Le collectif Cultures en Lutte

Le collectif Cultures en Lutte

Cela commence à bouger dans le milieu culturel… Récemment, ce collectif avec la C.G.T Spectacle, a occupé le ministère de la Culture, rue Saint-Honoré à Paris, pour dénoncer le gel de la part collective du Pass Culture. Le 31 janvier, les acteurs culturels avaient été informés que le budget alloué à la part collective du Pass 2024-2025 avait été intégralement engagé. «Pour assurer la réalisation d’actions jusqu’à la fin de l’année scolaire 24-25 et préserver la possibilité d’initier des actions à la rentrée 25, un plafond de dépenses a dû être fixé pour la période janvier-août 2025″. Et le 20 mars, à l’appel de Cultures en lutte, des manifestations ont eu lieu, entre autres, à Marseille, Le Havre, Toulouse, Nantes, Paris…  pour dénoncer les coupes gouvernementales.

Les enseignants, les syndicats des acteurs culturels étaient très en colère et la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne a vite été obligée de calmer le jeu et  à l’Assemblée nationale, le 4 février, elle a justifié la fermeture soudaine de la plateforme Adage par « une flambée de réservations mobilisant en quelques semaines près de cinquante millions d’euros, soit les deux tiers de la somme prévue pour 2025. La Ministre a aussi  a affirmé qu’elle «rouvrirait dans les prochains jours» et que «les établissements qui auront engagé des activités, sans avoir pu concrétiser leur financement, pourront mener à bien leurs projets ».

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Les réservations seraient de nouveau possibles en septembre prochain, avec la mise à disposition de vingt-deux millions d’€ jusqu’en décembre. Mais cela a mis le feu aux poudres dans un milieu en difficulté aussi bien dans le théâtre public où les directeurs cherchent de l’argent pour leurs créations que dans le théâtre privé. Après Stéphane Braunschweig poussé à quitter l’Odéon et remplacé par Julien Gosselin, Wajdi Mouawad annonce qu’il partira du Théâtre de la Colline, un an avant la fin de son mandat. Du jamais vu dans l’histoire du théâtre en France quand Jean Vilar avait quitté le T.N.P. Mais c’était en 58, autant dire le Moyen-Age…

Les grands théâtres publics, même si leurs budgets sont réduits, seront relativement moins touchés que les petites compagnies : il y aura forcément des annulations de projets en 2025 et la refonte prochaine de l’Audiovisuel public a de quoi inquiéter son personnel. «Non à la résignation, lançons la riposte» est le mot d’ordre de l’appel à la mobilisation et à la grève, organisé notamment par la C.G.T.-Spectacle. La présidente des Pays de la Loire, Christelle Morançais, avait déjà procédé à des coupes budgétaires, ce  qui a déclenché une prise de conscience (voir …

Membre de la C.G.T. Spectacle depuis douze ans, Ghislain Gauthier, juriste spécialisé dans le domaine des droits d’auteur et à à la tête du du syndicat depuis décembre 23, a écrit dans Politis: « Les coupes budgétaires sur la Culture dans les collectivités territoriales ont débuté avec Laurent Wauquiez en 22 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et, déjà à l’époque, la profession s’était mobilisée. Dans les Pays de la Loire, la méthode de Madame Morançais a été un peu celle de Milei ou Trump : on prend la pire des décisions, on l’annonce de manière brutale et on laisse les acteurs en gérer les conséquences. Il y a clairement la volonté de tétaniser la profession, même si, localement, il y a eu une très grosse mobilisation. »

Cela arrive avec la réforme des retraites imposée et l’inquiétude sur les droits des auteurs et interprètes, face à l’arrivée de l’intelligence artificielle mais avec laquelle il faudra bien faire avec…Les choix politiques contre l’écologie, la Sécurité Sociale, l’hôpital, l’Education, le logement, le sport, la petite enfance, la Culture. A un moment où l’extrême droite progresse en France… « Nous refusons que les arts, la culture et l’audiovisuel public soient sacrifiés au nom de politiques d’austérité qui favorisent toujours les plus riches au détriment de l’intérêt général. »
Côté Etats-Unis, ce n’est pas mal non plus… Gentiment poussée vers la sortie, Shelly C. Low, dirigeait le National Endowment for the Humanities depuis 2022, donc sous Joe Biden. Deuxième femme (et première autochtone Navajo) à occuper ce poste, elle l’a quitté sur ordre formel de Trump. C’est bien de sa faute!!!! Elle avait investi dans les questions de diversité, équité inclusion: bref, tout pour plaire au cher et merveilleux Donald très anti-woke, anti-genre et transgenre…
« Nous vivons une époque moderne », disait Philippe Meyer dans ses Chroniques à France Inter…

Philippe du Vignal

Culture en Lutte maintient la mobilisation et des rencontres entre délégations des Pays-de-la-Loire sont prévues le 5 avril prochain à Angers.


Archive pour 25 mars, 2025

Culture de la marge…

Culture de la marge...

