Festival Théâtres en mai De Là-Bas, conception, interprétation de Romain Bertet

Festival Théâtres en mai

 De Là-Bas, conception, interprétation de Romain Bertet

  Le Consortium Museum, centre d’art contemporain dijonnais, accueille ce spectacle entre performance et arts plastiques. Romain Bertet a étudié la sociologie, l’anthropologie, l’histoire et la physique. Il commence la danse à vingt-quatre ans en intégrant la compagnie Coline à Istres de 2005 à 2006, puis le cursus De l’interprète à l’auteur au C.C.N. de Rilleux-la-Pape-compagnie. Il travaille avec plusieurs chorégraphes et metteurs en scène et  pendant quatre ans cette compagnie. Il poursuit sa carrière d’interprète et en parallèle, crée des petites formes et une première pièce De là-bas, en 2016 à La Valette et plusieurs performances dans des musées à Toulon où il  travaille aussi à l’aménagement d’un espace artistique Le Volatil, fabrique pour danseurs, performeurs, comédiens et plasticiens à qui a ouvert en 2017. 

Ici, le public est invité à descendre à s’asseoir des gradins dans une petite salle plongée dans le noir total. Bruit assourdissant… Un carré de lumière apparait au loin (création de Gilbert Guillaumond et Charles Périchaud) proche d’une toile de Mark Rotkho. Notre œil distingue encore mal mais brusquement des pieds apparaissent au-dessus puis vont disparaitre dans un fondu au noir, principe à l’œuvre pendant toute la représentation ouvrant et fermant ainsi les espaces-temps.Enfin un homme réussit à s’extraire du plafond. Nous découvrons alors un espace trapézoïdal en perspective couvert d’argile, du sol au plafond. L’homme va essayer d’en sortir en grattant les murs argileux, créant des trous d’où il va sculpter des boules qui surgissent aussi des murs et se faufiler la tête la première. Son corps est constamment  sollicité, amputé, décapité… il se fond dans la matière organique, ne fait plus qu’un avec la terre qui l’aspire, le digère et le rejette.
L’homme revient toujours au même endroit, comme si le temps le ramenait constamment au point de départ. Quand la solitude s’empare de lui, il fait surgir des murs une vingtaine de visages sculptés qui l’encerclent et le regardent dans un dernier jugement sans appel. L’homme disparait ensuite dans le sol… pour revenir indéfiniment dans le même espace, prisonnier à jamais.

© Vincent Arbelet

© Vincent Arbelet

Romain Bertet nous fait entrer dans cet endroit sans histoires ni repères, en perpétuelle mutation, transformation et déformation. Un lieu poreux et instable, sujet à des failles temporelles multiples et sans aucune issue possible… Cet homme des cavernes va s’inventer des compagnons fictifs et illusoires pour être moins seul et ne pas tomber dans la folie, à moins que ce ne soit trop tard à cause d’un effet psychotique dû à un enfermement prolongé.
Il y a une dimension sacrée et chamanique dans ce remarquable spectacle où l’homme revient à un état primitif dans une renaissance venue du fond des âges. Les effets spatiaux et temporels sont travaillés avec une utilisation minutieuse de la lumière qui découpe l’espace à des endroits bien précis, provoquant des abîmes où se projettent nos fantasmes. La remarquable bande-son renvoie au monde extérieur (bruits de pas, chants d’oiseaux, chuchotements…) en  une boucle sans fin. Une sorte d’allégorie de la caverne où les ombres illusoires sont remplacées par des bruits. Il faut souligner la synchronisation parfaite entre le danseur et l’éclairagiste qui a su créer espaces fractionnés et paysages changeants, tantôt exigus, tantôt infinis.
Ce voyage archéologique au centre de la terre (tête) n’a rien d’une mission ludique et spéléologique mais plutôt d’une angoissante plongée dans la psyché humaine dont nous sortons sonnés, retrouvant fébrilement la lumière du jour et nos vacillantes certitudes.

Sébastien Bazou

Spectacle vu à Dijon ( Côte-d’Or) le 25 mai.


Archive pour mai, 2025

Le Moulin Rouge au Musée d’Orsay

Le Moulin Rouge au Musée d’Orsay

Dans le cadre de la programmation autour de l’exposition L’Art est dans la rue, le musée d’Orsay a invité le Moulin- Rouge à s’installer pour deux journées sous le signe des strass, paillettes et plumes. Au deuxième étage dans la salle des fêtes, pleine de miroirs et dorures, costumiers, plumassiers, bottiers et brodeurs présentent leurs créations pour le Moulin Rouge.
En même temps, des conférences sur cette institution qui fête ses cent trente-cinq ans ont lieu à l’auditorium. Dans le nef du Musée, on peut voir les costumes des trois dernières revues et d’autres pièces

© Nicolas Blandin

© Jean Couturier

historiques. Nous avions rencontré les créateurs de la maison Février créée en 1929, (voir Le Théâtre du Blog); ils exposent ici leur savoir-faire et il lui a été attribué le label Entreprise du patrimoine vivant pour la qualité de leur travail artisanal de la plume. Les autres entreprises qui exposent aussi dans cette salle des fêtes sont dans le même état d’esprit : l’atelier Valentin travaille les broderies, l’atelier de création Mine Vergès réalise des costumes et Clairvoy, bottier depuis 1945, fabrique les fameuses bottines rouge et bleu du french-cancan.
Après une visite libre, le public aller dans la nef assister à un formidable et féérique défilé de costumes pour reprendre deux titres des revues du Moulin Rouge. Corrado Collabucci, la créatrice des costumes a assisté à leur naissance parmi les œuvres d’art exposées.

 

Les danses avec chapeau, boas et strass au milieu des sculptures, donne une dimension magique à ce lieu. Les formes des sculptures de Jules Lafrance, Jean-Baptiste Baujault, Eugène Delaplanche ou Alexandre Falguière, répondent à celles des danseuses. On célèbre ici la beauté et la féminité, même si l’époque actuelle remet en cause beaucoup des critères esthétiques qu’elle voit comme machistes.
Mais le public, féminin comme masculin, est ravi de voir les danseuses et danseurs en rythme sur les musiques de Pierre Porte qu’il a écrites pour les revues du Moulin Rouge. Sur la plateforme centrale, Une occasion exceptionnelle d’admirer aussi de très près les costumes

© Nicolas Blandin

© Jean Couturier

et de pouvoir les photographier : exceptionnel car strictement interdit au Moulin Rouge, boulevard de Clichy. En soirée, un french-cancan endiablé par les Doriss Girls qui avait déjà enflammé l’an dernier une épreuve cycliste des Jeux Olympiques à Montmartre, a réveillé les sculptures de cette grande nef, devant un public conquis.
D’autres manifestations sont prévues dont une évocation du cabaret Le Chat Noir par les élèves du cours Florent. Tous ces événements sont gratuits sur présentation du billet d’entrée au musée.

Jean Couturier

Les samedi 24 et dimanche 25 mai, au Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’honneur, Paris (VII ème) . T : 01 40 49 48 14.   

