et moraux, et comme cette exposition le prouve, et lié l’organisation de la société d’un pays et à l’organisation optimale d’un travail en équipe, pour qu’il  soit efficace  sur le plan de la rentabilité mais aussi en termes de vie collective et personnelle dans une entreprise. Ce que l’on peut voir sur les panneaux richement illustrés et il
y a aussi sur une table, un jeu de rôles interactif où on peut incarner plusieurs rôles : chef d’entreprise, employé dans un restaurant, une start-up, ou une grande firme internationale…

Le management est fondé sur trois fonctions: organiser gérer et administrer. Après 1850 , les grandes entreprises prospèrent grâce aux progrès des techniques et au développement des transports donnant accès à des marchés plus importants. But : rationaliser les ressources, améliorer la coordination et redonner le contrôle à la Direction. Et être efficace avec des  règles de gestion rigoureuses Principaux artisans de ce mouvement sur lequel se fonde le management actuel: l’Américain Frederik Taylor, le Français Henry Fayol et l’Allemand Max Weber. Il leur faut créer et maintenir un juste équilibre entre contrôle direct, avec procédures et valeurs à respecter mais aussi sens des responsabilités. Contrôle de la qualité de production, du bon avancement des projets, et respect des normes éthiques..

Et ont été alors mises en œuvre, les méthodes et outils pour rationaliser la gestion des organisations publiques ou privée comme la recherche systématique de performance, avec au bout: profit, valeur actionnariale, bien-être des collaborateurs, effets sociaux et environnementaux. Pour Chester Barnard, chef d’entreprise américain, en 1938: « Manager, c’est cultiver la responsabilité chez les autres ». Être responsable, signifierait donc être dans la nécessité de répondre de ses actes pour être efficace…

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©x Lilian Gilbrecht

Comme ailleurs, les femmes sont les grande oubliées du management comme Lillian Gilbreth et Mary Parker Follett, figures incontournables du management. Elles ont pourtant joué un rôle fondamental dans les avancées théoriques, la conception et la mise en œuvre de méthodes pratiques.
Sont ici retracées trois séries d’expériences, celle du  célèbre Taylor, pionnier de l’organisation scientifique du travail, de Mayo à la Western Electric sur l’importance du facteur humain et Lewin sur les avantages d’un fonctionnement démocratique.Mais les dérives sont aussi au rendez-vous: domination et manipulation, violence physiques et/ou sexuelles du patronat et/ou de ses collaborateurs des subordonnés. Jusqu’à l’épuisement, l’ennui, et le mal-être  par suite de comportements déplacés et harcèlement moral. D’où la nécessité de structures et procédures pour prévenir  et…  réparer les fréquents abus  du management.

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©x Mary Parker Follett

Il y a aussi des panneaux consacrés au futur. Sera-t-il une déclinaison ou y aura-t-il une rupture avec le management actuel, vu les enjeux écologiques? Probablement, un savant cocktail des deux. Comment gérera-t-on une entreprise en conciliant rationalité et responsabilité, en augmentant la valorisation des personnels qui la font vivre. L’exposition se conclut sur quatre métiers imaginés du futur qui traduiraient cette approche…

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On peut aussi aller faire un tour à l’exposition permanente où sont remarquablement montrés et expliqués sur des écrans par des experts-comme entre autres, Christine Lagarde-les grands enjeux économiques. Mais aussi la crise monétaire puis économique de 1929 avec un court extrait de  La Ruée ( 1932) un remarquable film de  Frank Capra où il montre une ruée vers les banques après le krach boursier américain… Une crise, issue de la guerre de 14-18 et expliquée par le célèbre économiste britannique John Maynard Keynes dans sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Il faut parfois s’accrocher et mieux vaut avoir déjà acquis les fondamentaux de l’économie mondiale… dont les experts se contredisent, tout en étant souvent d’accord… Allez-donc vous y retrouver…

