Vers la Mort, chorégraphie de Sharon Eyal et Appartement,chorégraphie de Mats Ek

Vers la Mort, chorégraphie de Sharon Eyal et Appartement, chorégraphie de Mats Ek

C’est une création de Sharon Eyal pour le Ballet de l’Opéra national de Paris, d’après l’original OCD Love. Nous avions été impressionnés-il y a sept ans déjà- par la violence et l’animalité des danseurs à Chaillot (voir Le Théâtre du Blog).
La musique d’Ori Lichtik est toujours aussi présente et envoûtante mais la chorégraphie est plus esthétisante. Les interprètes, avec des mouvements a-synchroniques, semblaient sortir d’un service de neurologie… Ceux de l’Opéra,avec une gestuelle plus harmonieuse, apparaissent comme de magnifiques sculptures échappées du Louvre. Parfois, on découvre une rébellion envers l’harmonie du groupe: un corps s’exprime, se dissocie mais tout rentre vite dans l’ordre .
Sharon Eyal dont les pièces sont reprises dans le monde entier, a réécrit cette pièce mais le parti-pris adopté ici est moins fort que dans la version originale d’OCD love qui avait été présentée en dispositif bi-frontal dans le grand foyer de Chaillot. Mais les interprètes sont en parfait accord avec cette nouvelle esthétique.

Ici une grande partie du spectacle a lieu à jardin, ce qui prive d’une bonne visibilité, les spectateurs placés à cour ! Aucun souci de ce type avec Appartement de Mats Ek, surtout dansé à l’avant-scène et accompagné sur scène par les musiciens de Fleshquartet. José Carlos Martínez directeur de la danse à l’Opéra national, y a créé un des rôles emblématiques dans la séquence de la télévision… il y a vingt-cinq ans ici même. Il est remplacé aujourd’hui par Hugo Vigliotti. Cette pièce devenue presque classique et qui appartient à l’histoire de la danse, a été reprise avec brio il y a dix ans par Mariko Aoyama, assistée d’Ana Laguna et de Mats Ek pour le ballet du Bolchoï  (voir Le Théâtre du Blog).

 ©Yonathan Kellerman

Les tableaux rythmés par les ouvertures du rideau de scène comme, entre autres, ce curieux et réussi solo d’ouverture de Roxane Stojanov, avec un bidet, dévoilent l’intimité d’un appartement et surprennent toujours autant le public. Ou la séquence de La Cuisine, où dans un four se calcine un bébé,  qui est dansée par Léonore Baulac et Alexandre Gasse, choque toujours autant le public !
Deux tableaux sont un peu datés: celui de l’écran de télévision devant lequel le danseur sommeille, ou ce ballet de cinq danseuses avec aspirateurs. La troupe du Bolchoï transformait ces moments de vie quotidienne, en une performance athlétique et le Ballet de l’Opéra donne une dimension plus humaine et plus théâtrale aux personnages: cela confirme la qualité de ces interprètes de danse contemporaine.
A l’occasion de la reprise d’Appartement et des quatre-vingt ans de Mats Ek, une exposition lui est consacrée au Palais Garnier.Pour célébrer aussi le travail, et les liens privilégiés que Mats Ek entretient avec l’Opéra national, les costumes iconiques et accessoires de ses grands ballets:  Carmen, Giselle, La Maison de Bernarda, Boléro… sont exposés dans ses espaces publics.

Jean Couturier

Jusqu’au 18 avril, Opéra de Paris, Palais Garnier, Paris (VIII ème). T. : 08 92 89 90 90.

 


Archive pour 9 avril, 2025

Sculpture et Poésie, chorégraphie d’Alice Psaroudaki

Sculpture et Poésie, chorégraphie d’Alice Psaroudaki

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©Patrick Herrera

Un spectacle avec le Ballet de l’Ouest parisien. Nous connaissions le goût d’Auguste Rodin pour la danse, les danseurs et, surtout, les danseuses… En 1900, le célèbre résident de Meudon, à l’Ouest de Paris, une ville limitrophe de Clamart, tomba sous le charme des danseuses cambodgiennes dont il fit ensuite plus de cent croquis (ci-dessous

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©x Auguste Rodin dessinant une danseuse cambodgienne


Ami d’Isadora Duncan et Loïe Fuller, Auguste Rodin s’enticha d’une protégée de cette dernière : Hanako, actrice de kabuki (1868-1945)  lui inspira des dizaines de masques en terre cuite. Il avait aussi été fasciné par Alda Moreno, un modèle posant déshabillée qui était aussi danseuse et contorsionniste de cabaret.