Tout est bien qui finit bien de William Shakespeare, mise en scène de Frédéric Jessua

Tout est bien qui finit bien de William Shakespeare, mise en scène de Frédéric Jessua

Dans la salle restée éclairée, un cercueil trône au centre du plateau et un maître de cérémonie accueille le public, non sans humour et à la limite de l’absurde. Le spectacle est bel et bien lancé ! Écrite vers 1604, la pièce est déjà une réécriture de La Femme courageus, une nouvelle du Decameron de Boccace.L’auteur transpose ici l’action en France et en Toscane pendant les guerres d’Italie. Ni le nom du roi  ni celui du duc de Florence ne figurent nommément dans la liste des personnages mais il s’agit bien du roi de France, François 1er et du duc de Florence, Alexandre de Médicis.

 L’appropriation de cette comédie assez peu jouée, reste ici fidèle mais lui donne théâtralement un sang neuf. Dans cette volonté esthétique, Frédéric Jessua et Vincent Thépaut ont tenu compte des différentes traductions et se sont saisi de la truculence et de la finesse de la langue de Shakespeare pour, sans jamais la trahir, la transfigurer avec intelligence et l’accorder à l’écoute d’une parole dramatique à la fois contemporaine et pérenne. L’adaptation audacieuse reste juste et conserve l’esprit et les thématiques de la pièce : conflits personnels et politiques, guerres, appétit du pouvoir et son ubris, prétention des bien-nés, grossièreté des attitudes, passion amoureuse et ses folies, son courage, se manifestent ici avec éclat et dextérité.

© Nicolas Blandin

© Nicolas Blandin

Hélène, (Céline Laugier, merveilleuse, incroyable de sensibilité), est de basse naissance mais  fille adoptive de la comtesse de Roussillon, une veuve. Elle aime secrètement son frère de lait, Bertrand (Enzo Houzet, jubilatoire en jeune prince charmant totalement mufle !), fils du comte et de la comtesse de Rosillion, (formidable Félicité Chaton). Elle désire l’épouser mais son bien-aimé refuse ce mariage : Hélène n’est pas noble.
Pour cette femme d’une grande beauté, moderne et indépendante d’esprit, ce rejet violent est un défi. Fille d’un médecin disparu, elle apprend soudain que le roi est malade. Quelle aubaine! Elle se rend à Paris auprès du souverain, utiliser les soins-miracles que son père lui a transmis. Elle le soigne de la fistule dont il souffre. Le roi est sauvé ! En récompense, elle se voit offrir la possibilité d’épouser tout homme du royaume.Elle choisit bien évidemment Bertrand! A la suite de multiples rebondissements et situations pénibles ou rocambolesques, le mariage de Bertrand et Hélène sera enfin célébré ! Et, c’est à Bertrand de s’engager, sans doute à contre cœur, dans cette union. Comme pour payer le prix de son lamentable comportement !

  Frédéric Jessua laisse rejaillir avec impertinence, grivoiserie et humour, la singularité de la dramaturgie et des thèmes de Tout est bien qui finit bien qui, à l’image d’une autre comédie de Shakespeare Mesure pour mesure, joint le comique au tragique, ou les oppose. Le Roi: Tu es si sûre de toi ? Combien de temps prendrait la guérison ? Hélène: Vingt-quatre à quarante-huit heures. Le Roi: Elle est superbe…Moins de deux jours ? Et si ça ne fonctionne pas, qu’es-tu prête à sacrifier ? Hélène: Je commencerais par offrir ma virginité au premier venu. Non que dis-je, j’irai me prostituer. Non… encore mieux, écartelez-moi, arrachez-moi les ongles, faites-moi bouillir. Ou tout simplement, coupez-moi la tête.»
Dans cette création, originale, l’écriture, engagée politiquement et l’esprit critique de l’auteur sur son époque, sont mis à l’honneur. Et nous comprenons, oh! combien, que l’artiste doit rester libre et maître de son œuvre, quitte à paraître trop insolent.

Les personnages, eux aussi, sont inhabituels dans le théâtre de Shakespeare et tous hauts en couleur. Le metteur en scène a su se saisir de cette particularité en nous offrant un jeu à la fois sensuel, parfois cru, comique ou d’une belle élégance: -«Le deuxième Seigneur: Majesté, que la santé soit votre enjôleuse! Le Roi (brusquement) : Attention aux italiennes ! Leurs cuisses sont des charniers pour nos soldats. Si vous devez vous allonger, que ce soit sur le champ de bataille! »
Le public se réjouit à la vue de ces intrigues bigarrées, où cruauté des sentiments, désir impossible, et fantasmes les plus fous se mêlent au cheminement et à l’accomplissement politique de l’Histoire et d’un peuple. Nous sommes sous le charme d’une intrigue entre réalité historique et agitations de l’âme humaine. La mise en scène, proche d’une danse théâtrale excentrique où ne cesserait de tournoyer à la fois pureté et désir fou, pudeur et érotisme, fidélité et inconstance, répond avec grâce à: «La trame de notre vie est un tissu fait à la fois de bien et de mal. Nos vertus seraient fières si nos fautes ne les flagellaient pas et nos vices désespéreraient, s’ils n’étaient pas relevés par nos vertus. »
Notre esprit est déstabilisé, et c’est parfait ! Même si on se perd quelquefois dans un rythme un peu trop effréné. Ces êtres de fiction aux comportements contradictoires, impulsifs, naïfs ou pervers, nous touchent et nous parlent. Loin de héros extraordinaires, nous nous sentons complices de leur humanité, de leurs ruses, obsession sentimentales ou érotiques, de leur générosité, de leur espoirs et passions. Les costumes de Julie Camus et les maquillages de Pauline Bry reflètent à merveille le visage de cette troupe de personnages insolites.

©Nicolas Blandin

©Nicolas Blandin

La scénographie de Charles Chauvet et Frédéric Jessua a, elle aussi, un caractère ludique et romantique. Elle semble se fondre dans une atmosphère à la fois élisabéthaine et sans époque. Frédéric Jessua éclaire et anime avec un sens poétique et fantaisiste, l’étrangeté, le comique et le tragique de cette histoire inouïe. Clin d’œil au théâtre de tréteaux, il y a d’ingénieux châssis mobiles peints en bleu et rouge, avec les insignes des royaumes et militaires, tout comme les chevaux- de l’armée royale, silhouettes en bois découpé comme tout droit sortis d’un manège pour adultes, le tout sur roulettes.
Autre trouvaille simple mais inventive et efficace d’un point de vue dramatique : une tournette. qui rythme le passage des scènes et évoque peut-être, la symbolique de la roue de la Fortune, si chère à Shakespeare. Ou encore le moment comique, remarquable : un éclat de rire unanime quand qu’apparaît le duc florentin (Charles Van de Vyver hilarant) en tenue de champion de formule 1, écurie Ferrari ! Entre fête foraine, artisanat, et art du clown et de l’absurde, la théâtralité bat son plein et nous ravit : la tension dramatique est constante !