Un bémol? Oui, ici  les prix d’entrée ne sont pas donnés! Et la Banque de France à qui appartient Citéco pourrait faire un sérieux effort, même s’il y a des tarifs réduits. Les gouvernements successifs n’ont jamais voulu que les Français aient vraiment le le droit d’apprendre au collège ou au lycée, les bases solides de l’économie… Et en cette période de vaches maigres et où même le Bayrou de service, agrégé des lettres mais pas grand expert financier, se mélange les pinceaux et confond dette et déficit national. Faciliter vraiment  l’accès pour tous à l’économie, ne serait pas un luxe. Qu’en pense le gouverneur de la Banque de France, laquelle appartient jusqu’à nouvel ordre à tous les citoyens de notre pays?

Philippe du Vignal

Jusqu’au 1er juin, Citéco, 1 Place du Général Catroux, Paris ( XVII ème).

 

Re Chicchinella, d’Emma Dante ( en napolitain surtitré en français)

Re Chicchinella, un spectacle d’Emma Dante, librement inspiré du Conte des contes de  Giambattista Basile(en dialecte napolitain, surtitré en français)

Le Théâtre de la Colline  avait accueilli La Scortecata et Pupo di zuccher  il  y a deux ans. Ce spectacle est le dernier de cette trilogie inspirée par le livre célèbre de l’écrivain napolitain Giambattista Basile (1566-1632) qui a influencé, entre autres, Charles Perrault. A l’origine, Re Chicchinella est une fable:  le roi de Naples souffre et la population de son royaume est inquiète. A la chasse, il a eu une grande envie de déféquer et avec les douces plumes d’une poule qu’il croyait morte, il s’essuya les fesses. Mais elle était bien vivante et le pénétra. Le roi -avec douleur-se mit alors  à pondre chaque jour un œuf en or. Et qu’importe la douleur du roi, cela fit la fortune de Naples. Mais Re Chicchinella  (Le Roi poule) épuisé, souffrait terriblement et attendait la mort!

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« Je travaille avec le corps des acteurs dit Emma Dante. De l’orteil à la racine des cheveux, il doit parler plus que les mots. D’ailleurs, j’utilise des dialectes, le napolitain et le palermitain-langues des exclus et des pauvres-qu’on ne comprend plus. Pareille obsession du corps fait de la scène un vrai scanner. J’y déchiffre les souffrances. Jusque dans le corps social. C’est déjà les soigner un peu. »
Il y a une belle unité esthétique dans ce spectacle dont Emma Dante a aussi signé la scénographie, et les costumes. Et dès la première scène-une assemblée d’hommes et femmes à tête de poule, elle sait nous embarquer dans des images fabuleuses. Comme à la fin sur le plateau nu aux rideaux noirs-tous ces prie-Dieu disposés en ovale avec une vraie poule arrivée comme par miracle dans cette cage.
Le roi est absolument nu sous une jupe noire bouffante et toutes la cour est habillée de robes dont il ne reste plus que les crinolines. Les corps, eux, étant  habillés de costumes aux gros rembourrages… Angelica Bifano, Viola Carinci, Davide Celona, Roberto Galbo, Enrico Lodovisi,

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Odette Lodovisi, Yannick Lomboto, Carmine Maringola, Davide Mazzella, Simone Mazzella, Annamaria Palomba, Samuel Salamone, Stéphanie Taillandier, Marta Zollet sont tous d’excellents comédiens-chanteurs à la gestuelle impeccable.  Et toute la mise en scène d’une rare exigence est sans acun à-coup et garde un bon rythme jusqu’au bout, même si le début est un peu lent. Ce Re Chicchinella préparé avec le plus grand soin par Emma Dante et déjà bien rodé, fait la part belle au loufoque et à la satire socio-politique.
Cela dit, les dialogues nous ont paru souvent un peu faibles et ne nous ont pas vraiment touché: nous avions l’impression de n’être pas tout à fait de la paroisse napolitaine… C’est toujours la même chose, que ce soit en France ou en Italie, adapter un conte au théâtre n’est pas facile et il y a forcément des longueurs, malgré encore une fois la grande maîtrise d’Emma Dante. Elle dirige avec une rigueur absolue ses treize acteurs et sait créer en une heure pile, de fabuleuses images… Que demande le peuple?  La plus grande partie du public a applaudi chaleureusement, l’autre moins. A vous décider si cela vaut le coup, mais un coup de soleil napolitain dans la nuit pluvieuse parisienne, cela ne se refuse pas …