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Les spécialistes du sculpteur ont enfin identifié, il y a peu, une petite sculpture de Vaslav Nijinski qui lui avait accordé une brève et unique séance de pose. À Clamart, se fixèrent en 1928, Jean Arp et sa femme Sophie Taeuber, sculptrice comme lui. Elle avait été formée vers 1910 à la danse d’expression par Rudolf Laban et contribua à l’animation des soirées Dada au Cabaret Voltaire.

Alice Psaroudaki se réfère, elle, aux œuvres de Cris Pereby et Auria, alias Patricia Maze, des sculptrices contemporaines. La chorégraphe a voulu par la danse, «donner vie à leurs œuvres». Le spectacle entremêle poésie du mouvement dansé, et poésie tout court, à partir de deux textes d’Annik Merlin écrits spécialement pour la compagnie, et de Mignonne, allons voir si la rose de Pierre de Ronsard.

Un programme, disons néo-classique, avec des thèmes musicaux du répertoire baroque et classique. Le langage reste académique mais, percent, ici et là, de belles échappées de danse contemporaine. Certains  interprètes sont pieds nus et s’habillent « 
casual«  mais la plupart ont des chaussons et certaines dames osent aussi le tutu. Cette chorégraphie alterne variations, pas de deux et pas de trois dans des tableaux assez courts, sauf le plat de résistance final qui dépasse les vingt minutes. Les interprètes sont excellents, techniquement et artistiquement.

Auria (2023) rend hommage à la sculptrice éponyme sous forme de cinq variations se référant à ses œuvres: L’Envolée, Angha, Sagarika, La Vague, L’Extase etLâcher prise. Dans la première partie, une vidéo détaille les sculptures par inserts et très gros plans, sans du tout nuire à la danse vivante. Cloé Alexandre, en longue robe rouge bordeaux dessinée par la chorégraphe et réalisée par Natalia Maciel, inaugure la séance sur demi-pointes, soutenue par une aria: L’Envolée de Vivaldi. Les poses de cette danseuse élégante, fluide et concentrée sont classiques et animées de sauts extrêmement légers.

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©Patrick Herrera

Vient ensuite sur le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov, un pas de trois avec Athina Klironomou (Angha), Madeleine Bell (Sagarika, La Vague) et Serge Mouawad (L’Extase). Et Lâcher prise-étonnante prestation d’Olga Totukhova-détourne avec malice les clichés de la danse classique. Cette velléité libertaire sur une musique sacrée de Vivaldi est amorcée par la danseuse chaussée de godillots, portant machinalement un tutu, les genoux en dedans. Réjouissant à voir…

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©Patrick Herrera

 De la sculpture, on passe à la poésie avec Mignonne, allons voir si la Rose (2018), toujours sur du Vivaldi, avec un duo vu à sa création au théâtre de Boulogne-Billancourt. Interprété ici par Emilia Sambor (La Jeune Fille) et Justine Foiret (La Rose) qui mettent en valeur le travail sur pointes. L’art du mime est convoqué pour illustrer les vers de Pierre de Ronsard.
Première lecture de Marie Perruchet (2014) que nous avons découverte trois ans plus tard au Tarmac à Paris, est inspirée des Nourritures terrestres (1897) d’André Gide; illustrée par un extrait de Didon et Énée (1689) d’Henry Purcell, elle est interprétée par Athina Klironomou et Kabba Jallow, tous deux en pantalon. Et somme toute, plus moderne de facture : un peu béjartienne sur les bords mais sans recherche du geste compliqué ou virtuose. Le Poète (2019), sur une musique de Vivaldi, permet au vigoureux Aurélien Magnan de briller, et relève quasiment du mimodrame.

Retour à la sculpture avec, cette fois, de courtes pièces se référant au travail de Cris Pereby. Rêve de Pygmalion (2015) illustre à sa façon La Pudique et La Sauvageonne, la première étant incarnée par Madeleine Bell, la deuxième, par Camille Savy.
Après les poèmes
d’Annick Merlin, dits en voix off par Jacques Gay, on reste dans le baroque avec un concerto d’Alessandro Marcello. Costumes conçus par Alice Psaroudaki et réalisés par Hisako Tanaka. Rêverie (2019) s’appuie sur un extrait de Thaïs de Massenet et met en lumière la subtile interprète qu’est Cloé Alexandre.

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© Patrick Herrera


Timides?
(2016) sur le grandiose Concerto pour piano et orchestre n° 1 de Tchaïkovski, réunit Emilia Sambor et Serge Mouawad. Dans ce long pas de deux, la chorégraphe donne libre cours à son inspiration et multiplie les difficultés techniques : sauts, pirouettes, portés…
Elle dose temps forts et faibles, tous les tempi du compositeur et nous offre une grande variété d’enchaînements : un
perpetuum mobile
La troupe a été rappelée plusieurs fois.


Nicolas Villodre

Spectacle présenté le 6 avril au Théâtre Jean Arp de Clamart (Hauts-de-Seine).

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