  Le spectacle est mené avec brio par tous les interprètes. À la fois théâtral, musical (musique originale de Richard Le Gall), et chorégraphique (création de Georgia Ives), et dans un univers assez rock and roll, il donne au public une vision originale, très vive, réjouissante. Nous partageons avec les comédiens, le même enthousiasme pour la mise en scène de cette pièce déjantée mais à la fois tellement fine et organique, sensuelle dans sa représentation de la comédie humaine ! Épopée personnelle et histoire, cette comédie du début du XVII ème siècle reste prégnante pour nous, hommes et femmes du XXI ème siècle. Menée tambour battant, elle laisse résonner les vibrations intimes de l’âme humaine et celle de notre monde occidental.
Shakespeare n’a pas fini de nous étonner, de ravir et d’inspirer les artistes ! Son portrait projeté au milieu du spectacle, avec son regard malicieux, plein d’esprit, en dit long sur la postérité de son art théâtral !

 Elisabeth Naud

Spectacle vu au Théâtre 13/Bibliothèque, 30 rue du Chevaleret, Paris (XIII ème). T : 01 45 88 62 22

 

 

Festival Théâtres en mai à Dijon: Trust me for a While, conception et mise en scène d’Yngvild Aspeli

Festival Théâtres en mai à Dijon:

Trust me for a While, conception et mise en scène d’Yngvild Aspeli

Artiste récemment associée au Théâtre Dijon-Bourgogne, la metteuse en scène, actrice et marionnettiste norvégienne, directrice de la compagnie Plexus Polaire, fait depuis 2010 un remarquable travail visuel et introspectif autour de marionnettes à taille humaine. Elle crée des univers esthétiques singuliers, marqués par une imposante scénographie comme  entre autres dans Signaux (2011), Maison de Poupée (2023).

Première en salle de ce nouveau spectacle, après une tournée dans les lycées, centres sociaux et maison d’arrêt en Bourgogne-Franche-Comté depuis janvier 2025. Cette forme courte de cinquante minutes, était destinée, à l’origine, à un public d’adolescents. Le spectacle se concentre sur le cœur du métier de marionnettiste à une échelle intimiste, avec une scénographie épurée. Yngvild Aspeli a fait appel à de jeunes interprètes, récemment diplômés de l’Ecole Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette  à Charleville-Mézières où elle-même fut élève de 2005 à 2008..

Sur le plateau, trois structures sur roulettes avec des rideaux scintillants. Au centre, une valise à la verticale. Quand le public arrive, un chat-une marionnette très réaliste- apparait plusieurs fois et à différents endroits, nous scrutant et brandissant une pancarte où est écrit: Applaudissements. Puis entre le ventriloque Pédro Hermelin Vélez avec sa marionnette Terry. Il explique comment elle fonctionne dans une mise en abyme et « un rationalisme merdique qui tue l’illusion », comme le dit Terry qui a du répondant. Cela donne lieu à des situations cocasses où la marionnette demande à son maître de la gratter à l’intérieur de son corps, en lui retirant la tête… Crise existentielle ! La marionnette prend alors conscience de son existence et a peur ! Son maître ne croit pas en elle. Terry lui demande de conserver une ou deux illusions dans ce triste monde, de lui faire confiance et commence à chanter une  Trust me for a While.

Terry prend alors de plus en plus d’autonomie jusqu’à s’animer et à parler tout seul sans l’aide de Pédro, lequel prend peur et lui tape violemment la tête contre la valise : Terry a le crâne ouvert ! Une vision à la fois de peur et de comique). Malgré la pose d’un bandage, la marionnette meurt mais reprend vie en bousculant l’espace-temps, avec des questions sur la vraie réalité des choses : «Il n’y a pas de public, tout comme moi… Peut-être la réalité n’est-elle qu’une illusion? »

Sur une musique angoissante, la scénographie change et les trois structures bougent les unes devant les autres et suivent des  tableaux où la marionnette disparait et attaque à plusieurs reprises le ventriloque dans de remarquables auto-manipulations.Pédro, ensanglanté, tache les rideaux. Terry surgit avec un couteau mais la tête et la main dissociées dans l’espace. On s’aperçoit alors que ce n’est pas la marionnette qui tient le couteau prêt à égorger son maître mais lui-même, dans une vision d’épouvante.
La marionnette, enfermée dans la valise, en ressort mais à taille humaine (une comédienne habillée comme Terry et portant un masque). Très dérangeante, elle commence à faire d’étranges bruitages et chante à nouveau Trust me for a While. Pendant cela, Pédro se fait attaquer par le chat qui lui mord et lui griffe le visage. Il finit par l’étrangler et le met dans la valise. Terry, grandeur nature, demande alors si le chat est vivant ou mort ? Les deux, répond-t-il.

Les structures se mettent à bouger et Terry assomme Pédro et le met dans la valise,. « On va voir qui est la marionnette maintenant!» Les rôles s’inversent alors et Pédro apparait avec un corps minuscule semblable à celui d’une poupée et deux grosses mains (en fait celles de Terry) le maltraitent. Les structures bougent à nouveau et le chat qu’on voit de dos et à la taille disproportionnée, remue la queue et est caressé par les grosses mains de Terry.La scénographie change une dernière fois : les mains géantes parcourent les rideaux puis Pédro (à taille humaine) est dans la valise et Terry ( une marionnette) dessus.
Le chat (qui a repris sa taille normale) brandit un panneau avec le mot : Fin. Un retour définitif, a fin du cauchemar ? Ici, à la différence de ses grosses productions, Yngvild Aspeli se concentre sur la figure du double, entre un ventriloque et sa marionnette, un marionnettiste et sa poupée. La metteuse en scène a simplifié le dispositif technique, mais aussi les apparences avec « un magicien raté (d’où une technique volontairement approximative en ventriloquie) et un personnage possédé armé d’un couteau ».

© Vincent Arbelet)

© Vincent Arbelet

Dans ce spectacle, l’étrange et dérangeant Terry a un passé trouble et va prendre le contrôle de son maître. Yngvild Aspelichoisi de traiter le côté maléfique et horrible de la dualité intrinsèque à l’interprétation où la schizophrénie peut amener à la folie meurtrière: «Il y a quelque chose d’assez terrifiant, dit-elle, et en même temps d’irrésistible, avec une marionnette ventriloque. La représentation humaine, très reconnaissable et pourtant loin d’être réaliste et cette marionnette est l’incarnation de notre peur la plus forte et la plus fondamentale : celle de l’innocence cachant l’horreur.
Cette créatrice s’intéresse particulièrement à l’utilisation d’un mannequin ventriloque pouvant incarner la folie. « Pour être propulsé directement au centre désordonné, fou et fascinant de l’esprit humain (…), une bataille interne avec soi-même, sans être totalement soi-même. Une partie de soi que l’on peut contrôler – jusqu’à ce qu’elle nous contrôle tout à coup. »

Ce spectacle renvoie à des films comme Magic (1978) de Richard Attenborough avec un ventriloque psychotique et surtout The Ventriloquist’s Dummy, la partie réalisée par Alberto Cavalcanti, d’un film à sketchs de Dead of Night (1945). Avec Maxwell Frere, un ventriloque dont la marionnette tend à s’autonomiser un peu trop et accuse un autre ventriloque, d’encourager cette révolte. La dimension surnaturelle et psychotique du film en fait un modèle du genre.
Dans
L’Attrait des ventriloques, Erik Bullot décrypte les enjeux dramatiques du ventriloque et de sa marionnette à travers une judicieuse sélection de films qui renvoient souvent à des troubles profonds et tragiques comme la schizophrénie, la possession ou le transfert de personnalité dans des récits dramatiques, fantastiques et horrifiants.
La metteuse en scène crée des effets temporels, ellipses, apparitions et disparitions, avec une économie remarquable du décor et une utilisation judicieuse de la bande son et de la lumière. Encore une réussite pour
Yngvild Aspeli.. Avec ce format inédit où elle joue subtilement sur les archétypes avec une forme à la fois populaire et spectaculaire, elle questionne notre libre-arbitre, et nos décisions individuelles constamment manipulées.

