L’Intruse et Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Tommy Milliot

L’Intruse et Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Tommy Milliot

Le directeur du Nouveau Théâtre de Besançon a surtout monté des textes d’auteurs contemporains: Winterreise du Suédois Fredrik Brattberg Massacre de l’Espagnole Lluïsa Cunillé, L’Arbre à sang de l’Ausralien’Angus Cerini… mais aussi Médée de Sénèque.  Il met en scène aujourd’hui deux des trois pièces -avec Les Sept Princesses- de La Petite Trilogie de la mort du jeune Maurice Maeterlinck. Ses pièces comme La Princesse Malouène, une  autre pour enfants L’Oiseau bleu (1908) sont peu jouées. Tadeuz Kantor avait peiné à monter La Mort de Tintagiles et Claude Régy avait mis en scène Intérieur  (2014) et plus récemment Daniel Jeanneteau, Les Aveugles  (voir Le Théâtre du Blog).
Le grand dramaturge a transformé la conception du drame et de 1889 à 1894, il publie huit pièces aux thèmes symbolistes où les personnages sont le plus souvent immobiles et passifs; l’un d’eux représente  le destin. La plupart de ces œuvres ont inspiré de nombreux opéras et actuellement Wouajdi Mouawad crée à l’Opéra-Bastille, Pelléas et Mélisande (1892), sommet du théâtre symboliste, mis en musique dix ans plus tard par Claude Debussy. Et curieusement, il y a un siècle, Antonin Artaud admirait Maeterlink: « Ici, le destin déchaîne ses caprices ; le rythme est raréfié, spirituel, nous sommes à la source même de la tempête, aux cercles immobiles comme la vie. Il a introduit le premier dans la littérature la richesse multiple de la subconscience. » Et plus curieusement encore Henry Miller trouvait que « dans œuvres, on est amené  à méditer sur les grandes figures du passé. »

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage Les Aveugles

Deux pièces en un acte écrites par un auteur de vingt-neuf ans en 1890 qui veut rompre avec le conformisme théâtral de son époque. Pas d’intrigue compliquée et une grande simplicité d’action dramatique. « Elle disparaît comme une conséquence logique de l’absence de protagoniste actif. dit Jean Paul Duffet, et s’efface en raison de l’apparition d’actants humains abouliques. (…) Attendre quelqu’un justifie la passivité de ceux qui attendent et qui ne font rien d’autre qu’attendre. Ces figures vivent pour le seul moment où l’absent devrait (ré)apparaître. Il y a une solidarité sémantique et structurelle entre l’aboulie et l’attente, qui est, par excellence, une situation de non-action. »
Et ces œuvres en général jouées ensemble, sont courtes :quarante minutes pour L’Intruse  et soixante pour Les Aveugles. La  première a lieu à l’intérieur, et l’autre, en plein air et des personnages qui doivent attendre, préfigurant ceux du célèbre En attendant Godot de Samuel Beckett.  Dans la première pièce, un grand-père, aveugle ou presque, vit dans un château où sa fille vient d’accoucher dans une chambre proche. Autour d’un table ovale, ce grand-père, le  père de la jeune femme, son oncle et trois filles dans l’œuvre originale mais ici une seule. Une pièce mal éclairée par une lampe qui a des sautes d’humeur.  On entend le balancier d’une horloge et on comprend vite que cette jeune mère n’est pas en bon état mais personne, mis à part le grand-père ne semble inquiet. Lui, le non-voyant comme on dit maintenant, a un pressentiment: il n’entend plus le bruit du vent ni le chant des rossignols. Il croit avoir quelqu’un près de lui…  Un thème souvent traité en littérature comme au cinéma: dans le récent Présence de Steven Sodeberg,  une jeune fille sent près d’elle une présence invisible. Bref, ici, la mort n’est pas loin…
Dans Les Aveugles, une dizaine d’hommes en manteau et quelques femmes et deux êtres encapuchonnés (des mannequins) assis, absolument immobiles sur quatre gradins: dans le texte de Maurice Maeterlink, une «très ancienne forêt septentrionale ».  Ils sont loin, très loin même de l’hospice où il sont hébergés, mais ces aveugles perdus espèrent encore sentir venir leur guide. En parlant-c’est tout ce qui leur reste- ils vont se connaître…Mais la peur, de l’autre de l’inconnu,  la crainte du lendemain, la solitude mal assumée,… Autant de thèmes qui nous parlent encore
Tommy Milliot a conçu deux remarquables scénographies-réalisées par  l’Atelier du Nouveau Théâtre Besançon-Centre Dramatique National. La salle du château de L’Intruse est toute en bois avec juste une table quatre chaises. Et pour figurer la très ancienne forêt septentrionale des Aveugles. un simple gradin avec, dans le fond, trois colonnes au diamètre différent, sous un beau clair-obscur imaginé par Nicolas Marie et Vanessa Cour a fait un travail sonore exemplaire: seuls de légers bruits parcourent la scène…

 

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La direction d’acteurs est très précise et dans la première pièce, Bakary Sangaré se tire au mieux du rôle principal mais pas facile de l’Aïeul. Et dans la seconde, Gilles David, Alexandre Pavloff, Claïna Clavaron, Dominique Parent, Blanche Sottou, Aristeo Tordesillas, avec Charlotte Clamens, exemplaire, ont la diction irréprochable et absolument nécessaire quand il faut dire la langue ciselée de Maurice Maeterlink.
Thierry Godard, engagé l’an passé à la Comédie-Française et sans doute plus habitué aux micros de cinéma, devrait faire un effort… Esse, le border collie, vieux compagnon des bergers, est étonnant de vérité. Mais pourquoi cet immobilisme imposé aux acteurs sauf, à la fin où tous les aveugles assis face public, vont doucement se lever…
A voir? A condition de vraiment aimer la prose poétique de l’écrivain belge, sinon, on risque d’être déçu…

 

Philippe du Vignal

Jusqu’au 2 mars, Comédie-Française-Théâtre du Vieux-Colombier,  21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème). T. : 01 44 58 15 15.

 
 

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