Et à la fin, ils meurent: La sale vérité sur les contes de fées de Lou Lubie


Et à la fin, ils meurent: La sale vérité sur les contes de fées,
texte de Lou Lubie, aAntoine Brin

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Une bande dessinée devenue culte. En 2008, son autrice avait fondé le Forum dessiné où les participants échangent des dessins.  Ensuite, elle publie cinq livres à la Réunion dont elle est originaire. En 2016, elle révèle être atteinte de cyclothymie dans une bande dessinée Goupil ou face, éditée en français et en plusieurs langues.
Ecrite et dessinée il y a six ans  avec Manon Desveaux, parait La Fille dans l’écran, sur une relation amoureuse à distance entre deux femmes. Puis cette B.D. : Et à la fin ils meurent sur les contes de fées traditionnels où Lou Lubie retrace avec humour et savoir-faire, les versions d’abord orales puis éditées qui ont bercé notre enfance, avec une nette évolution des valeurs morales selon les époques. Cela va du Pentamerone de Giambattista Basile, publié à titre posthume de 1634 à 1636. Soit quarante-neuf contes populaires en napolitain, au langage assez cru: «Ah! Chenapan, fripon, pisseux, merdeux, culeron sans cervelle…  » et qui a déjà été adapté au théâtre (voir Le Théâtre du Blog).
Mais aussi notre Charles Perrault (1628-1703) célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye. Peau d’âne, tous  issus du patrimoine oral français et entre autres, de Virgile Apulée, Basile… Comme La Belle au bois dormant, Peau d’âne, Le Petit Chaperon rougeLa Barbe bleueLe Maître chat ou le Chat botté, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre, Le Petit Poucet.. 
Il y a bien chez lui, une intention moralisatrice mais le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangés par le loup… Alors que chez les Grimm, le chasseur les sort vivantes du ventre de l’animal. Les adaptations au cinéma furent nombreuses dont celles de Michel Boisrond, Jacques Demy…  Et  au théâtre, il y eut entre autres, La véritable Histoire du chat botté de Jérôme Deschamps, Pascal Hérold et Macha Makeïeff (2009).
Moins connue, Marie-Catherine d’Aulnoy publie en 1697 ses Contes des fées, puis Les Contes nouveaux ou les Fées à la mode, devenus célèbres; empreints de merveilleux mais subversifs comme L’Oiseau bleuLa Belle aux cheveux d’or, La Biche au boisLa Chatte blancheLe Nain jauneLa Grenouille bienfaisante… là encore issus de traditions orales populaires. Enfin les philologues et frères Jacob et Wilhelm  Grimm, au XIX ème siècle écrivirent les célèbres Blanche-NeigeHansel et Gretel,  Cendrillon, La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge , d’après Charles Perrault, Le Vaillant Petit Tailleur, Le Joueur de flûte de Hamelin, etc. Et malheureusement aussi quelques textes antisémites  dont Le Juif dans les épines. Habilement, les acteurs en parleront mais ne diront pas un mot du texte. Bien vu…
Le Danois Hans Christian Andersen (1805-1875) romancier, dramaturge et conteur est resté célèbre pour ses contes de fées, dont La Princesse au petit pois, La Petite Sirène, Les Habits neufs de l’empereur, La Bergère et le Ramoneur, La Petite Fille aux allumettes… qui furent adaptés au cinéma et en B.D. Et enfin, Walt Disney (1901-1966),  lui aussi ratissa large dès les années trente avec plus de cent films dont Blanche-Neige et les Sept Nains, ensuite Pinocchio, Cendrillon, La Belle au bois dormant…Antoine Brin le remet à l’honneur* cet auteur jugé longtemps trop sexiste:  » Ses films sont magnifiques, dit-il, mais trash, incorrects avec sang, gore et blagues de mauvais goût ! »

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©Sabrina Moguez

Le metteur en scène se livre à une relecture d’extraits de ces contes dans leur version originale: celle qu’on ne fait pas lire aux enfants, avec meurtres en série, mutilations, sexisme, violences diverses et variées, cannibalisme, adultères… Ils sont quatre à raconter et à jouer cette adaptation de la formidable bande dessinée.
Sur le plateau, côté jardin, une tour de château avec, en haut, une fenêtre où apparait souvent une tête de personnage, au centre,  un portail qui ne s’ouvrira jamais  et qui abrite un écran pour ombres chinoises; sur le pilier droit, est inscrit: Mort au patriarcat. Côté cour, un arbre peint en deux dimensions. Une scénographie parfaite deSabrina Moguez  en unité avec le texte.

