Par grands vents, texte et mise en scène d’Elena Doratiotto et Benoît Piret

Par grands vents, texte et mise en scène d’Eléna Doratiotto et Benoît Piret

Surprenant, comme les grands vents qui soudain font rage, ce spectacle nous invite à entrer dans un univers poétique et loin d’une construction théâtrale classique. Ni début ni fin…Dans un éclairage lunaire en fond de scène, deux tas de pierres aux reflets argentés, un espace peu accueillant!  Arrivent alors de la salle, Stan et Simon, un peu perdus, clowns au maquillage imparfait et à la recherche d’un endroit vivable pour, sait-on, y donner un spectacle…  Oh! Surprise, ils découvrent une source. Et là, va commencer une folle traversée. L’eau occupera une place dramaturgique importante dans cette histoire : élément de partage et convivialité, symbole de renaissance, miroir, elle servira de lien entre les personnages, et les situations…

 

© Matthieu Delcourt

© Matthieu Delcourt

Mais le public-attentif-est comme Stan et Simon, désorienté ! Le texte déstabilise, pour le pire ou le meilleur, notre attention. «C’est d’abord un plateau de théâtre, disent Elena Doratiotto et Benoît Piret, ou plutôt un terrain de jeu qui s’avère être un terrain tremblant. » Une expression  à propos de Kaspar Hauser, du dramaturge Jean-Christophe Bailly, au cœur de cette création : «Ce que peuvent bien être l’innocence et la faute, ce que sont la civilisation et le langage (…)  les hommes, les bêtes, les odeurs, les couleurs, le jour, la nuit- tout cela, au lieu d’être plus ou moins admis, plus ou moins su, est remis à la pensée comme un terrain tremblant. »
Ce lieu unique se révèle chargé par les siècles, être ce terrain où actions, matières et mémoires se sont déposées. Il n’y a ici, pas véritablement d’intrigue mais des strates de récit successives. Six personnages hauts en couleur : Stan, Simon, Cory, Anette, la Messagère on ne peut plus déjantée, et le Propriétaire vont se rencontrer et  nous faire vivre des moments existentiels mais sans pathos: une représentation de la nature humaine menée avec vivacité, onirisme et humour et certaines loufoqueries. L’esthétique de ce spectacle et sa construction témoignent de la sensibilité artistique d’Elena Doratiotto et Benoît Piret, diplômés de l’E.S.A.C.. à Liège, où ils travaillent ensemble depuis 2015.  

La richesse et la pérennité de l’art théâtral se manifestent subtilement dans l’écriture. La tragédie antique n’est pas oubliée : par bonheur, les comparses ont avec eux un texte de Sophocle: «Stan- J’ai perdu mon livre. Simon – Oh non ! Stan- Mon petit livre de tragédie…Simon – Merde ! Stan -Mon petit texte de Sophocle, j’ai perdu mon petit Sophocle…  » Et les auteurs cherchent à exprimer la nature humaine, avec vivacité, onirisme et humour.  Antigone est là, avec le personnage d’Annette; régulièrement, elle va honorer, bouquet de fleurs à la main, la tombe de son frère Jean.
Bien vite, les spectateurs se prennent au jeu-et c’est la fragilité de la pièce-pour laisser aller leur imaginaire sur un chemin hors du commun, absurde parfois,et dionysiaque. Le spectacle en dix-sept tableaux, est fragmenté et rythmé à travers ses thèmes multiples, son écriture, le son du tambour et la réunion d’univers disparates. Avec  la Messagère, on passe à la tragédie grecque : » Haaaaaaa ! Quelle horreur ! Malheur ! C’est horrible ! Il s’est passé quelque chose d’horrible… Nous… C’était…. C’est… « Nos arcs ne nous ont servi à rien, et notre armée entière a péri, domptée par le choc de leurs navires impétueux. » (Elle s’interrompt). Non ce n’est pas ça ! » Et elle revient à l’époque, contemporaine ou hors temps ? de la pièce,  dans cet ancien palais hanté par l’Histoire, ses violences et ses mystères : Stan- Oh ! Regarde Simon, au loin, de la poussière ! Simon- Elle est légère… Elle est soulevée par la course d’une messagère. Stan- Des choses vont s’éclaircir ! « 

Malgré le choix d’un texte et d’une mise en scène pas toujours maîtrisés et malgré la qualité inégale des interprètes, Par grands vents donne libre cours à nos rêves et fantasmes. Dans notre société occidentale tyrannisée par l’immédiateté, et souvent ignorantes et/ou se préoccupant peu de la langue, des richesses littéraires, historiques, spirituelles de notre Humanité sur  vingt-cinq siècles, et de ses origines, Par Grands Vents met en éveil notre conscience intérieure. Avec originalité et esprit créatif, il ouvre un horizon, inhabituel et nécessaire, sur la vie… L’invention dans la structure dramatique, Elena Doratiotto et Benoît Piret nous offre une rencontre avec l’indicible, l’Histoire, la mort, les Dieux grecs, l’oubli et la mémoire. Un poème théâtral écrit pour un large public…

 Elisabeth Naud

 Spectacle vu le 8 mars au Théâtre Joliette, 2 place Henri Verneuil, Marseille ( II ème). T. : 04 91 90 74 28. 

 Les 28 et 29 mars, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Les 9 et 10 avril, Théâtre 71, Malakoff (Hauts-de-Seine). 

 

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