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Hier soir, nous sommes allés à Offlanges, un tout petit village du Jura (194 habitants). La compagnie de la Carotte annonçait une Bibliothèque Humaine. On nous a emmené, par groupe de dix, dans une maison où une habitante, pas comédienne du tout, racontait un épisode de sa vie. Sincérité extrême, simplicité absolue. Peut-être même un moment théâtral intense, et l’air qui nous séparait d’elle, était chargé d’émotion. Après trois récits dans trois maisons, nous étions épuisés par tant de beauté et d’humanité. C’était minuscule et grandiose. Un joyau…

 Il y a un mois, nous assistions dans une église désacralisée à Salins-les-Bains (Jura) à une « Soirée du Lustre » par la compagnie Urbaindigènes. Fabien Jobard, un spécialiste de la Justice, était l’Invité et les acteurs illustraient ce qu’il disait par des scènes préparées en une semaine. Une atmosphère incroyable…. Les soirées du Lustre sont devenues un rituel, avec un public nombreux…
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Régulièrement, le Pudding-Théâtre de Mesnay (Jura) investit aussi un village. Deux ou trois comédiens-enquêteurs y passent une semaine et s’emparent de la spécificité du territoire. Puis, le samedi soir, il y a un rendu des explorations; c’est joué par une douzaine d’acteurs et musiciens. Bien entendu, tout le village est là: c’est fou, passionnant et cela s’appelle Le Cabaret des locales. Et nous, au Théâtre de l’Unité à Audincourt dans cette même Franche-Comté, nous faisons depuis vingt ans,  des « kapouchniks », une forme de cabaret résolument nouvelle, avec un traitement de l’actualité assez téméraire….Tiens, nous avons reçu une lettre d’un certain Olivier Brocard  que nous ne connaissons pas: « On se se sent écouté quand on vient au Théâtre de l’Unité (…) et que le spectacle a été créé pour nous.  Quand j’entends Jacques Livchine faire de la pédagogie et comparer le salaire en 2021: 7,6 millions d’€ de Carlos Tavares, directeur général du groupe Stellantis, avec une nette dégradationen matière de retours Service Après Vente des véhicules.  Ou le petit mot de ce metteur en scène sur le programme où il avoue se tromper souvent. Ou quand je vois des orques dialoguant avec des requins, ou encore la ville de  Marioupol en Ukraine et sa bataille en 2022, et que j’entends parler de ce salopard de frelon asiatique. Bref, quand je vois et ressens la dérision, la lâcheté, l’authenticité, la tristesse, la joie et tout ce qui ressort de ces kapouchniks, je me dis qu’enfin, je suis au théâtre, et que cela ça me parle. »

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Point commun à ces quatre expériences: nous sommes en Franche-Comté, berceau de l’utopie avec cette devise de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), le célèbre architecte des Salines d’Arc et Senans (Doubs) : « Invente, ou je te dévore ».

Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond, du Théâtre de l’Unité, Audincourt ( Doubs).

Made in France, texte et mise en scène de Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget

Made in France, texte et mise en scène de Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget

Après fait des années de taule pour une mort qu’il aurait provoquée, Emile a obtenu que sa peine soit aménagée : il ira travailler le jour dans une usine et dormira au centre de détention… Mais le rêve d’une future réinsertion sociale prend vite des allures de cauchemar: la grosse boîte à qui appartient l’usine où il est employé comme « technicien de surface », va délocaliser toute la production de pièces détachées… à l’étranger.
Émile, un homme jeune,  n’aura plus d’autre choix, s’il ne veut pas être au chômage et obligé de retourner en prison à plein temps, devra être le meilleur des représentants syndicaux et négocier dur avec le Ministère de l’Industrie pour essayer de sauver, sinon tous les emplois des copains et le sien, du moins la majorité…
Mais dans l’usine les relations sont tendues en particulier entre la chef syndicaliste et Emile. .. »Martineau – Dans quelques minutes, il y aura deux Émile possibles. Émile n°1, mon préféré, va devenir le prochain représentant syndical de l’usine. Il va raconter tout ce qu’ils veulent entendre à Nadia et aux autres mais, en secret, il va m’aider à annuler la visite du repreneur… Émile – Mais il y a la ministre qui va…/Martineau – Arrêtez avec la ministre. Y’aura pas de repreneur. Le groupe ne vendra pas. Y’a rien à sauver. Il faut négocier nos licenciements. Si tu te présentes pas, c’est Nadia qui va le faire, elle va foutre une pile de pneus devant l’usine, y foutre le feu, nous faire casser les dents par les CRS, nous obtenir une prime de départ au ras des pâquerettes et une convocation devant le tribunal. Donc Émile n°1 va m’aider à annuler cette visite, parce qu’Émile n°1 fait tout ce que je lui dis de faire. »