Sébastien Bazou

Spectacle vu le 23 mai, à la Minoterie, Dijon ( Côte-d’Or)

Biennale internationale des arts de la Marionnette au Mouffetard, Paris (V ème), les 27 et 28 mai.

 

 

 

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Jay Scott Berry

Jay Scott Berry

-Pouvez-vous nous parler de votre enfance et de votre première rencontre avec la magie ?

Né à Sacramento (Californie) en 1960, j’ai grandi à Reno (Nevada) la ville des casinos et divertissements. À trois ans, ma mère m’a inscrit à un cours de claquettes et je me souviens parfaitement de notre premier récital : je dansais et chantais sous les sourires et les applaudissements du public. Dès lors, j’ai adoré être sur scène. À cinq ans, j’ai reçu un kit de magie. Puis, j’ai présenté mon premier spectacle. J’étais conquis ! Après cela, je m’y suis plongé mais aussi dans la musique et le théâtre.

© Jay Scott Berry

© Jay Scott Berry


À dix-sept ans, je suis allé à Hollywood et j’ai travaillé pendant trois années au Hollywood Magic Shop. J’ai passé des auditions pour intégrer le groupe junior du Magic Castle. Le président Bill Larsen, les membres du conseil d’administration : Diana Zimmerman et Peter Pit ont été impressionnés : à dix-neuf ans, j’étais le plus jeune magicien à se produire au Palace of Mystery..

Très tôt, j’ai essayé d’atteindre l’excellence artistique et ‘ai décidé que la seule concurrence à laquelle je devais faire face, était moi-même. La principale difficulté? La jalousie des autres. Mais je suis resté concentré sur le perfectionnement de mon art scénique. Et en 82, j’ai eu l’honneur de représenter le Magic Castle à la F.I.S.M. de Lausanne où j’ai rencontré nombre de mes idoles : Richard Ross, Christian Fechner, Pavel.
Cela a lancé ma carrière en Europe, marquée par de nombreuses conventions de magie et galas remarquables.


-Vous êtes un créateur et avez publié en France, Magie d’un monde nouveau de Georges Proust. Qu’aimez-vous créer et de quoi êtes-vous le plus fier ?

Retour en arrière jusqu’à la F.I.S.M. 1985 à Madrid : j »étais une des têtes d’affiche. Puis je suis allé à Paris et j’ai rencontré Georges Proust. Ensemble, nous avons assisté à la convention F.F.A.P. 85. L’un des conférenciers prévus ayant dû annuler, on m’a demandé de le remplacer. Avec Maurice Pierre comme traducteur, j’ai donné une conférence et expliqué mon numéro complet F.I.S.M., celui de La Symphonie sur l’anneau et la routine du ruban. Ovation debout et j’ai alors reçu de nombreuses propositions de conférences dans le monde entier. Cela a donné naissance au livre Magie d’un Monde Nouveau, illustré avec brio par James Hodges mais aussià la création de nombreux effets originaux destinés à la vente, notamment Fumée dans la Main, Jet de Flamme, Éclair Miracle, le tout premier FP lumineux. Peu après, j’ai aussi créé Diamond Silks, Eclipse Tip, les FP Streamers, Cloaking Device… qui ont tous influencé l’évolution de notre art.

En 2001, j’ai organisé mon premier festival de magie en Écosse. Avec plusieurs spectacles de vedettes comme Pavel, Ali Bongo, Patrick Page, Flip et même le jeune David Goldrake. Les dix années suivantes, j’ai organisé douze autres festivals de magie, attirant jusqu’à 10. 000 spectateurs en un week-end.
J’ai aussi grandi avec la musique et joué du violoncelle dans un orchestre à cordes pour jeunes, et du chant dans une chorale de garçons. J’ai donc toujours intégré la musique à ma magie et souvent composé des bandes originales. J’ai aussijoué de la guitare, participé à de nombreux festivals de musique et même sorti plusieurs CD.

-Quels sont vos magiciens préférés et qu’aimez-vous toujours dans ce métier ?

J’ai beaucoup appris et me suis inspiré de Johnny Thompson, Channing Pollock, Shimada, Richard Ross, Patrick Page, Pavel, Albert Goshman, Eugene Burger…. J’ai appris de chacun d’eux, intégrant des aspects de leur style au mien. Ce sont quelques-uns des géants sur les épaules desquels je m’appuie aujourd’hui.
Depuis mon premier récital de claquettes, j’ai toujours adoré me produire sur scène. Ma passion n’a fait que s’approfondir. Le mois dernier, j’ai présenté en avant-première un nouveau numéro de scène et un autre de close-upau Magic Castle : de loin, ceux les plus complexes que j’ai jamais réalisées. Le défi était de taille, certains mouvements ayant nécessité un an de perfectionnement. L
La réaction du Magic Castle, à Las Vegas, à la F.F.F.F .et autres conventions a été formidable. Je dis souvent qu’ importe où l’on se trouve sur l’échelle, ce qui compte est toujours d’atteindre le prochain échelon. La joie ne réside donc pas seulement dans le fait de placer la barre toujours plus haut, mais de s’efforcer d’atteindre un nouvel objectif. L’un des plus grands sentiments de la vie est l’accomplissement de quelque chose.

En juin prochain à travers l’Europe, ce sera ma dernière tournée de conférences et je commencerai par un nouveau numéro de close-up de dix-huit minutes, puis expliquerai en détail toutes les méthodes, effets et mouvements. Je pratique le français depuis un an et pourrai donc présenter l’intégralité de ma conférence dans votre langue. Nous la filmerons à Paris le 29 juin et ce document servira de notes, cours en vidéo et conclusion idéale à ce qui a commencé en 85 avec Maurice Pierre.
J’ai toujours aimé la magie française et me suis lié d’amitié avec Gaëtan Bloom, Bernard Bilis, Philippe Socrate, Arthur Tivoli…. Mon histoire avec la magie est indissociable de la France et j’attends avec impatience cette dernière tournée.

 -A part la magie, quelle forme d’art appréciez-vous ?

