La Mort grandiose des marionnettes, variations, création et conception par The Old Trout Puppet Workshop, mise en scène de Peter Balkwill, Pityu Kenderes et Judd Palmer

La Mort grandiose des marionnettes, variations,  création et conception par The Old Trout Puppet Workshop, mise en scène de Peter Balkwill, Pityu Kenderes et Judd Palmer


The Old Trout Puppet Workshop a été fondé en 99 par des copains dans un ranch au sud de l’Alberta,une province de l’Ouest canadien (capitale Edmonton). Six cent lacs et plus de quatre millions d’habitants…. une des compagnies de marionnettes les plus connues du pays et maintenant basée à Calgary qui a créé des spectacles pour enfants et d’autres pour adultes, écrit et illustré plusieurs livres…Et la compagnie gère aussi un festival de marionnettes, une cellule d’enseignement et créer des spectacles avec le Vancouver Opera Centre National des Arts, le Theatre Calgary. Elle a créé Ghost Opera ,un opérade marionnettes fondé sur une histoire de fantômes dans la Grèce antique avec le Calgary Opera.

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Sur le plateau, un grand castelet aux rideaux rouges et autour, de grande tentures rayées avec, de chaque côté, un rideau qui s’écarte pour laisser passer Louisa Ashton, Aya Nakamura et Teele Uustani, les remarquables manipulatrices et leurs accessoires.  Il y a d’abord un vieil homme muet aux cheveux hirsutes qui annonce un festival de non-sens, et une cruauté qui rappelle souvent avec ces mètres d’ intestins sortant du ventre d’un homme tué, les décervelages pratiqués sur ses très petites mais fabuleuses marionnettes par Robert Anton présent devant un public limité à quinze personnes. Hélas, cet artiste exceptionnel, atteint du sida, avait préféré se suicider.
La Mort grandiose des marionnettes, variations se passe en vingt très courtes scènes qui se succèdent avec le titre projeté en haut du castelet : dénominateur commun : le macabre. Il y a aussi une feuille morte emportée par le vent symbole d’une vie humaine finissante…
Il y a de très belles images comme cet homme pendu dont on ne voit que le pantalon noir et que viennent voir ses proches. Mais tous vite accablés par cette vision d’horreur et qui se tuent l’un après l’autre d’un coup de revolver, Ou ce petit bonhomme a la grosse tête que, régulièrement un très grand bras tue d’un coup de marteau. Ou ce couple au corps et au visage difformes qui s’en va courir dans la prairie. Et ces deux gnomes dont l’un a le visage qui rétrécit et l’autre qui gonfle. Ou encore cette fin tout à fait sublime où les portes en dessous le castelet s’ouvrent pour laisser apparaître un pauvre homme mourant que deux manipulatrices tiennent doucement dans leurs bras, tandis que rode la grande faucheuse au visage squelettique, en grande cape noire.

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Dans le castelet qui s’ouvre, les gnomes et leurs amis que nous avons vus. Un moment tout aussi sublime… Mais Peter Balkwill, Pityu Kenderes et Judd Palmer auraient pu nous épargner les moments avec ces arrivées sur le plateau des manipulatrices, sauf à la fin. Pas vraiment intéressants, souvent pléonastiques et surtout, ils cassent l’unité et le rythme.
Malgré ces réserves, allez voir ce spectacle qui n’a pas vieilli.
The Old Trout Puppet Workshop, avec ces marionnettes à gaine et à tringles, nous offre en une heure dix, un théâtre à la fois d’une couleur à la fois, poétique, grotesque et drôle mais très grinçant et aussi teinté de métaphysique. Vous avez dit exceptionnel? Oui, et de cette qualité théâtrale, vraiment rare….

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 mars, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris ( VIII ème). T. : 01 44 95 98 00.

 

 


Archive pour 13 mars, 2025

Dolorosa, variations sur Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, texte de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

Dolorosa, variations sur Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, texte de Rebekka Kricheldorf, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo

 Le spectacle avait été créé en 2024 et on rit beaucoup à cette réécriture. Parce qu’il s’agit de douleur, et la première de toutes : le sentiment de n’être pas aimé, le manque d’amour. La fratrie se disloque, même si les trois sœurs continuent à se serrer comme des oisillons, la maison se défait, annexée par une intruse, la belle-sœur, une « pauvre », comme le dit brutalement son futur époux, le frère. C’est la lutte des classes au cœur de la maison : Rebekka Kricheldorf y intègre explicitement le concept de capital culturel. Prendre conscience que les rêves sont une torture, si on les compare à l’ampleur, à la splendeur, à la vie mesquine-et désargentée-de tous les jours : quelles douleurs ! Et quel meilleur moyen pour la regarder en face et chasser cette torture, que d’en rire férocement !

