C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling

C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling 

L’auteur suédois mort il y a quatre ans du covid, a marqué brillamment l’art théâtral, avec plus de cent pièces. De 89 à 95, il écrit douze Pièces de la mort avec, entre autres, Cest si simple lamourKliniken (voir Le Théâtre du Blog) Les Feuilles tombent sur VallombrosaSang… Au programme: conflits familiaux et relationnels, vies détruites…. Charles Berling a choisi de monter la première au titre ironique et encore inédite en France. Ce huis clos sera suivi de Lost and found en février prochain au théâtre de Châteauvallon-Liberté-Scène Nationale qu’il dirige.   

Après une première dans un grand théâtre de Stockholm, Alma et Robert, en couple dans la vie comme à la scène, rentrent chez eux, avec leurs amis, Hedda, une actrice sur la touche depuis quelque temps et son mari, Jonas, un psychologue. Très en forme après le cocktail, ils se retrouvent dans l’intimité et la fête va se prolonger sous les effets de l’alcool qui va libérer les esprits et la parole. Mais le bonheur de ce succès théâtral va rapidement tourner au cauchemar…
La remarquable scénographie de Charles Berling et les lumières de Marco Giusti symbolisent l’avant et l’après de cette histoire.  Derrière un rideau de tulle, on aperçoit une loge avec une coiffeuse rappelant le grand théâtre où vient d’avoir lieu cette première. Un prologue au drame qui va suivre. De ce passé récent, on passe au présent: un salon bourgeois avec ses canapés et fauteuils couverts de tissu blanc.
Comme si dans cet espace crépusculaire ou simplement délaissé par ses habitants, la Mort, sans bruit, se joignait à un moment encore festif… pour peu de temps. On s’enfonce dans les canapés «comme dans une tombe.» dit Hedda. Une atmosphère en contradiction avec celle, apparemment joyeuse du début.

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Autre belle idée du metteur en scène: quelques spectateurs vont s’asseoir avec les personnages… Comme invités à partager cette fiction, après la soirée mondaine au théâtre. On va d’un espace public à celui, intime, d’une maison… A partir de là, tout basculera et un véritable tsunami cassera les relations entre les personnages. Ecriture éclatée, ironie mordante, non-dits impitoyables fusant avec violence, humour grinçant: Lars Lorén a su créer une tension dramatique extrême.
Jonas: « Elle est un peu masochiste. » Hedda: « Ah! Bon. Robert: « Sympa. » Hedda: » Masochiste ? Je ne sais pas ce que c’est. » Robert: « On va te l’apprendre avant la fin de la nuit. » Hedda: « C’est bien, au moins, je suis quelque chose, peu importe ce que je suis. J’espère que c’est quelque chose de sympa.» Un malaise grandissant va s’emparer d’un public
sans défense face à un telle soif de destruction.

Il faut saluer l’intelligence et la sensibilité de la direction d’acteurs de Charles Berling, lui-même extraordinaire en Robert. Caroline Proust (Alma), Alain Fromager (le Psychologue) et Bérengère Warluzel (Hedda), eux réussissent à ne jamais aller vers un style boulevard. Les vrais visages du quartet : Alma, Robert, Hedda et Jonas, avec leurs désirs, frustrations, envie d’enfant vont se révéler de façon  implacable.
À la fois, délirants, cruels et désespérés, touchants et drôles dans leur noirceur mais exécrables, ces personnages nous fascinent avec un sentiment à la fois d’empathie et d’effroi. L’effet cathartique est là dans toute sa violence et sa profondeur. Un tableau contemporain de la nature humaine d’une rare perspicacité et d’une grande force dramatique…

Elisabeth Naud

Spectacle vu le 6 mars au théâtre Châteauvallon-Liberté, Scène Nationale, place de la Liberté, Toulon (Var). T: 09 80 08 40 40.

Les 16 et 17 mai, Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (Haute-Savoie).

