Grand Blanc, texte et mise en scène de Vincent Fontano
L’auteur et metteur en scène réunionnais avait écrit un triptyque en créole (Chien jaune, Tambour, Galé). Cette pièce, troisième volet d’un cycle commencé avec Après le Feu et Loin des Hommes joué au Train Bleu l’an passé, au festival d’Avignon. Grand Blanc est le premier texte écrit en français et mis en scène par Vincent Fontano. Il vient d’être joué à la Maison de la Culture d’Amiens-une des premières- créée par André Malraux en 66, puis le sera à l’Ile de la Réunion dans le plus récent des Centres Dramatiques Nationaux.
Il raconte, dans un beau langage poétique, l’histoire d’une jeune femme qui vient voir son père, qui habite en forêt. Une démarche très intime, à la recherche de ses origines après si longtemps. Mais la rencontre est loin d’être au diapason, avec ce père retrouvé.
Arrive alors un homme blanc, pas tout jeune qui dit être le père adoptif de cette jeune femme. Comment restera-t-elle loyale et juste? Quel père est finalement le bon, entre l’homme qui l’a fait naître et celui qui l’a fait vivre? Elle devra choisir, au fond de cette forêt, lequel de ses pères, elle pourra sauver. Blanc et noir, passé et présent, identité et alérité, Ile de la Réunion et métropole: il y a, sous-jacente dans ce texte, toute une réflexion sur le devenir socio-politique de ces Français, à la fois si éloignés et si proches…
Juste après cette représentation, nous avons lu le texte de Grand Blanc et avons été aussitôt frappés par le lyrisme absolue de cette prose souvent en monologue, qui rappelle celle du Cahier d’un retour au pays natal du grand Aimé Césaire à la force incantatoire: « J’avais une fille, une qui s’accrochait à mon cou, elle me nommait, moi : père entre tous les hommes, puis ce nom s’est éteint, puis l’enfant a disparu, puis il ne m’est resté que le souvenir, que le temps a fini par dévorer. Oui, j’ai été père, mais cela c’était dans une autre vie, peut-être même que ce n’était pas moi, peut-être que j’ai rêvé de tout cela pour tenir debout. Rien ne semble sûr, ni véritable ce soir. Mais toi, qui es-tu à réveiller une plaie si longtemps endormie, là dans ma forêt ? Dis ton nom. »

© Marie Cerisy
Et sur le plateau? Cela commence bien, et avec une belle image: la silhouette massive de ce père qui se tient immobile avant le début du spectacle, dans une pénombre bleutée et devant un long arbre mort fait de « croûtes » (la partie restante avec écorce qui ne peut servir à faire des planches).
Cela ressemble à une sculpture du mouvement arte povera, avec de matériau symbolique de cette forêt où vit le père. Sur le plateau, une sorte d’énigme visuelle, pas loin de Matrice de Sève, un sapin de vingt-quatre mètres tranché dans la longueur (2015) du grand sculpteur italien Giuseppe Penone.
Oui, mais voilà, dans cette réalisation qui est plutôt une ébauche, rien n’est tout à fait dans l’axe: mise en scène statique sur un plateau trop grand mais bouffé par cette belle sculpture, direction d’acteurs aux abonnés absents: les micros H.F. comme d’habitude, n’arrangeant rien et la diction est très approximative… Même au cinquième rang, on entendait souvent mal le texte. Les lumières sont caricaturales et, quand on parle de douleur, elles deviennent naïvement rouges! Et encore, une fois fois de plus-la quatrième de la semaine pour nous-arrivent ces satanés petits coups de fumigène, mais pour dire quoi? Tout cela fait quand même trop d’erreurs de mise en scène…Et ces soixante-quinze minutes n’en finissent pas de finir!
Il faut dire les choses: Vincent Fontano qui a une si belle maîtrise de la langue française, devrait, au moins pour les prochaines représentations à Sainte-Cécile à la Réunion, faire déjà bien entendre ce texte qui a une réelle saveur lyrique. Et ensuite le confier, à un metteur en scène. Ce Grand Blanc le mérite amplement…
Philippe du Vignal
Spectacle vu le 2 avril à la Maison de la Culture- Pôle européen de création et de production-Scène nationale, 2 place Léon Gontier, Amiens (Somme). T . : 03 22 97 79 77.
Les 24 et 25 avril, Fabrik-Centre Dramatique National de l’Océan Indien, Sainte-Cécile (Île de la Réunion). T. : 02 62 20 33 99.