© Jules Despretz

© Jules Despretz

Diplômé d’H.E.C., Samuel Valensi connait bien sans aucun doute la chanson des crises industrielles et économiques en France où la production a reculé de 1,2 % sur un an, au quatrième trimestre 2024… Les causes sont bien connues avec entre autres, délocalisations massives, baisse de la consommation en France  des produits industriels  et coûts salariaux, concurrence, notamment  asiatique, redoutable. Le grand patronat veut satisfaire ses actionnaires mais doit aussi négocier avec les syndicats, le personnel étant alors une simple variable d’ajustement. Les ministères concernés, celui de l’Industrie, et de l’Emploi, essayant mais sans aucune illusion, de sauver les meubles! Quant au locataire de l’Elysée, il sait bien que la politique industrielle française dépend de Bruxelles et que son pouvoir décisionnaire est limité. Et il pense aussi toujours à sa prochaine réélection, quitte à faire semblant d’aider cette usine, alors que c’est financièrement impossible.

Samuel Valensi avait déjà dans Coupures traité d’un thème  connu mais rarement traité au théâtre : le débat démocratique, notamment quand il faut voter dans une commune rurale une installations d’antennes-relais à la fois indispensables aux liaisons de téléphones portables mais créant des ondes toxiques. Mais dans ces cas-là, que vaut l’action de maires de villages contre la toute puissance de l’Etat, bien mieux armé sur le plan juridique? Une lutte du gros pot de fer contre un petit pot de terre…
Comme sauver une entreprise déficitaire et sans avenir, même ses employés comme l’ex-chef syndicaliste  n’y croient pas. Et les ouvriers savent que Casagrande le repreneur ne fera aucun cadeau: « Faute intentionnelle, faute lourde, ça vous parle ? Vous êtes tous virés, sans préavis, sans indemnités. Et si vous êtes pas d’accord, vous pourrez en parler à mon armée d’avocats dans trois ans aux prud’hommes quand je reviendrai de vacances. Vous croyez que j’en ai quelque chose à foutre de votre usine ? Du bordel que vous avez foutu ? Vous croyez que vous allez m’empêcher de dormir ? Vous savez combien je pèse ? Vous croyez que je peux pas faire une mauvaise opération ? Je liquide le site. Demain matin. Vos machines, je vais même pas les revendre, je vais les broyer. Et si, après ça, vous retrouvez du travail, je rachèterais la boîte où vous bosser rien que pour vous re-virer. Vous savez pas qui je suis. Je suis pas tout seul. J’ai des fonds d’investissement avec moi. Partout où vous irez, il y aura mon pognon. Vous êtes cernés. »

Et là avec Made in France comme dans  Coupures,  on a l’impression d’une France coupée en deux: un monde ouvrier et rural, le plus souvent mal payé et celui de l’Elysée, du Premier Ministre et des énarques parisiens, incapables, entre autres, de mettre un peu d’ordre dans la gestion lamentable des lignes Intercités et TER…

Ici, Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget reprennent avec une grande maîtrise la même dramaturgie qui leur a réussi: courts dialogues, nombreux personnages, thème actuel et populaire pour raconter avec saveur et fluidité, un conflit d’intérêts à l’échelle d’une région et d’un pays. Avec les mêmes acteurs  solides jouant plusieurs rôles : June Assal, Michel Derville en alternance avec Bertrand Saunier, Thomas Rio (en alternance avec Paul-Eloi Forget), Valérie Moinet (mention spéciale à cette actrice qui interprète de façon exemplaire une ex-syndicaliste et la Ministre) et Samuel Valensi. Remarquablement dirigés et tout à fait crédibles, ils ont une excellente diction et une gestion précise. Cette fois, ce n’est plus Lison Favard au violon mais,  Mélanie Centenero ou Chloé Denis à la batterie, chargée de temps à autre, d’aérer les choses. Mais le niveau sonore est nettement trop élevé: à revoir d’urgence…

Cela dit, Made in France est un spectacle intelligent dans la veine d’un théâtre d’agit-prop. Et même si le texte, un peu trop long, peine sur la fin que nous ne dévoilerons évidemment pas, Samuel Valensi et Paul-Eloi Forget maîtrisent bien une nouvelle fois ce petit espace. Mais il leur faudrait diminuer la fréquence de manipulation à vue des châssis noirs: c’est lassant, souvent inutile et  parasite le jeu ! Et ils auraient pu nous épargner ces jets de fumigène avec ou sans  umière rouge intense autour de la batteuse qui ne servent strictement à rien!  Ces réserves mises à part, Made in France qui traite de questions socio-politiques et écologiques actuelles, tient la route. Il va-sans difficulté- faire un tabac au prochain off d’Avignon, dont les prix et la fréquentation sociale ne sont pas les mêmes que dans le in… Dans un Théâtre de Belleville plein, le public-assez jeune-l’a chaleureusement applaudi.

Philippe du Vignal
Jusqu’au 15 avril , Théâtre de Belleville, 16 passage Piver, Paris  (XX ème). T. : 01 48 06 72 34.
Et en juillet au festival off d’Avignon.

 

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