C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule, écriture et mise en scène de Johana Giacardi

C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule, écriture et mise en scène de Johana Giacardi

Le titre vous chatouille la mémoire, pour peu que vous ayez vécu au siècle dernier. C’est une phrase due à Michel Audiard, le roi (plutôt anarchiste) du dialogue dans les grands films populaires à la française.  reprise pour le titre de celui de Jacques Besnard sorti en 1975, avec, entre autres, Christian Clavier, Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte à leur période café-théâtre. Ce qui ne nous rajeunit pas…
Mais ce n’est pas le propos de Johana Giacardi. Elle s’intéresse à une autre idole du temps passé et non du cinéma mais de la radio: Macha Béranger. Allo, Macha ? La nuit, c’était l’heure des confidences et des émotions dans le noir. Elle écoutait et répondait avec sa voix grave, brisée et tendre. L’idée : il faudrait écouter les gens ordinaires, «normaux» ou non, et pas seulement les « experts » détachés par contrat, de toute affectivité et de tout mal-être ou besoin de consolation.

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© Fanny de Chaillé

 

Cela donne un spectacle assez éloigné de la radio, dans un jeu astucieux de tricotage entre improvisation, construction, récits et mots lancés comme des balles, d’un côté à l’autre de la piste circulaire, image de possible table ronde. Entre vérité et fiction- qui n’est pas mensonge mais déguisement-on voit se révéler des Super-Z-héros dans leur costume rituel, on assiste à l’éclosion de confidences joliment mises en scène, sur fond de culture commune (le clown, Roméo et Juliette)… Avec cinq jeunes comédiennes vives, drôles, pleines d’énergie et même, par instants, émouvantes. D’autant qu’elle payent de leur personne en donnant la matière des récits. Les spectateurs, sollicités à participer, acceptent joyeusement de devenir « confidents ».
Au passage, la matrice café-théâtre des années soixante refait surface, quoique la meneuse de jeu la refuse (ou fasse semblant ?). Casser en douceur le mur qui sépare le théâtre, du café, le spectateur passif, des acteurs actifs (pléonasme) et enfin, la scène, de la salle…  Du déjà vu mais Johana Giacardi le sait, qui déjoue à l’avance la critique, dans une savoureuse parenthèse.

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©Fanny de Chaillé

Et sans le faire exprès (mais, va savoir, avec tout ce jeu de vrai-faux et de chausses-trappes…), elle pose l’un des paradoxes du théâtre. Pourquoi la « participation» ne marche pas ? Parce qu’on n’en a pas besoin. Elle est déjà là dans le théâtre « sage »  et traditionnel. Rire, écouter dans un silence intense, c’est participer. Huer, lancer des tomates (pratique heureusement désuète), surtout quand elles visent les « méchants », c’est participer. Mais essayer quand même de faire sauter la frontière entre les groupes de spectateurs et acteurs (ou l’inverse) permet avec bonheur au spectacle vivant de rencontrer un public tout aussi vivant.  Un bon point pour la compagnie les Estivants et pour sa meneuse Johana Giacardi. Tout cela pour un spectacle modeste, très travaillé et têtu même s’il se donne des apparences bohèmes avec un brin d’insolence,  et qui fait plaisir.

Merci donc au Théâtre Public de Montreuil qui a invité cette «belle et rebelle » (Ha! Ha !) bande de filles dans un cadre qui n’en est pas un, puisque les spectacles sont hors-cadre avec T.P.Mob, autrement-dit mobile, dans plusieurs quartiers et auprès des collectivités avec des ateliers proposés par les artistes, ils donnent corps au rêve de la Décentralisation : du théâtre partout et pour tous, sans intimidation… Un peu de corps, c’est déjà beaucoup. Il faut bien s’y mettre, surtout au temps de : «Debout pour la Culture»…

 Christine Friedel

Spectacle vu à La Parole errante, Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Et du 11 au 15 février au Théâtre Public de Montreuil, salle Maria Casarès, 63 rue Victor Hugo, Montreuil. T. : 01 48 70 48 90.

Pour les représentations hors-les-murs, billetterie responsable : 20, 15, 10, 5 ou zéro €, selon vos moyens, En sachant qu’une place pour un modeste spectacle (mais comptant de nombreuses heures de travail) revient à 87 €. Heureusement, il existe encore des subventions !

 

 

 

 

 

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