Philippe du Vignal


Jusqu’au 29 janvier,  Théâtre National de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris (XX ème).

Le Conte des contes de Giambattista Basile, traduction du napolitain de Françoise Decroisette , est édité chez Circé.

C’était comment, quand j’étais dans ton ventre? texte et mise en scène de Lou Attias et Jeanne Kleinman

C’était comment, quand j’étais dans ton ventre? texte et mise en scène de Lou Attias et Jeanne Kleinman

A partir de témoignages recueillis et d’une écriture dite de plateau, une fiction sur l’adoption. Une procédure qui ne date pas d’hier… Du latin: ad optare (à choisir):  donner à quelqu’un un lien de filiation juridique. L’adopté, généralement un enfant mineur,orphelin, enfant de conjoint, ou  abandonné volontairement dans un orphelinat, ou retiré à ses parents par l’État (protection de l’enfance) ou illégalement, suite à un trafic d’enfants. Voire aussi un majeur…  L’adoptant est une personne seule ou un plus souvent un couple de sexe différent, ou de même sexe… Et plus simplement dans le pays d’origine, l’adoptant est le conjoint du parent de l’enfant. Les choses se sont devenues moins simples, quand la couleur de peau, les lois, coutumes et religion du pays (Afrique, Asie…) du futur enfant adopté toujours en quête de ses origines, et celui des adoptants, ne sont pas du tout les mêmes…

 

© Jérôme Laurent

© Jérôme Laurent

Ici, cinq jeunes gens : Maya, Barbara, Manatui, Kaïs et Faustine se retrouvent deux jeudis par mois chez Victoire… Ils parlent beaucoup, entre autres : adoption, avec tout ce que cela représente de batailles administratives et personnelles quand il faut prendre une décision engageant l’avenir des futurs parents, comme du futur enfant adopté, voire d’un ou plusieurs autres existant déjà. Lise et Antoine Castelli qui ne peuvent en avoir, se sont lancé dans les démarches pour obtenir un agrément en vue d’une adoption, accompagnés par Solange Oudain, l’assistante sociale chargée de leur dossier.


Mais revient en boucle la même obsession chez Lise et Antoine: »Est-ce que vous vous sentez capables d’élever un enfant très différent de vous ? Est-ce que vous vous sentez capables d’élever un enfant dans un monde qui va mal ? Est-ce que vous vous sentez capables de lui raconter son histoire le jour où il vous la demandera ?Est-ce que vous vous sentez capables de répondre aux questions de votre enfant? « Les courtes scènes qui se succèdent avec une belle fluidité, sont bien mises en scène. Et certaines sont vraiment poignantes. Comme celle où un jeune Tahitien est en quête de son identité ou celle où la jeune Malienne adoptée découvre dans son dossier qu’elle a une sœur de sang… Mais ses parents adoptifs lui en ont toujours soigneusement caché l’existence. Bien entendu, cette enfant devenue adulte va exiger des comptes…
Le spectacle est encore très brut de décoffrage… La diction est parfois faiblarde chez certains acteurs, le texte-très inégal-sent l’écriture de plateau à dix mètres. On ne comprend pas que leurs enseignants ne l’aient pas mis en garde contre  ce fléau actuel et la dramaturgie, du coup est mal construite. Malgré cela, on se laisse curieusement prendre à la vérité de ces personnages (surtout les Parents et leur Fille) solidement interprétés par Tom Almodar, Coline Barthélémy ou Brenda Broohm, Antoine Bourasset, Angelina Colombani, Yéri-Bérénice Ouédraogo et Néphélie Peingnez. Il faudra suivre cette jeune compagnie…

Philippe du Vignal

 

Jusqu’au 28 janvier, Théâtre de Belleville, 16 passage Piver,  Paris (XI ème).  T. : 01 48 06 72 34

 

 

La Reine des neiges, d’après le conte d’Andersen, par le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine.