La musique et j’ai grandi en pratiquant la voile. Mon père, champion national, m’a inculqué une passion indéfectible et la discipline nécessaire pour toujours viser l’excellence, quels que soient les défis. Mon prochain grand projet est d’ouvrir mon propre spectacle à Las Vegas. J’ai fait un essai le mois dernier et j’ai reçu des critiques élogieuses et des ovations debout. Il m’a fallu quarante-cinq ans pour être du jour au lendemain, « sensationnel » à Las Vegas.*En vieillissant et en endossant le rôle de «grand maître», je prends pleinement conscience du travail de tous les géants qui m’ont précédé et de la responsabilité que j’ai envers eux, et envers notre art. Je sais que je ne pourrai jamais les remercier. Mais je peux transmettre. C’est un miracle que je sois encore là : il y a deux ans, j’ai eu un grave accident qui a failli me tuer. Je me suis retrouvé le corps brisé, les chevilles fracturées en fauteuil roulant. Il m’a fallu un an de pure volonté pour me battre malgré des douleurs chroniques et pour simplement remarcher. Donc, tout ce que je vis, c’est maintenant du bonus. Je sais que chaque spectacle pourrait être le dernier et qu’un jour cela le sera!

Romain Brilli

Interview réalisée le 20 mai pour ArteFake.

-A lire Magie d’un nouveau monde (éditions Georges Proust, 1988); site de Jay Scott Berry https://www.jayscottberry.com/francais.html

Tchekhov à la folie. La Demande en mariage et L’Ours d’Anton Tchekhov, traduction André Markowicz et Françoise Morvan, mise en scène Jean-Louis Benoît.

Tchekhov à la folie. La Demande en mariage et L’Ours d’Anton Tchekhov, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan, mise en scène de Jean-Louis Benoît

Ces courtes pièces sont souvent jouées ensemble et ici, dans un décor unique signé Jean Haas, à la fois cuisine de ferme avec chaises en bois et un lit clos avec, à côté, chaussures qui traînent mais aussi côté cour, un fauteuil confortable évoquant plutôt un salon.  La Demande en mariage est tirée d’une nouvelle d’Anton Tchekhov. C’est un été très chaud dans la campagne russe, peut-être du côté de Saratov, à sept cent kms au Sud-Est de Moscou où il aimait aller se reposer. Dans la cuisine d’une ferme, Natalia Stepanovna, une jeune femme encore célibataire écosse des petits pois. Arrive Lomov, un voisin proche: c’est un gros bonhomme, en costume et chapeau noir, trop endimanché en cette journée estivale. Salué respectueusement par Stepan Stepanovitch, père de cette jeune femme, il a du mal à lui avouer l’objet de sa visite: il voudrait la demander en mariage.

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Le père se réjouit que sa fille soit enfin casée. Il la fait venir et elle s’étonne de voir Lomov aussi bien habillé… Ils commencent à parler de la très forte pluie de la veille et du temps superbe aujourd’hui… Mais les choses vont vite déraper à propos d’un terrain : comme c’est encore aussi assez fréquent dans les campagnes françaises où on ne sait plus très bien,  après plusieurs générations, à qui appartient un petit bout de terrain !  Ici cela va tourner à l’aigre avec ce Pré aux vaches «qui forme une enclave entre votre bois de bouleaux et le Marais brûlé, dit Lomov… Mais Natalia lui répond : « Il est à nous, un point, c’est tout. » Bref, elle et lui en revendiquent la possession mais n’ont aucun moyen de savoir à laquelle de leur famille, il appartient…
Question d’orgueil, bien sûr, plutôt que de valeur de cette parcelle. Et les injures pleuvent, avant même que Lomov fasse sa demande en mariage : «Vous êtes un usurpateur!
Il est à nous.» Et en entendant les cris de la dispute, Stepan Stepanovitch arrive et se range, bien sûr, du côté de sa fille et le ton continue donc à monter. Natalia Stepanovna-qui a sans doute bien envie de se marier, elle a vingt-cinq ans: un âge avancé pour l’époque- se sent mal quand son père lui dit que Lomov (il en a dix ans de plus, était venu pour lui demander de l’épouser: «Qu’il revienne ! »lui dit-elle alors. Ce qu’il fera, et elle lui demandera d’excuser son père et elle, pour leur colère.
Mais arrivent sur le tapis, la qualité et le prix de leur chien de chasse : Oktataï, celui de Natalia, et Ougadaï, celui de Lomov. La dispute reprend de plus belle. « Votre cabot, on ne sait même pas d’où il sort, dit-elle. »  «Vous me prenez pour un aveugle ou pour un imbécile, répondra Lomov, un tel chien ne vaut rien pour le gibier. » Mais il en a des palpitations et finit par s’évanouir. On le croit mort mais non…
Le père, avisé, sifflera la fin de la récré et dira aux tourtereaux incorrigibles: «Embrassez-vous.» Ce qu’ils feront aussitôt mais ils se disputeront encore une fois : «Convenez-en maintenant, dit Natalia, Ougadaï ne vaut pas mon Otkataï. » «Débuts du bonheur conjugal et champagne. » répètera
Stepan Stepanovitch…
Jean-Louis Benoît a tiré ce petit bijou de théâtre vers la grosse farce avec claquement de portes, criailleries incessantes, meubles renversés, voire cassés, comme une latte de la cloison… Par ailleurs,
Emeline Bayart, bonne comédienne et chanteuse, n’a pas vraiment l’âge du rôle, comme Luc Tremblais (Lomov) et mal dirigée, elle surjoue, multiplie clins d’œil, grimaces, haussements d’épaule, bref, en fait des tonnes. Ce qui fausse les choses.
Jean-Paul Farré, lui, est sobre, et juste comme toujours… Cette fabuleuse
Demande en mariage exige un travail plus en nuances et parmi les nombreuses mises en scène que nous avons vues de cette pièce, nous nous souvenons de celle de Jacques-Albert Canque, metteur en scène bordelais de haute culture aujourd’hui, hélas disparu, à Condom (Gers) devant un public local enthousiasme, avec deux jeunes acteurs et un autres plus âgé, pour jouer le Père. Mais ici, le compte n’y est vraiment pas : une partie du public riait parfois et l’autre, non. Une mise en scène  bien peu convaincante. Dommage….

