Analyse pragmatique du discours théâtral de Marivaux de Vassiliki Derizioti

Analyse pragmatique du discours théâtral de Marivaux de Vassiliki Derizioti
© Derizioti

© Derizioti

Née à Athènes, l’autrice y a vécu jusqu’à dix-huit ans et a ensuite dans les Cyclades, le Dodécanèse, le nord de la Grèce, à Nicosie mais aussi à Madrid. Elle a étudié les lettres françaises à l’Université d’Athènes et a écrit un D.E.A. sur la linguistique pragmatique avec une analyse de pièces du siècle des Lumières et de Marivaux. Recrutée en 98 comme professeur de français, elle a enseigné dans des établissements d’enseignement publics à Kos, Athènes, Thèbes, Nea Apollonia, Andros. Puis, elle a été directrice du lycée à Syros et est maintenant celle du premier lycée expérimental à Maroussi. Elle parle anglais, français, espagnol et allemand.

 
L’originalité de cette monographie écrite en français par une écrivaine grecque réside dans sa théorie linguistique sur ce dramaturge au style fait d’observations pour arriver à une conclusion générale. Marivaudage et marivauder apparus du vivant même de cet écrivain, indiquent un « mélange bizarre de métaphysique subtile, locutions triviales, sentiments alambiques et dictions populaires». Des mots  péjorativement utilisés dans la première moitié du XVIII ème siècle, par ses adversaires puristes et tenants de la tradition.

Ensuite, le célèbre auteur arriva à la mode et le marivaudage devint synonyme de grâce et tendresse spirituelle. Une autre définition, plus récente, a été proposée par le dictionnaire français Larousse vers 1900, faisant allusion à des afféteries, raffinements et galanteries…Le marivaudage renvoie en effet à un style précis qui n’a rien à voir au «je ne sais quoi» dont parlent certains auteurs. En lisant cet ouvrage, nous redécouvrons la langue magistrale du grand dramaturge. Toutes les œuvres, analysées ici, possèdent un langage codé qui incite les interprètes, comme le public, à un déchiffrage. Il parle en effet «à mots couverts» et ses personnages disent l’explicite pour faire passer l’implicite…

 
Nektarios-Georgios Konstantinidis

Editions ἡδυέπεια, Athènes (2025).


Archive pour 27 avril, 2025

Une Mouette, d’après Anton Tchekhov, mise en scène d’Elsa Granat

 Une Mouette, d’après Anton Tchekhov, mise en scène d’Elsa Granat

Une des pièces les plus jouées de l’auteur de grand-mère ukrainienne, né à Moscou et mort en 1904 en Allemagne à quarante-quatre ans. En 1876, son père très endetté, échappe à la prison en se réfugiant avec sa famille dans la capitale. Trois ans plus tard, Anton Tchekhov, lui resté à Taganrog, fréquente le théâtre de la ville et s’inscrit à la faculté de médecine en 1879 à Moscou; il commencera à exercer en 85.
Mais pour faire vivre les siens, il collabore aussi à des revues avec des textes humoristiques, puis des nouvelles, des récits, et du théâtre: il sera un dramaturge majeur du théâtre moderne… En 96,
La Mouette créée au Théâtre Alexandrinski à Saint-Petersbourg sera un échec mais triomphera deux ans plus tard, quand Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko la mettront en scène au Théâtre d’Art de Moscou. S’y succèderont avec une égale réussite: Oncle Vania (1899), Les Trois Soeurs (1901) et La Cerisaie en 1904.

une mouette, salle Comédie-Française, salle Richelieu 2025 © Christophe Raynaud de Lage

 Comédie-Française, salle Richelieu 2025 © Christophe Raynaud de Lage

Elsa Granat nous offre un spectacle d’ordre herméneutique, inattendu et pointu de l’original. Elle laisse éclater une sensibilité et une esthétique hors du commun, après les nombreuses adaptations et mises en scène de cette pièce. Et Le titre Une Mouette? On peut interpréter ce spectacle comme un descendant du texte-matrice original, qui révèle un univers non contemporain mais hors du temps. Puissant dans sa théâtralité: le public est à la fois étonné et perturbé par la fragmentation du texte et ce décalage
Mais l’émotion est manifeste: on est touché par l’éclat de cette réalisation, le jeu remarquable des interprètes et la scénographie inventive que Suzanne Barbaud a élaborée pour cet espace: cadres, tulles, etc. sont mobiles et en superposition donnent
une atmosphère particulière et d’une grande poésie au spectacle.Le parc de la datcha et la présence mélancolique et colorée de la Nature, peintes en grand format sur des châssis en tissu, sont de toute beauté. Sans oublier, les rideaux rouges, emblématiques de l’art dramatique et de son lieu, un autre thème incontournable de la pièce…

