Rapt de Lucie Boisdamour (Lucy Kirkwood), traduction de Louise Bartlett, mise en scène de Chloé Dabert,
Rapt de Lucie Boisdamour (Lucy Kirkwood), traduction de Louise Bartlett, mise en scène de Chloé Dabert
Le spectacle a été créé en décembre 2023 à la Comédie-Centre Dramatique National de Reims. Cela se présente comme une sorte d’énigme-supercherie permanente, avec théâtre dans le théâtre: une dramaturgie où les plus célèbres dramaturges: Shakespeare, Molière, Corneille, Pirandello se sont essayé avec succès: ce qu’on appelle maintenant une mise en abyme, cela fait plus chic… Mais ici cela ne commence paq très bien avec, en guise d’avertissement, cette phrase projetée sur le décor: « Le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis souhaite vous présenter ses excuses : la pièce que vous allez voir est différente de celle qui a été annoncée. Le vrai titre de cette pièce est : Ravissement. Le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis a accepté de produire la pièce secrètement, dans l’espoir de sensibiliser le public sur cette affaire et rendre justice aux Quilter. Une grande partie de ces informations qui suivent sont sous embargo. (…) Nous ne prenons pas à la légère la décision d’enfreindre la loi. » Ouaf! Ouaf! Ouaf! Le nom de la soi-disant jeune autrice Lucie Boisdamour, déjà sonne bidon!
Un jeune couple, Noah et Céleste Quilter (Andréa El Azanet Arthur Verret) vit ensemble depuis peu. Lui ne semble pas faire grand chose que pianoter sur internet; un peu allumé, il s’est récemment converti aux bienfaits de l’écologie et flirte sans arrêt avec les théories conspirationnistes. Céleste, elle, est infirmière et voit chaque jour comment dans son hôpital, la dégradation des soins est patente et comment s’installe, scandale après scandale, un profond malaise dans la société anglaise. Le couple finira par avoir un enfant mais curieusement, on ne le verra presque pas… Nous allons assister pendant une heure quarante à la persécution que ressentent Noah et Céleste Quilter. Puis à l’inexorable dégradation de leur vie: sans travail, ils s’enfonceront dans la misère et disparaîtront mystérieusement… Ce serait à la suite de manœuvres criminelles du Gouvernement…
Sur le grand plateau, une scénographie très construite de Pierre Nouvel avec, à jardin une cuisine, au centre une salle à manger-salon et à cour, la chambre du couple.Et pour isoler chaque moment, des parois en tulle gris semi-transparent, ce qui permet aussi d’y projeter un flot de vidéos: flashbacks, images de manifs ou de ce qui passe dans l’appartement. Mais on voit mal les personnages et Chloé Dabert use de ce poncif: le grossissement des visages! Un effet de cinéma mais au théâtre? L’autrice Anne-Lise Heimburger) en Lucy Kirkwood et intervient sur le canapé du salon ou par images interposée pour faire le récit ou le commentaire de ce qui se passe. C’est compliqué? Pas trop, mais comme dans un mauvais polar, jamais crédible.
La faute à quoi? D’abord à un scénario à peine solide et aux dialogues d’une médiocrité exemplaire. Et la metteuse en scène qui a pourtant été élève du Conservatoire National devrait savoir ce que diction veut dire! On entend bien ses jeunes acteurs… quand ils sont filmés. Mais souvent mal, quand ils sont sur scène: là, impossible de faire une seconde prise de vue. Et croire que les micros H.F dont elle les a équipés, va arranger les choses, est assez naïf. Il y à là un manque de rigueur étonnant et la direction d’acteurs cela existe. Quant à la véracité de cette histoire, ce qu’on nous montre nous laisse indifférent… Faire du théâtre dans le théâtre, mettre la pagaille dans la représentation et raconter les choses sans les montrer.. Pourquoi pas? Mais c’est un sport de haut niveau. Et là, cela ne fonctionne pas… comme les séries de mails répétitifs avec des réponses soi-disant censurées, à de soi-disant questions. On a envie de crier Stop! Les acteurs ne sont pas venus saluer… Pour nous faire croire à quelque chose mais à quoi?
Chloé Dabert avait mieux réussi son coup, quand elle avait remarquablement mis en scène Le Firmament (voir Le Théâtre du Blog) où les un jury de douze femmes d’âge différent, était chargées de voter la peine de mort d’une jeune domestique, Sally Poppy qui affirmait être enceinte pour éviter la peine capitale. Des personnages nettement affirmés, dans une mise en scène somptueuse. Ce qui n’est pas le cas ici Vous l’aurez compris: impossible de vous recommander ce Rapt.
Philippe du Vignal
Du 15 au 22 mars, Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).
Le 9 avril , Le Grrranit-Scène nationale de Belfort.
La pièce est éditée aux éditions de L’Arche.