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Dans L’Ours, l’argent et l’amour sont au cœur de cette courte pièce. Cela se passe aussi dans la campagne russe, un lieutenant d’artillerie en retraite et propriétaire foncier, Grégory Stépanovitch arrive chez Eléna Popova, une jeune veuve, elle aussi propriétaire….Elle voue un immense amour à son défunt mari dont elle regarde la photo avec émotion, même si elle dit qu’il n’a pas arrêté de la tromper…
Grégory Stépanovitch lui demande de payer la dette qu’elle a envers lui. Eléna Popova refuse: elle ne peut pas le faire avant mercredi, quand son intendant sera rentré. Lui, exaspéré, veut son argent tout de suite et pas dans trois jours pour éviter d’avoir à payer des intérêts et décide alors de rester là jusqu’à obtenir satisfaction.
La veuve inconsolable demande alors de «décamper immédiatement à cet ours qui lui réplique avec grossièreté: « Je me fiche que vous soyez une femme. ». Il va même la provoquer en duel mais finit par en tomber amoureux, quand elle lui demande avec politesse mais fermement… comment tirer avec un des deux revolvers qu’elle s’est fait apporter.  C’est joué par les mêmes acteurs que ceux de
La Demande en mariage. Jean-Paul Farré est un Grégory Stépanovitch tout à fait juste,  à la fois vulgaire et attendri : «Le duel, c’est ça, l’égalité des droits. Là, les deux sexes sont égaux. Je vais tirer par principe. Mais quelle bonne femme! Je vais planter une balle dans votre tête de pioche…Parole, la première fois de ma vie que j’en vois une comme ça ! »
Luc Tremblais est le valet de cette veuve et en repasse avec soin les petites culottes noires… (Passons sur ce gag !) Et Emeline Bayart est, elle aussi, plus juste dans ce rôle comique. Et cette comme la précédente, elle va se retrouver finalement mariée avec un homme qu’elle connaissait mal et surtout qu’elle n’attendait pas. « C’est une histoire, un miroir sans reflet, un miroir sans paroles, dite par une voix sourde et familière, avec ce flegme et cette politesse désespérée qui font d’Anton Tchekhov le plus grand écrivain britannique de langue russe.» écrivait Renaud Matignon dans une préface aux pièces du grand dramaturge. C’est un peu de cette politesse désespérée, que nous aurions aimé retrouver ici.  «Un théâtre de blague, dit le metteur en scène où tout doit paraître vrai. »
Mais ce n’est pas vraiment le cas et on ressort déçu, même si la seconde pièce est mieux traitée que la première, même si le mur de la cuisine se déglingue à la fin sans raison. Décidément, Anton Tchekhov méritait beaucoup mieux que cela… Bref, on a connu Jean-Louis Benoît mieux inspiré, entre autres, quand il montait
Le Revizor de Nicolas Gogol à la Comédie-Française. A vous de décider, si cela vaut le coup d’y aller voir..


Philippe du Vignal

Jusqu’au 13 juillet, Théâtre de Poche-Montparnasse,  75 boulevard du Montparnasse, Paris (VI ème).  T. : 01 45 44 50 21.

Le texte publié aux éditions Acte-Sud.

Léocadia de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras

Léocadia de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras

Créée au théâtre de la Michodière à Paris en 40, elle fait partie des Pièces roses de cet auteur (1910-1986)  avec Humulus le Muet (1932), Le Bal des voleurs six ans plus tard et Le Rendez-vous de Senlis (1941) la seule que l’on connaisse peut-être encore…Francis Poulenc avait composé une de ses plus célèbres mélodies, Les Chemins de l’amour chanté par Yvonne Printemps qui jouait la pièce avec Pierre Fresnay, lequel avait aussi fait la mise en scène. Jean Anouilh, bien oublié aujourd’hui par les jeunes metteurs en scène, semble avoir trouvé ces dernières années une nouvelle jeunesse, notamment avec Pauvre Bitos (voir Le Théâtre du Blog). 

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C’est
l’histoire poétique d’un jeune prince follement amoureux d’une cantatrice roumaine, Léocadia Gardi qu’il a connue trois jours. Mais elle mourra étranglée par son châle (comme Isadora Duncan). Inconsolable, il vit dans son souvenir… Sa tante, la duchesse d’Andinet d’Andaine, va reconstituer les lieux où son neveu a connu le bonheur. Le maître d’hôtel et des valets devront interpréter le rôle qu’ils jouaient, pendant ces trois jours vécus par le jeune prince.
Et cela tombe bien: Amanda, une jeune ouvrière dans la mode
rue de la Paix, arrive au château de Pont-au-Bronc pour chercher du travail.

Comme c’est un sosie de la cantatrice, on va lui demander de la remplacer pour que la vie l’emporte sur le souvenir de Léocadia chez le jeune prince..
Il s’accroche  pourtant à son rêve mais quand arrive Amanda, bientôt il prendra conscience que Léocadia était un idéal mais… sans plus…Et, bien sûr, il cédera bientôt à l’appel de la vraie vie et l’amour naîtra entre Amanda et lui. Mais la pièce, quatre-vingt cinq ans après sa création, mérite-t-elle le détour?


Pas sûr, il faudrait une baquette magique pour que cette bluette arrive à renaître. « Elle est, dit David Legras, avant tout une histoire d’amour et nous parle aussi de théâtre. (…) Il est aussi amusant de noter qu’Amanda est d’abord spectatrice du monde factice dans lequel elle se trouve embarquée. Elle devient actrice quand on lui fait répéter, puis jouer le rôle de Léocadia. Enfin, comprenant qu’il lui faut raconter une autre histoire au Prince pour le délivrer de celle dans laquelle il s’était enfermé, elle se mue en metteuse en scène, lui ouvrant un chemin vers la résilience.
Pour donner l’idée de «faux » décors sur une scène mais aussi rendre compte des trois jours que le Prince revit continuellement comme un disque rayé, l’idée du manège s’est imposée comme élément central de scénographie. De ce parti pris, un narrateur est naturellement venu se greffer à l’histoire, à la fois meneur de jeu et double d’Anouilh. Léocadia interroge notre besoin fondamental de nous raconter des histoires. Et cette question en toile de fond : n’est-ce pas par le biais de ces histoires que nous inventons notre identité ? »

On retrouve ici les thèmes chers à ce dramaturge: la révolte contre les riches et et le privilège de la naissance, le refus d’un monde fondé sur l’hypocrisie, le désir d’absolu, la nostalgie d’un paradis perdu, l’impossibilité de l’amour idéal et la mort… Mais ce petit manège, avec colonnes dorées et faux lierre un peu partout, assez laid, réduit l’espace de jeu et finalement, ne sert pas à grand-chose. David Legras le fait tourner lui-même, en maître de cérémonie et commentateur (un personnage ajouté!)
Et l’interprétation?  Inégale…Valérie Français a tendance à surjouer et cette tata aristocrate  est trop envahissante. Camille Delpech  (Amanda) se sort très bien d’un rôle pas facile et est assez crédible. Emilien Raineau ( le jeune Prince), beaucoup moins, et devrait surveiller sa diction. Les petites scènes se succèdent sans beaucoup de rythme mais ce texte où plane l’ombre de Marivaux et de Luigi Pirandello, reste médiocre et on s’ennuie un peu. En tout cas, la pièce n’est pas le « conte moderne et grinçant », que veut y voir David Legras.  Des Pièces roses de Jean Anouilh, Le Rendez-vous de Senlis a plus de force et de poésie.  Quelques jeunes seulement dans la salle qui a mollement applaudi.
A l’époque, la pièce montée en 1940 par André Barsacq avait eu, comme Le Rendez-vous de Senlis, quelque 170 représentations!  Et son Antigone, copié-collé assez vulgaire de celle de Sophocle, fut un grand succès. Jean Anouilh réussit à attirer de jeunes interprètes  prestigieux comme Michel Bouquet qui deviendra son acteur-fétiche  mais aussi Jean Vilar, Suzanne Flon, Maria Casarès… et Daniel Ivernel, Bruno Cremer, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru, Louis de
Funès! Ses pièces étant le plus souvent fondées sur le jeu des comédiens, ceci explique peut-être cela.