La Reine des neiges, d’après le conte d’Andersen, par le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine.

Les mots du titre nous emportent d’emblée dans un imaginaire de conte de fées. En ces temps difficiles, le public quel que soit son âge, a besoin de rêver en assistant à un spectacle vivant. Cette adaptation- livret et chorégraphie d’Aniko Rekhviashvili-remplit tout à fait ce rôle. L’arrangement musical d’œuvres très connues d’Edward Grieg, Georges Massenet, Jacques Offenbach, Richard Strauss et Hector Berlioz, réveille en nous quelques souvenirs de chorégraphies classiques vues autrefois à la télévision pendant les fêtes. Bref, notre madeleine de Proust !

© Senia Orlova

© Ksenia Orlova

Depuis le début de l’invasion en Ukraine, les compositeurs russes sont exclus du répertoire de cet Opéra. Mais les musiques jouées avec talent par l’orchestre Prométhée, les toiles peintes de Stanislav Petrovski et les beaux costumes de Natalia Kucheria complètent cette sensation d’un retour dans un passé de carte postale rassurant.
Cet aspect vieillot n’est pas déplaisant, avec ce voyage dans le temps où les toiles peintes représentent des maisons anciennes autour d’une cathédrale. On construit des bonshommes de neige et les jeunes patinent avec une belle insouciance. Seule la présence du Ballet de l’Opéra national d’Ukraine nous ramène à la dure réalité d’aujourd’hui ! Il y a deux anx nous avions réalisé, à l’occasion des représentations de Giselle au Théâtre des Champs-Élysées, un entretien avec deux danseurs étoiles, de ce ballet (voir Le Théâtre du Blog). Malheureusement, la situation de cette compagnie n’a pas changé !

Pour gagner Paris, il lui a fallu deux jours en bus, train et avion, via la Pologne. La jauge de l’Opéra de Kyiv est réduite à cinq cent spectateurs, étant donné la capacité d’accueil des abris en cas d’alerte. Il y a en moyenne deux représentations de ballet par semaine mais la vie artistique continue, malgré les bombardements… Une situation très difficile! Sur le plateau, les artistes n’en laissent rien paraître: les scènes s’enchaînent avec fluidité et les duos et portés sont de grande qualité. Les artistes, sans réaliser des performances techniques majeures, sont heureux de réjouir un public bienveillant. Ici, l’art en guerre contre la guerre n’a jamais été aussi bien décliné… « Danser en temps de guerre, écrit Hafid Aggoune, c’est comme cracher à la gueule du diable.”

 Jean Couturier

Spectacle joué du 21 décembre au 5 janvier au Théâtre des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne Paris ( VIII ème). T: 01 49 52 50 50.

 

On ne sera jamais Alceste, d’après Molière et la comédie classique de Louis Jouvet, mise en scène de Lisa Guez.

On ne sera jamais Alceste, d’après Molière et la comédie classique de Louis Jouvet, mise en scène de Lisa Guez

