Et j’en suis là de mes rêveries, texte et mise en scène de Maurin Ollès, d’après le roman Rabaïlaire d’Alain Guiraudie
Et j’en suis là de mes rêveries, écriture et adaptation d’après le roman Rabaïlaire d’Alain Guiraudie de Ferdinand Garceau, Pierre Maillet, Maurin Ollès, mise en scène et réalisation Maurin Ollès, texte et mise en scène de Maurin Ollès,
Nous voilà prévenus : il s’agit de rêveries. Un chômeur cycliste hante les petites routes d’une Occitanie de fantaisie: héros du kilomètre, il triche quelquefois en prenant sa voiture pour abréger l’exploit. Il déboule dans Gogueluz, petit bourg imaginaire d’une Occitanie où se bâtit tranquillement le drame.
Le non-héros solitaire, dont on apprendra qu’il s’appelle Jacques tout court, monologue sa vie et la vit devant nous au gré des fantasmes, accidents et rencontres. Et c’est gratiné: des amours entre hommes pas forcément beaux, une mort «naturelle», et tout ce qui s’ensuit, un deuxième -pas de sa faute, notre cycliste poids plume est le vainqueur dans la bagarre- et un troisième, un gêneur…
Pas de remords, juste des emmerdements: cela existe, le « burn-out » du criminel? Ou du meurtrier? Ou de l’assassin? Ou qui exactement? Présomption d’innocence: quoiqu’il arrive, Jacques et le défilé de ses rencontres ne sont jamais encombrés par la culpabilité. Voir sur grand écran Miséricorde du même Alain Guiraudie.
Pierre Maillet, comédien de troupe et roi du cabaret, porte le maillot et Maurin Ollès joue avec virtuosité et beaucoup de naturel toutes ses rencontres, amis et ennemis : le camarade syndicaliste qui préfèrerait le voir à la lutte, plutôt qu’échappé sur les routes, le fils de la veuve pressé d’en découdre, le curé en mal de confession (et pas seulement), les gendarmes…
On verra l’amoureux du non-héros et son père au cinéma. On a bien dit cinéma, et non pas vidéo… Un vrai film, hilarant et épouvantable dont les cadrages soulignent avec puissance l’animalité de l’être humain. Avec même, en prime, des éléments du «making of », et projection de diapositives illustratives (« power point » et « slices « ), le tout habilement bricolé. Et comme avant tout, nous sommes au théâtre, quelques objets, bricolés à vue et au millimètre créent le monde de Gogueluz. On apprendra, à ce propos, que l’adjectif :goguelu est un helvétisme populaire et vieilli désignant une personne suffisante et présomptueuse… Ce que ne sont pas du tout les personnages de cette modeste épopée cycliste régionale.
Le spectacle est cru, drôle et déjanté (ce qui est embêtant à vélo!), légèrement mélancolique, et nous nous laissons emmener par ces rêveries. Mieux vaut ne pas emmener les enfants, encore moins avec leurs parents:ils seraient choqués pour eux.
Christine Friedel
Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris (X ème), jusqu’au 11 avril. T. : 01 43 57 42 14.