Le Voyageur sans bagages
mise en scène de Georges Pitoëff (1884-1939)  avait été un grand succès et avait lancé la carrière de Jean Anouilh mais Louis Jouvet, lui, n’aimait guère son théâtre et l’avait dit à cet auteur qui n’avait rien de sympathique. Encore tout jeune critique, nous lui avions demandé, après quelques minutes de conversation, si nous pouvions faire une interview de lui à propos d’une de ses créations, la réponse avait été cinglante: « Monsieur, vous saurez que j’ai horreur de trois choses: l’avion, la télévision et les interviews. ».
Enfin, si vous avez envie de découvrir cette pièce mineure d’un dramaturge du siècle dernier qui attirait un nombreux public… Mais bon… encore une fois, rien à faire, cette pièce  n’est pas vraiment séduisante et ne vous attendez pas à une révélation.

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris ( VI ème). T. : 01 45 44 57 34.

Vollmond, chorégraphie de Pina Bausch par le Tanztheater Wuppertal, et sur le terrain par Boris Charmatz

Vollmond, chorégraphie de Pina Bausch par le Tanztheater Wuppertal, et sur le terrain par Boris Charmatz

L’ombre de la grande chorégraphe plane encore dans la salle de ce théâtre historique. Elle s’est brutalement envolée en juin 2009, laissant orphelins ses danseurs. Nous retrouvons ici Julie-Anne Stanzack, Ditta-Miranda Jasjfi et Azusa Seyama. Ce spectacle créé en 2006, avait déjà été repris en 2009 au Théâtre de la Ville pour un hommage à Pina Bausch.

© Martin Argyroglo

© Martin Argyroglo

La fusion entre théâtre, musique et danse, est emblématique des créations de Pina Bausch, grâce, entre autres, à la merveilleuse esthétique de ses scénographes. Ici, avec Peter Pabst,  les danseurs affrontent des trombes d’eau. Nous avions gardé un magnifique souvenir de cette pièce à sa création, avec des musiques envoûtantes (qu’on peut écouter sur un CD) regroupant Amon Tobin, Alexander Balanescu avec le Balanescu Quartett, Cat Power, Carl Craig, Jun Miyake, Leftfield, Magyar Posse, Nenad Jeliìc, René Aubry, Tom Waits.
Les musiques et photos de l’époque entretiennent la nostalgie d’un spectacle qui n’avais pas été repris à Paris. Heureusement remonté, grâce au travail de Boris Charmatz et au regard des anciens danseurs-dont certains présents dans la salle. Afficionados de la chorégraphe, comme nouveaux et jeunes spectateurs, ont très vite répondu et cette pièce a affiché  complet, depuis l’ouverture des ventes, comme du vivant de Pina Bausch. Vollmond est une véritable performance physique pour les douze interprètes bravant la pluie, jetant des seaux d’eau, faisant des mouvements de brasse dans l’eau stagnante ou escaladant un volumineux rocher. «Je crois, dit une danseuse, que la nuit va être orageuse ! »

© Martin Argyroglo

© Martin Argyroglo


Comme souvent dans Vollmond, les liens entre hommes et femmes sont chaotiques mais empreints de tendresse et d’humour… Montrant une chaise au milieu du plateau, «Les fantômes doivent pouvoir s’assoir, dit une interprète, c’est la pleine lune.» La magie opère et le plaisir qu’offrait déjà cette pièce, est resté intact comme à sa création. Le Tanztheater Wuppertal a réussi son pari et la salle a longuement acclamé debout cette belle compagnie. A nouveau, il y a un printemps très ensoleillé dans ce grand thâtre…

Jean Couturier

Le spectacle a été joué du 9 au 23 mai, au Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, Paris (IV ème). T. : 01 42 74 22 77.

C’est un problème qui me hante, l’évaluation…

C’est un problème qui me hante, l’évaluation…

Le t’as aimé. T’as pas aimé?  As-tu décroché le TTTT  de Télérama ? Léa Salamé dans son émission  à la télévision Quelle époque! le samedi, invite les seul artistes qui “cartonnent”. Bizarre, cette expression! Cartonner, c’est faire une cible à la carabine à la fête foraine. Cela m’énerve. Au Théâtre de l’Unité, nous avons toujours aimé la troisième mi-temps où on retient le public avec des boissons ou une soupe pour parler du spectacle. Mais ce n’est pas toujours agréable,quand vous venez de faire une création…  Je servais la soupe après Oncle Vania et je récoltais des compliments…sur la soupe!

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Au Centre d’Art et de Plaisanterie, nous avions institué un «placotage » obligatoire. Ainsi donc, autour d’un verre de Crémant offert, le public discutait avec l’artiste. Ce soir-là, notre invité était Jérôme Savary, (mort en 2013, à soixante-et onze ans). Première réaction d’une  spectatrice : « Je me faisais une joie de voir le Magic Circus, une vraie légende dans le théâtre et j’ai vu le grand Tragic Circus.
Jérôme ne s’est pas démonté : « Des attaques, j’en ai toujours subies et voyez-vous, cela ne me touche guère.  Mais, à peine le débat terminé, il m’agresse : «Livchine, c’est un guet-apens votre machin, j’apprends que la spectatrice était une pro et qu’un journaliste de L’Est Républicain était présent, je te trouve malhonnête» Histoire de dire à quel point, le sujet est sensible…

En principe, une grande hypocrisie est de mise. Quand on n’a pas aimé, on utilise de nombreux subterfuges, du style : «Il y a de bons moments mais des petites longueurs. » Alors qu’on a dormi tout le long… Quant à moi j’aime aller vérifier quelque TTTT de Télérama ou un emballement de Fabienne Darge, une critique du Monde, avec laquelle je suis rarement d’accord. Il y a l’anecdote de critiques sérieux qui sortent d’un spectacle, et l’un dit à l’autre : « Il n’y a que le public qui a aimé.» On le sait : le goût de la critique est souvent opposé à celui du public. Comment harmoniser toutes ces contradictions ?

 

©x Jacques Livchine, Hervée de Lafond  et Claude Acquart

©x Jacques Livchine, Hervée de Lafond et Claude Acquart

Au Théâtre de l’Unité, alors que nous avions du succès, nos spectacles étaient rarement invités dans les théâtres et festivals. Notre président de l’époque Gérard Dentaux, bien introduit dans le théâtre public-il était administrateur de la maison de la Culture de la Rochelle-nous avait réunis. « Mes amis voilà, ce que l’on pense de vous chez les professionnels : de bonnes idées mais des réalisations confuses ! » Cela nous a fait mal mais nous avons aussitôt réagi et avons décidé de soigner la forme. Et nous avons sorti un bijou en 88 (scénographie et costumes de Claude Acquart), Mozart au chocolat. Moralité : ne pas en rester à l’avis des copains et chercher sans cesse l’avis des professionnels.