« A chacun des mots que tu dis, il faut que tu sentes ce que tu dis, que tu sentes ce que cela représente…Si tu fais cet exercice en appelant en toi, à mesure que tu penses le mot, le sentiment que ce mot exprime, à un moment donné, les sentiments monteront en toi, au fur et à mesure, avec tant d’intensité que tu pourras presque jouer intérieurement le texte sans le dire, puis tu seras obligée de le dire. A ce moment-là, tu joueras le rôle.»
Louis Jouvet s’adresse à une de ses élèves du Conservatoire qui essaye d’incarner Elvire dans une scène du Dom Juan de Molière. Cet extrait d’Elvire Jouvet 40 mises en scène par Brigitte Jaques-Wajeman que nous avions vu en 86 au Théâtre Athénée Louis-Jouvet. Lisa Guez a. u cette réalisation dans sa version filmée. «L’adaptation d’un chapitre de ces cours consacré au rôle d’Elvire m’a bouleversée, dit-elle, par son propos et son esthétique. »

© Ch. Raynaud de Lage

© Christophe  Raynaud de Lage

Et elle a eu l’idée de montrer dans le même état d’esprit le premier chapitre consacré à Alceste de Molière et la comédie classique de Louis Jouvet qui rassemble les cours donnés au Conservatoire National entre novembre 39 et décembre 40. Le travail dirigé par Lisa Guez est collectif : Gilles David, Didier Sandre et Dominique Parent portent la parole de Louis Jouvet, tout en interprétant en alternance Alceste et Philinte, à la scène 1, acte I du Misanthrope. «Je suis touchée, dit-elle, par la quête de ce professeur qui avait une vision absolue du personnage et un rapport presque mystique au texte et à l’auteur.» Le public fait comme partie des élèves-comédiens qui assistent au cours.
Sur le plateau nu, il y a juste quelques accessoires et costumes. Les interprètes surjouent parfois ce texte qui selon le maître, « doit être comme une prière que l’on récite
, le texte est une prière, une imploration au personnage».
Belle complicité : Gilles David vient de terminer ses dix années de professorat au Conservatoire National. Il était un Don Rodrigue bouleversant dans
Le Soulier de Satin mise en scène d’ Antoine Vitez en 87 avec son ami Didier Sandre. Il joue Don Pélage dans la réalisation d’Eric Ruf. Aussitôt On ne sera jamais Alceste terminée, il file salle Richelieu pour aller jouer le second Chancelier…

Dominique Parent a repris le rôle de Michel Vuillermoz à la création il y deux ans. Nous assistons avec délice à un vrai cours de théâtre et les paroles de Louis Jouvet résonneront longtemps dans notre mémoire: à propos d’une scène :«Ne la jouez pas, il faut se contenter de la dire, afin qu’elle s’entende bien.»  «Le théâtre doit être propulsé par le sentiment non par la raison.» «Etre acteur, cela demande du temps, c’est une expérience de vie, notre métier consiste à s’enrichir chaque jour.» Le spectacle ne se joue plus mais on peut acheter Molière et la comédie classique de Louis Jouvet.

Jean Couturier

Le spectacle a été joué jusqu’au 5 janvier au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris (I er). T : 01 44 58 15 15.

 

Femmes de théâtre et mise en scène aux XVI-XVIII èmes siècles

Pour une histoire des metteuses en scène n° 299 de La Revue d’Histoire du Théâtre, coordination d’Agathe Sanjuan et Joël Huthwohl

