Ariane Ascaride, Touchée par les fées, Ultima verba, texte de Marie Desplechin, mise en scène et chorégraphie de Thierry Thieû Niang
Touchée par les fées, Ultima verba , texte de Marie Desplechin, mise en scène et chorégraphie de Thierry Thieû Niang
Ariane Ascaride est née en 54, «sous, dit-elle, le signe double de la Balance», à Marseille, d’un père d’origine napolitaine; coiffeur, il était aussi représentant chez L’Oréal et comédien-metteur en scène amateur; la mère était employée de bureau et l’argent ne coulait pas à flots…
A l’université d’Aix-en-Provence où elle commence par faire des études de socio, elle rencontre Robert Guédiguian, son futur mari qui deviendra cinéaste. Puis, elle entre au Conservatoire National Supérieur d’Art dramatique.
En soixante-dix, elle débute au théâtre dans les pièces écrites par son frère Pierre-son autre frère est devenu sociologue-puis joue au cinéma de petits rôles et un véritable dans La Communion solennelle de René Féret. Et en 80, dans Dernier été, le premier film de Robert Guédigian et tous les suivants… entre autres: À la vie, à la mort ! Et Marius et Jeannette qui lui vaut un César en 98. Mais aussi Nadia et les hippopotames (1999) de Dominique Cabrera et les films d’Olivier Ducastel, Jacques Martineau…
Ariane Ascaride est aussi connue pour soutenir de nombreuses actions sociales, écologiques et humanitaires. Avec Robert Guédiguian, elle fait un don au Secours populaire de Marseille et est marraine de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Et du collectif 50/50 pour l’égalité des femmes et des hommes dans le cinéma et l’audiovisuel.
Elle vient de recevoir le prix (10.000 € ) de l’artiste citoyenne 2025 offert par l’Adami et que la lauréate ou le lauréat reverse à l’association de son choix. Elle, c’est l’A.A.S.I.A. qui aide les migrants dans les camps de rétention, entre autres, à Samos et Chios en Grèce.
Frédéric et Mélanie Biessy lui offrent pour la saison, une carte blanche à la Scala, où elle joue Paris retrouvée et Touchée par les fées (en marseillais: fada). Elle arrive en pantalon et veste noirs, et en cinquante minutes de ce solo, raconte d’abord son enfance entre des parents qui ne se parlent presque plus. Une mère, pas bien riche mais attentive, qui l’emmène au théâtre, au cinéma et au théâtre. Un père, communiste stalinien, napolitain qui a de nombreuses maîtresses (« la boulangère, la poissonnière »…) et qui écoute tous les dimanches matin, les Chœurs de l’Armée rouge. Il a des relations très ambigües avec elle quand elle avait neuf ans: elle parle avec une grande pudeur et, en même temps, avec courage de ce moment.
Elle est arrivée sur cette petite scène avec six pauvres valises brunes d’autrefois et qui ont vécu où il y a des trésors : robes, vestes et accessoires dont un merveilleux Pinocchio en bois avec lequel elle va jouer; l’actrice, avec une rare élégance, est lucide à la fois sur son passé. Et il y a des moments loufoques, comme la demande en mariage de Robert Guédigian sur sa moto avec elle sur le siège arrière, ses débuts dans le métier, son présent d’actrice mais aussi son avenir: « Ma nécro, je vais m’en occuper moi-même. (…) J’aime bien l’idée de faire le ménage avant de partir ».
Elle parle d’elle mais surtout de sa vie à Marseille avec émotion, de sa famille et accroche les photos de ses « invisibles » comme elle dit, à un long fil rouge en fond de scène. Et celle qui est devenue parisienne, tient envers et contre tout, au Marseille de son enfance et de sa jeunesse dont elle parle si bien, avec la tendresse et la générosité qu’on lui connait. Un monde à jamais disparu, sauf de sa mémoire.
Avec, toujours en filigrane, l’amitié, la fidélité à ses proches et à ses amis acteurs. Mais aussi l’amour pour la scène et cette relation privilégiée qu’elle a avec le public. Et quand elle lui fait à la fin reprendre Cantaré, cette chanson très populaire de 1985, l’émotion est encore plus palpable. Un solo mené avec une rare maîtrise orale et gestuelle et sobrement mis en scène par Thierry Thieû Niang… Ici, tout sonne simple, vrai et juste. Allez voir Ariane Ascaride, vous ne le regretterez pas.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 8 mai, La Scala, 13 boulevard de Strasbourg Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.