Inattendues et intéressantes, la dramaturgie de Laure Grisinger et la mise en scène d’Elsa Granat mettent en avant la dimension psychique de chacun des personnages qui se révèle avec subtilité dans le jeu. Le tempo, habituellement lent, laisse place ici à une cadence fragmentée mais dense. Cela crée un flot d’images et se succèdent ainsi des ambiances contrastées. La musique et le son de John Martins viennent enrichir et renforcer la beauté de l’ensemble.

Elsa Granat réussit à faire couler la sève dionysiaque si précieuse au théâtre. Forme éclatée et texte s’harmonisent et laissent retentir le chant tragique.L’art du théâtre apparaît avec intelligence et émotion, ici merveilleusement mis en lumière, quand Anton Tchekhov évoque la position sociale de l’artiste, le parcours existentiel des interprètes et le fait d’être une femme dans ce métier.
Arkadina, actrice (prodigieuse Mariana Hands) est l’épouse de Treplev mais consacre sa vie au théâtre et négligera son fils, Treplev. La situation à la fois professionnelle et socio-politique de cette artiste, est transmise ici avec beaucoup d’esprit! Et Adeline d’Hermy est bouleversante en Nina. Ici, la question de la femme n’est pas traitée de façon agressive
mais objective : ce qui doit être défendu, est, en fonction du choix de vie, décidé librement par chacune d’elles.

Ce spectacle est aussi l’écho de thèmes chers à Anton Tchekhov: le temps qui passe et la mutation parfois douloureuse et complexe de l’ancien  vers le nouveau… Comme la trace ineffable de la vie vers la mort, du désir obsessionnel de la création toujours remise en question dans sa recherche indispensable de la modernité. L’art du théâtre doit demeurer vivant. La direction des acteurs, tous remarquables de sincérité et de grâce, et le regard de la metteuse en scène sur les personnages, nous offre Une Mouette qui va au-delà d’une adaptation au sens habituel.

Cette lecture audacieuse reste fidèle à l’esprit de La Mouette : à la surprise de ceux qui connaissent la pièce, le spectacle s’ouvre sur cinq brèves séquences à partir d’œuvres antérieures en un acte d’Anton Tchekhov: récit des origines, ce moment imprévu raconte l’enfance de l’art d’Arkadina et celle de Treplev.
Oubliées, les premières répliques:  «D’où vient que vous soyez toujours en noir? -«Je porte le deuil de ma vie. » répond Macha à Medvedenko, l’instituteur qu’elle
épousera, sans l’aimer.
Le geste dramaturgique surprenant est, pour beaucoup, pas assez clair mais a toute son importance pour Elsa Granat : au lieu de cette présence de la mort au début, elle a choisi l’inverse : l’espace précieux et fondateur d’une vie, celui de l’enfance. Mais comme on le sait, ce moment capital de l’existence se perd mais laisse des traces aussi merveilleuses, que destructrices.

À la fin, le public est enthousiaste, mais aussi troublé : c’est bon signe. Elsa Granat a réalisé un spectacle exceptionnel et déstabilisant mais sans jamais dénaturer La Mouette. Elle l’a fait tout simplement exister au cœur de notre époque, en reconstruisant sans l’adapter, ce chef-d’œuvre. Une esthétique superbe et une vision poétique lui donnent un caractère universel. La metteuse en scène nous fait partager un geste artistique étonnant, pour notre grand plaisir.
Quand la modernité s’empare d’une célèbre pièce du passé, il y a une incompréhension du public, face à l’inaccoutumé et à la prise de risque artistique.
Mais le théâtre, à cette condition, prend tout son sens et traverse le temps.

 Elisabeth Naud

 Jusqu’au 15 juillet, Comédie française, 1 place Colette, Paris ( Ier). T. : 01 44 58 15 15.

 

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