L’Exception et la règle, de Bertolt Brecht, traduction de Bernard Sobel et Jean Dufour, mise en scène de Bernard Sobel

L’Exception et la règle de Bertolt Brecht, traduction de Bernard Sobel et Jean Dufour, mise en scène de Bernard Sobel

« Imbécile/ne peux-tu pas comprendre qu’un service/ est rendu à l’humanité/ quand le pétrole est extrait du sol ?/ Laisse tomber celui qui tombe, et donne-lui un coup de pied/ Car c’est bien ainsi. /Celui qui ne se méfie pas est un imbécile./Confiance égale bêtise./ Lehrstück: pièce didactique; nous sommes là pour apprendre quelque chose et ne pas rentrer les mains vides après le spectacle mais armés pour penser et, si possible, agir.
Bernard Sobel reprend cette pièce-clé qu’il avait déjà mise en scène, entre autres, dans les anciennes halles de Paris en 1970 et a eu l’idée toute simple ,et donc lumineuse, de la confier en partie, aux jeunes élèves de la Thélème Théâtre École. Nous sommes-là pour apprendre, eux aussi. La représentation commence par un défi: la « classe » bien alignée, reste rangée et joue la pièce mot par mot. Les didascalies, le nom des personnages, leurs répliques, tout fonctionne et chaque mot produit du jeu que les comédiens nous donnent à écouter. Belle école !

© H. Bellamy

© H. Bellamy

La troupe fidèle de Bernard Sobel prend le relais. Elle connaît bien la magnifique salle aux murs de pierres blanches de l’Épée de bois: Julie Brochen, Marc Berman, Claude Guyonnet, Boris Gawlick, Mathieu Marie et Sylvain Martin y jouent aussi dans la même soirée La Mort d’Empédocle de Friedrich Hölderlin. Le lien : la question de la croyance, de l’espoir politique. Empédocle renonce au suicide pour continuer sa route malgré, ou grâce aux désillusions.L’Exception et la règle nous en donne le mode d’emploi: « Nous allons vous rapporter /L’histoire d’un voyage./Un exploiteur/ Et deux exploités l’entreprennent. /Observez bien/le comportement de ces gens:/ Trouvez-le étrange,/même s’il n’est pas étrange/Inexplicable, /même s’il est coutumier/ Incompréhensible,/ même s’il est la règle. »

C’est clair et d’une implacable ironie. Un théâtre « à l’os», au couteau plutôt. Pas d’emballage, nous suivons le récit nu d’un cheminement «normal », ce que Brecht appelle : la règle. Un marchand est pressé d’arriver à Ourga à travers le désert, pour y être le premier en affaires et ses deux serviteurs le sont, eux aussi, pour toucher leur salaire «normal». Arrive un événement qui ne fait pas diversion mais qui donne la clé de ce lehrstück : le marchand tue son porteur (après avoir renvoyé son guide) parce qu’il s’est « cru menacé », quand celui-ci lui a tendu sa gourde qu’il a vue comme une pierre menaçante. L’œuvre nous fait entrer tout droit dans la mauvaise foi juridique : la peur ressentie par l’oppresseur (le marchand a menacé son porteur et l’a blessé, il craint sa vengeance) légitime son crime, et par la victime. La partie civile : la veuve du porteur, est déboutée de sa plainte.

Évidemment, mais la pièce nous apprend à nous méfier des évidences-les mots qui comptent sont ceux du titre. Qu’est-ce que la règle? On s’aperçoit que c’est l’habitude qui rend aveugle. Et l’exception? Un geste de solidarité. Et comment fonder une société sur l’exception… en l’en écartant? Qu’est-ce que la loi? La normalisation des rapports de forces. Questions raisonnables, utiles et posées avec une économie d’une parfaite efficacité. Et pour notre grand plaisir: nous sommes pris au piège salutaire de l’ironie brechtienne. Didactique ? On en redemande.

Christine Friedel

Jusqu’au 2 mars, Théâtre de l’Epée de bois, route du Champ de manœuvre, Cartoucherie de Vincennes. Métro: Château de Vincennes+ navette gratuite. T. :  01 48 08 39 74.


Archive pour 25 février, 2025

A qui mieux mieux, conception et texte de Renaud Herbin (tout public à partir de trois ans)

A qui mieux mieux, conception et texte de Renaud Herbin (tout public, à partir de trois ans)

Créé en 2022 , c’est une sorte de performance :un homme cherche à s’exprimer, tout à la joie de se sentir vivant. «Un être animé par la nécessité de dire ce à quoi il a survécu, sa propre naissance, dit le marionnettiste Renaud Herbin qui en est le metteur en scène. Mais son engouement est son propre frein. Il engage une sorte de «battle» avec lui-même, surenchère du superlatif. Il se coupe lui-même la parole. Pour avoir le dernier mot.Cet être pensant, qui dit ce qu’il pense, mange ses mots, ogre dévorant, absorbant, déglutissant. Il pense ce qu’il dit comme autant d’hypothèses sur ce qu’il voit et ce qu’il vit. Il philosophe.»
Autant dire une quête métaphysique, proche de celle revendiquée par Antonin Artaud, laquelle n’a jamais vraiment fait bon ménage avec l’expression théâtrale, sauf dans
Hamlet de Shakespeare. Et de façon radicalement opposée chez les frères ennemis polonais Jerzy Grotowski et Tadeusz Kantor…

© Benoît Schupp

© Benoît Schupp

Et sur le plateau? Bruno Amnar, seul, commence à faire quelques exercices physiques. Puis il joue avec un très gros coussin imaginé par Céline Diez. C’est déjà un peu longuet et des spectateurs vont quitter la salle.
Ensuite l’acteur toujours aussi seul face au monde qui l’entoure, c’est à dire ici surtout un public d’enfants, enchaîne des phrases: « Je fais des tas, je fais des tas de moi, je fais des tas de tas, j’aime bien faire des tas ça me fait du bien, les tas» avec
quelques borborygmes et bégaiements… Comme à la recherche d’un langage sonore.
Puis après s’être couché dessus sur le gros sac et joué avec, Bruno Amnar en extrait de gros flocons de laine bleu e(le fameux bleu d’Yves Klein), rouge, marron, grise qui vont couvrir toute la scène. Un bel effet visuel… qui ne semble pas toucher les enfants: ils parlent entre eux, leurs accompagnateurs somnolent et, dans le fond de la salle, un adolescent, visiblement handicapé mental, pousse des cris à intervalles réguliers.
L’acteur fait ce qu’il peut pour donner vie à cette performance qui se voudrait métaphysique mais qui distille un redoutable ennui. Après quarante minutes, fin de cet opus assez prétentieux…
Nous ne sommes sûrement pas tombés sur la bonne matinée mais cette  » histoire de soi, l’histoire de ce combat joyeux le défi de la vie à relever» est loin d’être convaincante, surtout à 10 h du matin dans une salle peu chauffée. Que sauver de ce mini-spectacle? Sans doute les ballots de laine de couleur… qui tiennent plus d’une «installation » dans un musée d’art contemporain.
En tout cas, difficile de conseiller ce spectacle dont on peut se demander comment il est arrivé là.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 2 mars, Théâtre Paris Villette, 211 avenue Jean-Jaurès, Paris (XIX ème). T. : 01 40 03 72 23.

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...