La Grande dépression de Raphaël Gautier, mise en scène d’Aymeline Alix

La Grande dépression de Raphaël Gautier, mise en scène d’Aymeline Alix

Une idée lumineuse : travailler sur la dépression, face sombre  de la psychologie comme de l’économie. De quoi sont donc faites ces chutes? L’auteur braque le projecteur sur une année choc : 1933. Hitler et le parti nazi prennent le pouvoir en Allemagne et ’aux Etats-Unis Walter Disney invente la souris Mickey, avec sa truffe noire, ses oreilles rondes et ses gros gants blancs, séquelle inattendue de la crise (économique) de 1929. Embrigadement aveugle d’une nation d’un côté, et de l’autre « entertainment » éblouissant (de l’ancien français entretenement) qui devient mondial. La pièce tient le pari : embrasser tous les espaces du récit, du cabinet de consultation de la psy, à une prise d’otage à Disneyland et nous fait assister à une réunion de musicologues nazis consacrée à la définition d’une esthétique authentiquement aryenne et nous partageons les états d’âme et d’affaires de Walter Disney, et très accessoirement de ses employés.

©x

©x

L’Ariane qui nous conduira dans ce labyrinthe (dont notre société n’est pas vraiment sortie aujourd’hui) : un dépressif pressé de ne plus l’être. La troupe : Chadia Amajod, James Borniche, Christian Cloarec, Nathan Gabily, Agnès Proust et Stanislas Roquette, fonctionne bien, dans une scénographie pratique mais sans charme sinon quand elle sert d’écran ondulé, déformant, à de très brefs films de Mickey. Le spectacle est rapide, drôle, et même pédagogique, montrant du doigt le premier piège de la dépression : faire croire à l’individu qu’il est seul, abandonné à sa maladie, alors que la grande dépression est avant tout une maladie sociale et politique. C.Q.F.D. : 1933, année exemplaire de la destruction de l’humanisme.

 Un message  enrobé de fantaisie et un jeu d’acteurs-marionnettes efficace. On apprécie et pourtant le spectacle se heurte à un moment donné à un plafond, celui du jeu incarné et de l’adresse au public. Si, pour seulement cinq minutes, trois minutes, le « preneur d’otages de Disneyland » nous adressait un discours de révolte avec une vraie sincérité, un engagement, le spectacle trouverait l’ancrage, la gravité-et même le centre de gravité-qui lui manque. La metteuse en scène craint de tomber dans un jeu réaliste ou naturaliste et cela nous prive de ce qui pourrait être un précieux instant de transgression, un moment réel et vrai «qui brise la mer gelée en nous» (toujours Kafka). Nous sentons le besoin de cette effraction mais nous devrons nous en passer. Dommage! Avec un thème de cette force et de cette originalité, on attendait plus qu’une bonne soirée…

 Christine Friedel

 Jusqu’au 6 avril, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. Métro: Château de Vincennes+navette gratuite. T. : 01 43 28 36 36.

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...