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Il y eut le rapport de Reine Prat qui a eu l’effet d’une mini-bombe il y a presque vingt ans déjà, sur la place des femmes dans le spectacle; très bien documenté, il a marqué un tournant. « Avec une généralisation de la préoccupation de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques et des actions des pouvoirs publics et donc d’analyser, avant toute prise de décision, les retombées possibles sur les situations respectives des unes et des autres,  l’adoption de mesures spécifiques en faveur des femmes visant à corriger les inégalités constatées. »
Cela concernait aussi bien entend toutes les disciplines artistiques du spectacle et tous les types de structure, d’activités,  tous les niveaux de responsabilités. Et, en 2006, les chiffres étaient têtus: « Les hommes dirigent 92% des théâtres consacrés à la création dramatique et 59% des centres chorégraphiques nationaux,  97% des musiques que nous entendons dans nos institutions ont été composées par des hommes et ils dirigent  94% des orchestres. 85% des textes sont écrits par des hommes comme 78% des spectacles sont mis en scène et 57% chorégraphiés par un homme. «Depuis 1900, écrivait Marguerite Duras, on n’a pas joué une pièce de femme à la Comédie-Française, ni chez Vilar, au T.N.P., ni à l’Odéon, ni à Villeurbanne, ni à la Schaubühne, ni au Piccolo Teatro de Strehler, pas un auteur femme ni un metteur en scène femme. Et puis Sarraute et moi, nous avons commencé à être jouées chez les Barrault. »
Depuis, on est arrivé à la quasi-parité pour les Centres Dramatiques . Oui, mais… il y a un bémol et de taill Les mieux lotis au niveau budgétaire sont tous dirigés par des hommes, et cinq les 5 moins bien lotis le sont par des femmes.  La programmation en terme de parité s’est  accentuée: les spectacles mis en scène par des femmes est passé à 53% en 2023/2024.. .Mais pour les Théâtres Nationaux, seule Caroline N’Guyen dirige un Théâtre National, celui de Strasbourg… depuis cette année. Là, c’est assez lamentable: le ministère de la Culture comme l’Elysée! n’ont jamais voulu qu’il en soit autrement.
Et la dernière nomination-à l’Odéon-a été celle de Thomas Jolly… Pourquoi? Les sociologues doivent avoir leur avis là-dessus. Par ailleurs, y-a-t-il peu de candidates? Qui a envie de gérer ce type de maison où le Ministère tire souvent les ficelles et impose les décisions… Et où bien des hommes se sont cassé les dents ou ont regretté après coup d’avoir accepté le poste…

©x Caroline Giulia N'Guyen

©x Caroline N’Guyen

Comme le rappellent dans l’introduction à Pour une Histoire des metteuses en scène, Agathe Sanjuan et Joël Huthwohl, le moins qu’on puisse dire est que la situation actuelle est encore très déséquilibrée et que les metteuses en scène sont le plus souvent aussi directrices d’un lieu. Les autrices et les auteurs de ce gros ouvrage explorent ce qu’a pu être a été la mise en scène en France du XVII ème siècle au début du XXI ème siècle.
Dans la préface,
Julie Deliquet, metteuse en scène, directrice du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, met d’emblée les choses au point… non sans quelque prétention! «Quand on m’a demandé de candidater à une direction, j’ai hésité et j’ai répondu que je savais pas si c’était le bon moment. On m’a fait remarquer qu’un homme avec une carrière comme la mienne, se serait étonné de n’avoir pas été nommé plus tôt.  »
Elle fait remarquer qu’elle a « découvert la place capitale des femmes dans le fonctionnement des troupes au XVII ème siècle et dans la façon dont les décisions artistiques étaient prises. Jusque-là je n’avais pas conscience de cette horizontalité, bien réelle avant la Révolution française. Notre prise de conscience est si tardive. Avec un art si ancien, comment peut-on être si en retard ? Cet effacement a encore des conséquences aujourd’hui. On critique les quotas, mais ils ont toujours existé sans que personne ne s’en émeuve. » (….) »
Mais Julie Deliquet, grande apôtre du féminisme, ne fait pas dans la nuance! Oui, cela a toujours été un grave problème dans les écoles de théâtre. Antoine Vitez lui-même était pour un recrutement plus important de jeunes femmes qui, en effet dans les concours, ont toujours plusieurs points d’avance sur les garçons. Plus cultivées, plus motivées, plus justes aussi dans leurs choix esthétiques.
Nous avons aussi régulièrement appliqué ce principe à l’école de Jérôme Savary dans ce même Théâtre national de Chaillot, mais bon, il faut avoir aussi des garçons pour donner la réplique.  Une équation difficile à résoudre.  Mais  les jurys n’ont pas commis d’erreur et des jeunes femmes ont souvent eu des parcours tout à fait remarquables comme les metteuses en scène: Léna Bréban, ou Pauline Bayle et Lucie Berelowitsch, celles-ci actuellement directrices de Centres Dramatiques Nationaux. Par ailleurs, Jérôme Savary a employé beaucoup plus d’élève-actrices à l’Ecole (trois pour des rôles importants),
que de garçons…