 

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L’autrice passe la pièce d’Anton Tchekhov au papier de verre 40-60 (gros grain, pour les non-bricoleurs). Aucune illusion, aucun espoir ! L’anniversaire d’Irina se reproduit semblable, d’année en année et rien ne change et même avec ce qui change, c’est toujours aussi grinçant. Aucune attente, pas de rencontres, et quand il s’en produit une, elle s’évapore. N’est-ce pas, Georg ? Celui dont la femme se suicide sans arrêt et qui vient chercher ici, auprès des trois sœurs, une douce présence féminine. Et comment pourrait-elle être douce ? Et qu’a-t-il à donner ?
Olga l’aînée, professeur puis directrice, la seule qui travaille dans la maison et touche un salaire, a tous les atouts mais ne le sait pas : « On ne me dit jamais rien. » Macha a un autre atout : elle n’a pas à gagner sa vie. Son mari, professeur lui aussi, comme ce sera aussi pour Irina et il n’y aura pas lieu de s’en réjouir) assure le quotidien.  Mais elle ne veut pas d’enfant. Impossible avec un homme «qu’on aime un peu, qu’on n’aime pas » chantait Juliette Gréco.
Irina,elle, se cherche entre sociologie, philosophie et biologie. Façon polie de dire qu’elle a peu de chances de se trouver. Quant à leur frère, un « écrivain » en retard sur son œuvre, bien heureux d’entrer aux services culturels municipaux, il cherche sa puissance dans la famille piaillante qu’il a fondée.
Portrait au vitriol d’une famille bourgeoise déchue qui garde tout son orgueil, mais sans les moyens de le faire valoir. Le texte de Rebekka Kricheldorf est une curieuse entreprise : très collé à la pièce d’origine, ce que le metteur en scène en scène Martial Di Fonzo Bo souligne en gardant plusieurs passage des Trois Sœurs (dans la traduction de Françoise Morvan et André Markowicz). L’autrice supprime un certain nombre de personnages qui avaient leur rôle à jouer dans la Russie des premières années du vingtième siècle, un monde fondé encore sur une certaine logique et sur des espoirs immenses dont on a vu les effets dans les années qui ont suivi : éjectés de l’Histoire !
Plus question de lendemains qui chantent, plus de causes ni d’effets dans un monde constamment au présent.En revanche, le texte, très bien traduit par Leyla-Claire Rabih et Frank Weigand, apporte du papier de verre : la fratrie s’étrille avec autant de vitalité que de réciprocité.  Et aucune injustice, tout le monde y passe. Le « bon goût » de Macha ne vaut pas mieux, que l’allure complètement loupée de la belle-sœur. Le public rit au «bien touché », comme si cela n’arrivait jamais chez nous, ou peut-être justement parce que cela arrive, et que la représentation de cette petite et insupportable cruauté nous exonère de celle que nous pratiquons.

 Ces considérations faites, Dolorosa était-elle nécessaire? On a déjà vu de bonnes mises en scène bien étrillées des Trois sœurs avec une distribution qui, comme celle-ci, démolit les clichés imposés aux personnages. Marie-Sophie Ferdanne donne à Olga toute sa beauté et une droiture presque enfantine, bien qu’elle soit la plus âgée et la plus responsable des trois sœurs.
Nous avions vu une aussi belle et aussi touchante Olga avec Anne Alvaro, mise en scène par Maurice Bénichou au festival d’Avignon 88.  Elsa Guedj est une Macha plus paumée que sentimentale, et cela marche. Et Rodolphe Congé pouvait aussi bien jouer le Verchinine d’Anton Tchekhov, que ce Georg distribuant à chacune ses tendresses possibles.
Dolorosa fait envie de voir autrement le Frère et de chercher ce qu’il y a de vie dans son ratage. Et avant tout de revenir à Tchekhov. Pour l’autrice, sa pièce est une réponse aux questions que posent ses personnages. Mais si on écoute bien, les réponses sont déjà inscrites dans Les Trois Sœurs… Le plus intéressant est son écriture, active, efficace, indéniablement théâtrale. À voir, donc, pour le vigoureux étrillage d’une petite société qui ressemble à la nôtre et pour l‘amour de Tchekhov qui ressort, toujours inoxydable! des adaptations qu’on lui impose.

 Christine Friedel

 Jusqu’au 15 mars,Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt. T. : 01 44 95 98 00.

 

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