La dialectique en 3D de François Hien

La dialectique en 3D de François Hien

 

A l’origine de La Crèche et de La Peur (voir Le Théâtre du Blog), deux faits sociaux brûlants, puisqu’ils touchent à «nos enfants »: dans la première pièce, l’employée d’une crèche associative refuse d’enlever son voile sur le lieu de travail, bravant le règlement jusque-là accepté, interdisant le port de signes religieux.
Dans la seconde,  un prêtre est suspendu par sa hiérarchie pour avoir dénoncé le « voile » que l’Eglise jette sur les actes de pédocriminalité commis en son sein; en même temps, les anciennes victimes l’accusent de n’avoir pas témoigné en justice contre son évêque. Entre les deux affaires, la sacralité des enfants,, devenu simple prétexte, passe assez vite à l’arrière-plan. Ce qui compte est le voile, objet transitionnel entre l’individu et l’institution. La directrice de la crèche reste droite dans ses bottes, étant elle-même « son » institution, face à, infiniment plus puissante, la pratique de la religion musulmane. Quant à l’Eglise catholique, institution par excellence, auto-sacralisée, elle entend ne rendre de comptes qu’à elle-même.

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A partir de ces affaires largement médiatisés, François Hien nous offre le plaisir cérébral de la controverse. Ce plaisir ne tiendrait pas longtemps sans la matière vivante qu’est le théâtre. Fait social (et son énoncé), contradiction, résolution: pour rendre compte du vécu, l’auteur pousse très loin la dialectique. Et la démonstration est d’une rigueur mathématique.
La Crèche commence par un simple affrontement et  s’y greffent des questions affectives, la pression du groupe (le personnel de la crèche) et celles exercées pour que chacune «choisisse son camp» et  par la surchauffe judiciaire et médiatique. C.Q.F.D. : billard à trois bandes ou plus, tout mouvement, tout choc crée une nouvelle situation en réaction sur les faits passés, et à venir. Une sorte de boucle de rétro-action. C’est clair? Non. Parlons de réaction en chaîne, plutôt que de contagion ou d’effet boule de neige. Chaque mouvement influence l’ensemble, par répercussions successives. Tout est solidaire, au sens mécanique du terme. Tout  fait système.

 On en oublierait qu’il s’agit de théâtre et que toutes ces articulations dialectiques sont d’abord autant de situations à jouer. Le public se régale (les comédiens aussi, sans doute). L’auteur de ces pièces traite leur sujet avec sérieux et profondeur, et le fait qu’il s’agit de « nos enfants » (à la crèche du quartier, ou dans des catéchismes suspects), nous entraîne dans le vif idéologique avec un risque: déraper dans quelques glissades émotionnelles. Pente sur laquelle l’auteur nous retient : on n’en a pas fini avec les émotions mais ce sont celles du théâtre, lieu qui donne à voir et à comprendre, et même à rire, quand soudain on se reconnaît dans un instant de vérité. Avec des interprètes qui incarnent sans crainte plusieurs rôles dans La Crèche, ou habitent dans La Peur chacun un personnage, nous revoilà dans le concret et le vivant.

Et comment cela finit ? Bien ou mal mais ces pièces trouvent une fin, par une rupture, par une résolution. Et la peur, la peur d’être soi, disparaît. Et pour nous? Un théâtre politique sans slogans, avec une analyse précise de faits sociétaux et une confiance totale en l’intelligence des acteurs et du public.

Christine Friedel

 

 

 

 

 

 

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