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©xLéna Bréban


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©x Pauline Bayle

 

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©x Lucie Bérélowitsch

Suivent  dans ce livre une quinzaine de participations sur le thème des femmes de théâtre et de la mise en scène  depuis le  XVI ème siècle avec notamment La méthode Clairon. Préalables à l’invention de la mise en scène : aux sources de la dramaturgie et de la théorie du jeu par Florence Filippi et Aurélien Poidevin et un bon article de Joël Huthwohl sur  Sarah Bernhardt, la première «metteuse en scène ».

©x Sarah Bernhardt

©x Sarah Bernhardt

Le terme était récent (1883) dit son auteur, et plutôt consacré aux chorégraphes. Mais la grande tragédienne fut reconnue par le critique Jean Lorrain comme metteuse en scène de génie quand elle monta La Samaritaine d’Edmond Rostand. Avec juste raison, Eugénie Martin rappelle l’itinéraire de Louise Lara, une artiste d’avant-garde (1876-1952)  qui fut sociétaire de la Comédie-Française ,avec son mari Edouard Autant, fonda en 1919 le laboratoire de théâtre Art et Action, «pour l’affirmation et la défense d’œuvres modernes. »

© Louise Lara

© Louise Lara

Il faut signaler, comme le fait Anne-Lise Depoil, qu’à l’époque du Cartel, il y a un siècle, le rôle que tint Simone Jollivet, la «femme-théâtre» de Charles Dullin, laquelle n’a pas été reconnue à sa juste valeur.  Et Ludmilla Pitoëff resta dans l’ombre de son mari Georges, grand metteur en scène. Dans Rattraper la balle lancée par Virginia Woolf. Luttes et stratégies des comédiennes pour l’appropriation de la mise en scène dans les années 1970-1980 en France éclaire bien ce moment-charnière dans l’histoire du théâtre français quand des actrices se sont dit qu’elle pouvaient aussi être metteuses en scène comme entre autres, Catherine Monnot ou  Catherine Dasté dont le père était Jean Dasté, directeur du Centre Dramatique National de Saint-Etiennne et le grand-père, l’immense Jacques Copeau. Voir l’article Catherine Dasté, femme de théâtre irréductible par Raphaëlle Jolivet-Pignon.

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©x Catherine Dasté

Catherine Dasté- qui a aujourd’hui quatre-vingt quinze ans- fut une formidable éclaireuse quand elle monta en 68 avec un grand succès, aidée par Ariane Mnouchkine qui lui « prêta » quelques acteurs, une pièce magnifique pour enfants: L’Arbre sorcier, Jérôme et la tortue. Avec l’appui de Françoise Dolto, elle créa ensuite le premier Centre dramatique national pour l’enfance et la jeunesse, au théâtre de Sartrouville. On l’a souvent oublié: dans les années cinquante, les directeurs de théâtre privé à Paris étaient… des directrices!
Il y a aussi pour conclure, un bon entretien  de Joël Huthwohl et Agathe Sanjuan avec Ariane Mnouchkine. Comme à son habitude, la directrice du Théâtre du Soleil  ne mâche pas ses mots et attaque avec raison les institutions, notamment syndicales comme la C.G.T. où un homme à qui elle avait demandé conseil, lui avait dit sèchement :  » Si vous n’avez pas d’argent, il ne faut pas faire de théâtre. »