 

 

 


Archive pour 24 mars, 2025

C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling

C’est si simple, l’amour de Lars Lorén, mise en scène de Charles Berling 

L’auteur suédois mort il y a quatre ans du covid, a marqué brillamment l’art théâtral, avec plus de cent pièces. De 89 à 95, il écrit douze Pièces de la mort avec, entre autres, Cest si simple lamourKliniken (voir Le Théâtre du Blog) Les Feuilles tombent sur VallombrosaSang… Au programme: conflits familiaux et relationnels, vies détruites…. Charles Berling a choisi de monter la première au titre ironique et encore inédite en France. Ce huis clos sera suivi de Lost and found en février prochain au théâtre de Châteauvallon-Liberté-Scène Nationale qu’il dirige.   

Après une première dans un grand théâtre de Stockholm, Alma et Robert, en couple dans la vie comme à la scène, rentrent chez eux, avec leurs amis, Hedda, une actrice sur la touche depuis quelque temps et son mari, Jonas, un psychologue. Très en forme après le cocktail, ils se retrouvent dans l’intimité et la fête va se prolonger sous les effets de l’alcool qui va libérer les esprits et la parole. Mais le bonheur de ce succès théâtral va rapidement tourner au cauchemar…
La remarquable scénographie de Charles Berling et les lumières de Marco Giusti symbolisent l’avant et l’après de cette histoire.  Derrière un rideau de tulle, on aperçoit une loge avec une coiffeuse rappelant le grand théâtre où vient d’avoir lieu cette première. Un prologue au drame qui va suivre. De ce passé récent, on passe au présent: un salon bourgeois avec ses canapés et fauteuils couverts de tissu blanc.
Comme si dans cet espace crépusculaire ou simplement délaissé par ses habitants, la Mort, sans bruit, se joignait à un moment encore festif… pour peu de temps. On s’enfonce dans les canapés «comme dans une tombe.» dit Hedda. Une atmosphère en contradiction avec celle, apparemment joyeuse du début.

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Autre belle idée du metteur en scène: quelques spectateurs vont s’asseoir avec les personnages… Comme invités à partager cette fiction, après la soirée mondaine au théâtre. On va d’un espace public à celui, intime, d’une maison… A partir de là, tout basculera et un véritable tsunami cassera les relations entre les personnages. Ecriture éclatée, ironie mordante, non-dits impitoyables fusant avec violence, humour grinçant: Lars Lorén a su créer une tension dramatique extrême.
Jonas: « Elle est un peu masochiste. » Hedda: « Ah! Bon. Robert: « Sympa. » Hedda: » Masochiste ? Je ne sais pas ce que c’est. » Robert: « On va te l’apprendre avant la fin de la nuit. » Hedda: « C’est bien, au moins, je suis quelque chose, peu importe ce que je suis. J’espère que c’est quelque chose de sympa.» Un malaise grandissant va s’emparer d’un public
sans défense face à un telle soif de destruction.

Il faut saluer l’intelligence et la sensibilité de la direction d’acteurs de Charles Berling, lui-même extraordinaire en Robert. Caroline Proust (Alma), Alain Fromager (le Psychologue) et Bérengère Warluzel (Hedda), eux réussissent à ne jamais aller vers un style boulevard. Les vrais visages du quartet : Alma, Robert, Hedda et Jonas, avec leurs désirs, frustrations, envie d’enfant vont se révéler de façon  implacable.
À la fois, délirants, cruels et désespérés, touchants et drôles dans leur noirceur mais exécrables, ces personnages nous fascinent avec un sentiment à la fois d’empathie et d’effroi. L’effet cathartique est là dans toute sa violence et sa profondeur. Un tableau contemporain de la nature humaine d’une rare perspicacité et d’une grande force dramatique…

Elisabeth Naud

Spectacle vu le 6 mars au théâtre Châteauvallon-Liberté, Scène Nationale, place de la Liberté, Toulon (Var). T: 09 80 08 40 40.

Les 16 et 17 mai, Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (Haute-Savoie).

 

 

 

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