Depuis quelques années nous mettons un outil à destination des compagnies: la Maison Unité, avec hébergement, déjeuner, studio des Trois Oranges et éventuellement, crash-test final. Forts de nos cinquante-cinq ans de théâtre, nous donnons avis et conseils. Maintenant, Hervée de Lafond et moi, nous voilà de l’autre côté de la barrière et distribuons les bons et mauvais points. Nous disons ce que nous pensons, plus ou moins frontalement. Quand nous ne sommes pas convaincus, nous disons aussi pourquoi avec une certaine sévérité mais cherchons des solutions. Quelque quarante-six compagnies passent chaque année par la Maison Unité….

Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond du Théâtre de l’Unité, Audincourt ( Doubs).

Festival à Vif édition 2025

 Festival à Vif édition 2025

 

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Au Préau-Centre dramatique de Normandie-Vire, seizième édition de cet événement artistique consacré à la jeunesse! Initialement Festival Ados conçu par Pauline Sales et Vincent Garanger, il devint Festival à Vif avec Lucie Berelowitsch, directrice du lieu depuis 2019.  Surprenant est le mot qui convient à ce festival qui a sur neuf jours programmé des concerts et cinq spectacles, débats et animations.

Ces manifestations théâtrales, musicales et chorégraphiques résultent d’une année de travail avec les Dakh Daughters, artistes associés au Centre Dramatique National, es actrices et des acteurs professionnels, et des amateurs mais aussi avec le Conservatoire de musique et danse, les lycées Marie Curie et Jean Mermoz de Vire et l’école de musique de Noues-de-Sienne (Calvados).
Une nouveauté: la rencontre réfléchie et originale entre adultes et adolescents, donc sur plusieurs générations, où l’échange fait prendre conscience de l’importance des arts de la scène pour mieux vivre ensemble et comprendre notre époque à travers ses bouleversements écologiques, sociaux et technologiques. Sur le parvis du Théâtre, avant l’ouverture de cette manifestation culturelle très attendue, le public est joyeusement accueilli par un jeune groupe de rock et la lecture par les ambassadrices du festival et de la jeunesse, de textes, témoignages, réflexions poétiques et intellectuelles, ou plus fantaisistes, sur la beauté et l’importance de l’art théâtral dans leur vie…

 La Chanson de la forêt, est première pièce de cette passionnante aventure. Ce conte (1911) de Lessia Oukraïnka née en Ukraine (1871-1913), lui a été inspiré par la mythologie folklorique où cohabitent créatures féériques et humaines. Lucas, un jeune joueur de flûte, rencontre Dryade, divinité protectrice de la forêt. Une étoile tombe alors dans son cœur… À travers cette histoire d’amour, sont questionnées avec poésie et romantisme, l’acceptation de la différence, la complexité des relations et du rapport de l’homme à la Nature et les croyances. Un grand spectacle féérique et musical, participatif, avec plus de soixante-dix interprètes de tout âge, amateurs et professionnels qui répond avec intelligence et générosité, à la préoccupation de la metteuse en scène et directrice du lieu, d’impliquer la population dans une création artistique.

©© Samuel Kirszenbaum

© Samuel Kirszenbaum

Dans le même souci de mixité culturelle, Lucie Berelowitsch, pour la conception de La Chanson de la forêt, a fait appel aux Dakh Daughters. Ces musiciennes et chanteuses ukrainiennes hors-pair ont fui la guerre et trouvé refuge en Normandie et un accueil à Vire.  Depuis 2022, grâce à leur rencontre avec la metteuse en scène et directrice du théâtre, elles ont participé à plusieurs de ses créations et travaillent en paix. Ce n’est pas la moindre des choses quand on sait à quel point l’art, les formes folkloriques et les traditions populaires sont profondément inscrits dans la conscience collective de leur pays.
La mise en scène de ce récit enchanté offre une belle place à la musique et au chant,  superbes ! L’histoire est aussi un hymne à la liberté et au dionysiaque ! Nous aurions souhaité un souffle dramatique plus contemporain, notamment pour la scénographie, tout en gardant le côté folklorique ici présent. Mais le spectacle a été reçu avec enthousiasme par un public impatient de suivre l’ensemble du festival.

Le lendemain, autre lieu et autre époque : au lycée Jean Mermoz, est présentée une étape de création de Ma solitude me tue, (My Loneliness is killing me) par la compagnie Diplex, associée depuis 2013 à la Comédie de Caen-Centre Dramatique National. La création définitive aura lieu l’an prochain, à la Renaissance à Mondeville (Calvados) et au Théâtre Charles Dullin au Grand-Quevilly (Seine-Maritime).
Cette compagnie s’est lancée dans une pièce documentaire à la fois bigarrée et rythmée sur la vie de la star Britney Spears mais en dépassant le genre biopic et en évoquant le statut de la femme d’aujourd’hui, comme artiste et/ou citoyenne revendiquant les mêmes droits et libertés que les hommes.
La question du tragique contemporain sont ici mis en scène sans manichéisme et avec beaucoup d’esprit. Ce travail collectif sur le portrait de cette artiste mondialement célèbre, a été fait à partir d’une recherche exigeante sur des témoignages, interviews, reportages… C’est aussi la force du spectacle : ont été jointes les expériences personnelles des interprètes. Cet apport offre une dimension universelle et contemporaine à ce récit et à ces thématiques, en partant d’un cas particulier, celui de la chanteuse…

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Autre point important au regard de la volonté esthétique et sociale de Festival à Vif, la compagnie Diplex a eu la précieuse idée pédagogique et artistique de proposer à des adolescents du bocage virois, d’intervenir comme acteurs, danseurs ou chanteurs dans cette première phase de création.Tous formidables, ils donnent une théâtralité vibrante et une émotion au spectacle sur la vie tourmentée et tragique de la célèbre actrice. Flavien Beaudron et Stéphen Bouteiller, acteur prometteur comme Céline Ohrel, disent avec sensibilité le terrible destin de cette star américaine . Les autres spectacles : I’M Deranged, de Mina Kavani, L’Arbre à sang d’Angus Cerini, mise en scène de Tommy Milliot et Les Histrioniques, une création collective de Louise Brzezowska-Dudek, Nadège Cathelineau, Marie Coquille-Chambel, Séphora Haymann et Julie Ménard, unies par leur engagement commun au sein du collectif #MeeTooThéâtre, ont mis en lumière, un univers contemporain aux multiples facettes et une parole socio-politique et intime, conçus par la jeunesse actuelle d’une riche diversité.

Dans ce panorama théâtral consacré à l’actualité et au présent du monde, les jeunes ont fait avec succès un travail de transmission artistique et d’échanges entre les différentes populations, en offrant un beau moment festif de découvertes poétiques. Un bal, le 20 mai, a joyeusement clôturé  la seizième édition du Festival à Vif.
Après avoir dirigé sept ans le Préau-Centre Dramatique National de Vire, Lucie Berelowitsch, qui est aussi metteuse en scène, a choisi de partir pour diriger sa compagnie….

Elisabeth Naud

Festival à Vif a eu lieu du 13 au 21 mai, au Préau-Centre Dramatique National de Normandie-Vire, 1 place Castel, Vire (Calvados). T : 02 31 66 16 00.

 

 

 

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