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©x Ariane Mnouchkine

Mais lucide, elle dit aussi n’avoir pas oublié toute la générosité de Gabriel Garran-celui qui fut longtemps le directeur du Théâtre de la Commune à Aubervilliers-qui l’a beaucoup encouragé à créer cette troupe emblématique d’une  autre façon de faire du théâtre. Et elle reconnait qu’il y avait de vieux restes patriarcaux, même au Théâtre du Soleil…
Cet ouvrage-trop touffu-de trois cent cinquante pages aurait mérité une mise en page plus aérée et les notes en gris sont dissuasives. Mais on y trouvera nombre d’analyses et d’informations sur un passé qui éclaire souvent le présent du théâtre actuel, à l’heure où de nombreuses femmes dirigent enfin des structures importantes. Et qui sera nommé à la tête de la Comédie-Française? L’Elysée- à qui appartient traditionnellement la décision finale- se risquerait-il à nommer une femme? Cela serait étonnant et de toute façon Emmanuel Macron-qui va rarement au théâtre- a d’autres chats à fouetter mais ce serait un bon signal… Rappelons qu’il y a eu une seule administratrice (Muriel Mayette). Mais juste une directrice au Théâtre National de Chaillot et jamais aucune au T.N.P.,  à l’Odéon ou à l’Opéra-Comique.  Côté théâtre de rue, aucune non plus aux festivals d’Aurillac ou Chalon. Et cela n’a jamais bouleversé les nombreux ministres de la Culture (hommes ou femmes !). Ainsi va la France au XXI ème siècle…

Philippe du Vignal

Société d’histoire du Théâtre BnF. 22 €

 

 

 

La Route des étoiles, un défilé de mode hors-normes

La Route des étoiles, un défilé de mode hors-normes 

Le Xi’an ALT Rehabilitation Medical Center est le premier hôpital pour enfants autistes de l’Ouest de la Chine. Il combine médecine traditionnelle chinoise et occidentale, conditionnement bidirectionnel et régulation de la flore intestinale.Membre fondatrice du projet de la fondation ALT, sa présidente, la styliste  chinoise Bei Chen a présenté  ce  défilé en soutien à la neurodiversité et à l‘inclusion, dans le cadre du 60 ème anniversaire des relations France-Chine. Diplômée de l’Académie des Beaux Arts  Tsinghua à Pékin et de l’Atelier Chardon Savard à Pariselle a ouvert son enseigne  dans le quartier du Marais.

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Membre fondatrice du projet de la fondation ALT, sa présidente, la styliste  chinoise Bei Chen a présenté  ce  défilé en soutien à la neurodiversité et à l‘inclusion, dans le cadre du 60 ème anniversaire des relations France-Chine.
Diplômée de l’Académie des Beaux Arts  Tsinghua à Pékin et de l’Atelier Chardon Savard à Pariselle a ouvert son enseigne  dans le quartier du Marais.

Bei Chen a créé une plate-forme pour que ces enfants autistes accroissent leur confiance en eux et s’impliquent dans la société.

Ce défilé de mode suivait les mêmes principes que les autres. Dans la grande salle des fêtes de la mairie du XVI ème arrondissement de Paris, avec une scénographie bifrontale, sur un beau parquet en chêne à chevrons qui agrandit encore cette superbe salle de fêtes, éclairée par cinq lustres 1900, de beaux mannequins, souvent africaines ont défilé vingt-cinq minutes dans des robes longues ou ultra-courtes, ou en shorts, parfois enveloppées dans de grandes capes. Le tout en tissu imprimé d’après les cartons réalisés par ces enfants autistes sur le thème de l’océan. Des cartons que les mannequins portaient devant elles avec grâce et générosité.
« J’aime peindre, dit Wang zeyu, un garçon de treize ans, la peinture peut montrer l’interprétation de mon cœur car je ne peux pas dire de mots. Quand je peins, je suis très calme et concentré. J’apprécie vraiment la sensation après avoir fini de peindre. C’est étonnant! Quand je ne peux pas exprimer mes idées avec des mots, la peinture le fera. Cela me rend aussi plus confiant. »
Tout est dit.

Philippe du Vignal

Défilé vu le 18 décembre à la Mairie du XVIème arrondissement de Paris, avenue Henri Martin.

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