Les deux acteurs et les deux actrices-diction et gestuelle impeccable-changent de costume à toute vitesse,  et sur un ton décalé et avec anachronismes, s’en donnent à cœur joie pour rendre à ces contes leur crudité originale; ils jouent les nombreux personnages et ajoutent des commentaires.  « En pointant du doigt tout ce que nous prenons pour acquis et ne remarquons même plus, dit Antoine Brin, je souhaite provoquer cette réaction double: mélange de rire et prise de conscience. »
Et Bruno Bettelheim, l’auteur de la célèbre Psychanalyse des contes de fées (1976, n’est pas épargné: à propos de Blanche-Neige ou du Petit Chaperon rouge, il voulait montrer comment ces contes répondaient aux angoisses des enfants, en leur montrant les épreuves avant d’atteindre la maturité. Depuis, il a souvent été contesté, entre autres, par des historiens, montrant que la conscience de la particularité enfantine, n’existait pas autrefois. Et jusqu’au XVII ème siècle, les contes de fées étaient plutôt destinés aux adultes…
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oujours à cheval entre le premier et le second degré, le spectacle va parfois un peu vite… Mais quelle énergie, quelle drôlerie et quelle impertinence! La salle pleine-c’est rare, un samedi de Pâques-a longuement applaudi et à juste raison.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 24 mai, Manufacture des Abbesses, 7 rue  Véron, Paris (XVIII ème). T. : 01 42 33 42 03.

*Traduction intégrale de Françoise Decroisette (1995), éditions Circé.

** Disney-Pixar, désenchanter et réenchanter l’imaginaire de Célia Sauvage.


Archive pour 21 avril, 2025

Le Moche de Marius von Mayenburg, mise en scène Aurélien Hamard-Padis.

Le Moche de Marius von Mayenburg mise en scène d’Aurélien Hamard-Padis.

« Je ne suis pas médecin, je suis artiste. » clame le chirurgien-plasticien (Jordan Rezgui) qui vient de transformer le visage de Lette (Thierry Hancisse). Cette pièce, écrite en 2011, est intemporelle. La dictature du «jeune et beau»: une épidémie qui sévissait déjà vers 1970. Quand Juliette Greco s’était fait refaire le nez, ensuite de nombreuses femmes avaient fini par avoir le même… Maintenant, à cause des réseaux sociaux, le phénomène s’est accentué . « C’est l’histoire d’un conformiste, dit le metteur en scène, qui finit par se noyer dans la masse. C’est l’histoire de personnes qui se font aliéner par l’artifice-même qui leur conférait une toute-puissance. C’est l’histoire d’une société malade de son idolâtrie frénétique.»

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©Vincent Pontet

Monsieur Lette, un chef de projets, doit faire une conférence pour exposer ses travaux. Mais il est éliminé par son supérieur (interprété aussi par Jordan Rezgui),  à cause de sa laideur: « Il ne va pas votre visage, vous ne pouvez pas vendre avec ce visage.» Et on lui préférera Karlmann, l’assistant de ce Monsieur Lette (Thierry Godard) dont  la femme (Sylvia Bergé) confirme : «Tu es laid : cela saute tellement aux yeux. »
Pour pouvoir briller en société, Monsieur Lette renonce donc complètement à son visage et se fait opérer. Couvert d’un bandeau rappelant L’Homme invisible, une série télévisée américaine d’Harve Bennett et Steven Bochco,  adaptée de H. G. Wells et diffusée en France en 76 puis en 88, il le retire et se voit  transformé.
Mais il n’arrive plus à pleurer ! Ses canaux lacrymaux sont bouchés et sa voix a changé : c’est un autre homme qui va ainsi partir à la conquête du marché… et de nouvelles partenaires. «Avec un visage pareil, lui dit le chirurgien, vous ne pouvez pas vous limiter toute votre vie à une seule femme. » Cette fable moderne colle à l’actualité. Mais, avec le temps, ce chirurgien a fait des ravages : chaque homme qu’il opère, a le même visage! On perçoit ainsi la critique des réseaux sociaux et médias qui proposent de transformer l’esthétique des jeunes femmes avec  un même modèle artificiel.
L’histoire bascule dans une belle folie quand ce Lette transformé se laisse séduire à la fois par une vieille dame riche (Sylvia Bergé) et par son fils (Thierry Godard). «Vous ne voulez pas qu’on aille tous au lit, maintenant que l’on est riche et beau.», s’exclame la vieille dame!Quatre artistes exceptionnels de vérité et de drôlerie… La pièce et la mise en scène sont une réussite totale. On ne répétera jamais assez que le Studio de la Comédie Française est une pépinière et qu’on peut y découvrir de très bons spectacles…

Jean Couturier

Jusqu’au 4 mai, Studio-Théâtre de la Comédie-Française, galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli, Paris (I er). T : 01 44 58 15 15.

 

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