Neandertal, texte et mise en scène de David Geselson

Neandertal, texte et mise en scène de David Geselson

 Une reprise d’un spectacle créé au festival d’Avignon 2023, et déjà rejoué l’an passé dans ce même théâtre (voir Le Théâtre du Blog). Presque trois ans après, il a sans doute évolué. Un monde: on dira qu’ici «tout est dans tout» et ce sera vrai. David Geselson part aux origines de l’Humanité, avant même l’homo sapiens-notre espèce, à peu de choses près-et son cousin disparu :neandertal. Pas si disparu: quelques-uns de ses gènes se seraient mêlés à ceux de l’homo sapiens et auraient survécu jusqu’à nous, ici, maintenant. Ici, quelques-uns de ces «nous» : des hommes et des femmes s’aiment, des chercheurs voués avec passion à la science, et, en images : ils ne méritent pas la générosité des comédiens pour les incarner, des êtres qui en haïssent d’autres au point de les assassiner.
Revient le souvenir d’un monde primitif imaginaire où les homo sapiens savaient «chercher les traces pour avancer ». Le noyau de cette recherche est l’ADN (acide désoxyribonucléique) et la génétique, science fascinante et dangereuse, quand on se met à y déceler une identité et à lui procurer droits et passe-droits. Mieux vaut chercher d’anciens ossements dans le désert à l’étranger-les squelettes des hominiens n’ont pas de patrie ! Et mieux vaut observer au microscope électronique des particules infimes dans un laboratoire aseptisé. Avec l’orgueil, la gloire du chercheur et sa crainte, toujours, de l’erreur fatale, de l’élément «étranger» qui viendrait détruire l’édifice de son hypothèse en polluant sa pureté. On n’y peut rien,: ces mots ressemblent trop («danger venu de l’extérieur, de l’autre»), à ceux des idéologies les plus destructrices. Dur constat pour des scientifiques voués à l’universel et pour un spectacle résolu à parler d’amour…

 

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Embrasser la totalité des temps humains possibles, intensément et dans le désordre? Remonter à la naissance de l’humanisation, du côté des «parents d’Adam et Eve» (et que Dieu s’en débrouille !) ? Chiche ! Et l’auteur le fait, sans insister et sans interdire l’émotion. Rien de mieux que le théâtre pour se prêter à cela : en quelques minutes, un rocher de carton-pâte «joue» à la fois, l’illusion du désert et la réalité artisanale de ce qu’il est: un laboratoire couché sur le plateau, puis dressé à la verticale par les acteurs et les accessoiristes  à vue.Le mur du labo devient écran où sont projetées des images d’actualité, devenues images d’Histoire (assassinat d’Yitzhak Rabin en 1995, montée en puissance du Likoud et de Benjamin Netanyahou). David Geselson ne craint pas d’appuyer là où cela fait mal et d’interroger l’histoire de la Terre promise. Mais on manque beaucoup de moments de ce spectacle aussi ambitieux que courageux, et on doit souvent de contenter d’en deviner les perspectives : tout simplement, on entend mal. Le grand plateau, la coupole de l’ancienne patinoire avalent les voix mais, en même temps, le jeu est assez métaphorique et les situations assez fortes pour qu’on puisse suivre les pistes indiquées et percevoir l’ensemble. Le spectateur est obligé de faire sa propre cuisine et finalement, tant mieux: on entre dans le jeu, on s’approprie certains éléments et on les reprend en direct, avec son imagination. A se demander si ce n’est pas un dessein à peine caché de l’auteur: que le public travaille lui aussi autant que les artistes!
Lui-même ne s’interdit pas de prendre à partie le monde tel qu’il est, au nom de priorités à lui et nous invite implicitement à en faire autant. Nous aurons moins, et plus, qu’une bonne soirée. Mais il ne faudrait pas que ces considérations passent pour une plaidoyer en faveur d’une mauvaise acoustique et/ou d’une diction faible.
De ce que l’on entend, reste l’essentiel: la joie de la recherche, du doute, la liberté d’interpeller jusqu’à Dieu. L’adjectif: sapiens signifie : la connaissance et peut-être la sagesse, mais aussi le goût et avec lui le plaisir. Et Neandertal: « l’homme d’une vallée nouvelle»: David Geselson avoue voir été tenté de prendre cette formule comme sous-titre, et l’avoir trouvée trop belle…

 Christine Friedel

 Jusqu’au 16 février, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème). T. : 01 44 95 98 00.

 

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