L’Amante anglaise de Marguerite Duras, mise en scène d’ Emile Charriot

L’Amante anglaise de Marguerite Duras, mise en scène d’Emilie Charriot

 Créée en 1968 au Théâtre national populaire, alors encore à Chaillot, dans la mise en scène de Claude Régy avec  Madeleine Renaud, Claude Dauphin, Michaël Lonsdale, et en voix off, François Périer, la pièce a depuis été souvent jouée. A Savigny-sur-Orge, Amélie Rabilloud, avait tué son mari violent avec un marteau avant de découper son corps en morceaux qu’elle avait ensuite dispersés sur un terrain vague, dans les égouts et un train de marchandises…L’autrice s’était inspirée de ce crime pour écrire Les Viaducs de la Seine-et-Oise, un texte qu’ avait monté Claude Régy en 60. Puis elle en avait modifié l’histoire et tiré un roman en 67 L’Amante anglaise.  Cette pièce a souvent été mise en scène et la saison dernière par Jacques Osinski, avec Sandrine Bonnaire.

 

© Patrick Fouque

© Patrick Fouque

Claire Lannes tue sa cousine, sourde et muette qui était aussi leur cuisinière et femme de ménage, découpe le corps dont jette les morceaux dans les trains de marchandises qui passent sur un viaduc près de chez elle. Arrêtée, elle avouera sans difficulté son crime, mais sans arriver à expliquer pourquoi elle l’a commis.
Marguerite Duras précisait que cette pièce devait être mise en scène « sans décors ni costumes”: ce qu’a respecté Emilie Charriot qui s’est fait connaître il y a dix ans avec une adaptation de King Kong Théorie de Virginie Despentes qu’on avait pu voir au festival d’Avignon. Puis elle a mis en scène, entre autres, des textes d’Anton Tchekhov, Annie Ernaux, Peter Handke…. Dans une grande économie de moyens, elle privilégie la direction d’acteurs pour mettre en scène, ces deux interrogatoires successifs, pas loin d’une joute verbale. Pierre Lannes répond d’abord aux questions de  cet Interrogateur sans véritable identité et dans la seconde partie, ce sera Claire Lannes: « Qui êtes-vous, un autre juge ? ». « Est-ce que je suis obligée de vous répondre ? ». Mais mari et femme, eux, ne se rencontreront jamais.

Sur le plateau nu, juste, deux chaises. La lumière, presque permanente, indique que nous sommes en même temps, dans un même endroit, pour dire  « Quand je l’ai lue pour la première fois, dit Emilie Charriot, j’ai été happée par l’écriture et j’ai tout de suite eu envie de comprendre le crime et son mobile, comme dans un roman policier.   (…) O n n’aura jamais de réponse, mais en plus, dans le texte, tout est possible : il n’y a pas d’indication scénique, et dès qu’on tente de représenter le dialogue de façon réaliste, en le transposant dans un tribunal par exemple, ou au commissariat de police, on se retrouve enfermés ; les situations sont aplaties. Finalement, les acteurs sont constamment sur le fil, car on est moins dans une situation de jeu, que dans une situation de parole, laquelle n’est  en plus, absolument pas naturelle. »

Tout commence très vite avec L’Interrogateur : un journaliste ? Un juge? Un policier ? Ou un autre homme? On le saura jamais et c’est finalement sans importance. Il  nous interpelle et s’adresse vite au mari de l’accusée, lui, assis dans les gradins parmi le public. Il répond aux questions de l’Interrogateur avec désinvolture, parle de sa vie, de la rencontre avec sa future épouse:  Quels sont les liens entre ce mari et cette femme qui ne se parlent pas et mènent en silence une vie étriquée. Elle  avouera son crime mais n’éprouvera aucune émotion sur l’assassinat incompréhensible de cette cousine sourde et muette.
Elle ne donne aucune explication sur son geste. Ici,  nous ne saurons jamais pourquoi elle a tué sa cousine, a dépecé le corps et en a jeté les morceaux dans un train de marchandises. Mais elle a gardé la tête… Le mystère restera inexpliqué.
Nous avons été fascinés par cette histoire et par ces personnages qui nous interpellent: Dominique Reymond (Claire Lannes), Laurent Poitrenaux (Pierre Lannes) et Nicolas Bouchaud (L’Interrogateur) forment un trio de haut vol. Et, comme nous, le public a aussi beaucoup apprécié.

 Solange Barbizier

Jusqu’au 13 avril, Odéon-Théâtre de l’Europe, aux Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris (XVII ème).

Le texte de la pièce est édité chez  Gallimard, Folio théâtre.

 

 

 

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Archive pour 7 avril, 2025

Lac artificiel, de Marine Chartrain, conception et mise en scène Céleste Germe, collaboration artistique et interprétation Maëlis Ricordeau

Lac artificiel de Marine Chartrain, conception et mise en scène de Céleste Germe 

Quelque part au bord d’une route, dans ces zones incertaines en lisière des villes où peut s’installer une vague base de loisirs ou une boîte de nuit près d’un bois. Personne. De toute façon, on ne voit rien, c’est la nuit. Deux filles sont à la recherche d’une « soirée» qui devrait se passer dans le coin. Mais rien.
Elles cherchent, se font peur et se rassurent. Les « meilleures amies », les sœurs siamoises, sont prises au piège de la forêt et de leur entêtement à trouver cette soirée salvatrice, une lumière, des potes. Des éclats de phares, mais aucune voiture ne s’arrête. Salies par la boue du chemin, griffées par les ronces, écrasées par la voûte céleste et une rêverie cosmique dans une nature trop vaste, elles se perdent et s’enlisent.

©x

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La pièce pourrait être  aussi un scénario ou une nouvelle : Céleste Germe et le collectif Das Plateau, avec la collaboration artistique et l’interprétation de Maëlis Ricordeau, de Jacob Stambach au son et de Sébastien Lefèvre à la lumière, en ont fait du théâtre… L’idée juste, la vraie trouvaille: la confier à une comédienne unique.
Cette lecture jouée n’est pas une étape en vue d’un spectacle, mais une magnifique performance d’une grande force poétique. Le travail sur le son et la lumière y créent la nuit et suggèrent ce no man’s land.
Juchée sur un dispositif en plexiglas, sorte de bureau surélevé, qui capte de brefs assauts de lumière et élargit l’espace à toute la profondeur du plateau, la comédienne, de tout son corps et des deux voix qu’elle s’est donnée, joue Salomé et Laura, l’une plus fébrile et l’autre plus autoritaire, plus rassurante ou cherchant à se rassurer.

Céleste Germe avec ce récit, crée une atmosphère de conte effrayant, avec la présence hostile de la forêt, l’évocation incessante d’un lac invisible et de cette fête introuvable qu’on imagine plus proche des «quartiers sensibles », que de celle du Grand Meaulnes (1913), le célèbre roman d’Alain-Fournier. Pas de prince charmant ni de fée pour les sauver, ni catastrophe mais leur lien se déchire. En arrière-plan social qui ne se fait pas oublier, les désirs et angoisses de l’adolescence, la solitude et la dépendance aux autres, le manque de confiance en soi, seul héritage garanti aux classes dites modestes… Ce Lac Artificiel nous donne une belle nuit, inquiétante et touchante: une réussite.

 Christine Friedel

 Théâtre Ouvert, jusqu’au 12 avril, 159 avenue Gambetta, Paris (XX ème). T : .01 42 55 55 50.

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