La Guerre de l’eau, texte de Rémi De Vos, mise en scène d’Arthur Radiguet

La Guerre de l’eau, texte de Rémi De Vos, mise en scène d’Arthur Radiguet

L’argument: de jeunes acteurs veulent essayer de sauver le monde en montant une pièce de théâtre en moins de vingt-quatre heures. « Ce projet artistique est leur réponse à une problématique globale et locale à la fois qu’ils souhaitent aborder par le biais de l’art pour transformer les spectateurs en « spect-acteurs ». Sur un mode comique, La Guerre de l’Eau propose une réflexion sur les enjeux cruciaux de notre époque (écologie, féminisme, racisme…) en interrogeant notre manque de vision vis-à-vis de l’avenir. »

« Arthur, dit Rémi de Vos, je le connais depuis des années. Je donne parfois des cours de théâtre et il a été mon élève. Il arrivait de Nouvelle-Calédonie. Je ne me souviens pas l’avoir vu monter sur la scène. Il regardait, c’est tout. Il était plutôt du genre calme et tranquille.(…) Quelques années plus tard, il m’a téléphoné pour m’interviewer à propos d’un livre qu’il écrivait. Il venait de terminer un tour du monde ou il avait interviewé des comédiens, des auteurs et des metteurs en scènes. Il donnait des cours de théâtre et avait commencé à mettre en scène. Quand il m’a proposé de travailler sur le projet qu’il avait en tête, j’ai répondu: oui. À partir de son idée, nous avons mis au point une trame assez précise de ce qui devait se passer dans la pièce. Nous avons inventé l’histoire et les personnages. Arthur a trouvé les comédiens et nous avons commencé à travailler les situations par improvisations. Après quelques semaines, j’ai écrit le texte et la pièce a vu le jour. « 

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Arthur Radiguet semble découvrir le « théâtre dans le théâtre » comme lieu de quiproquos, voire d’engueulades  sinon il n’y aurait pas de spectacle et il a clairement l’intention de faire entrer quelques spectateurs dans l’action, en  leur confiant de petites figurations. Et de nombreuses  chaussettes en boule nous attendent sous les sièges. Vous aurez sûrement deviné la fin assez potache…
Rien sur le plateau qu’une chaise et un escabeau en métal. Il y a une belle énergie  chez ces jeunes acteurs qui ont un réel sens du comique mais de là à « susciter chez le public une réflexion sur la nature humaine, sur nos aspirations et nos limites. » il y un fossé. Et Arthur Radiguet laisse trop crier ses acteurs, ce qui devient vite insupportable.
On a connu Rémi De Vos, auteur bien connu et très joué (voir Le Théâtre du Blog), mieux inspiré et l’écriture de plateau (l’expression fait plus mode qu’ improvisations) a encore frappé… Et oui, il y a quelques jets de fumigène, les Dieux savent pourquoiBref, il n’y a pas le compte et cette heure et demi est bien longuette. Refrain connu : ce qui aurait pu être un sketch assez drôle, ici, ne tient pas la distance… Il faudra revoir ces deux actrices et ces deux acteurs dans un projet plus solide.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 mai, Théâtre de Belleville, passage Piver, Paris (XX ème).  T. : 01 48 06 72 34 16.

 


Archive pour 8 mai, 2025

Léviathan conception et mise en scène de Lorraine de Sagazan, texte inspiré de faits réels de Guillaume Poix

Léviathan, conception et mise en scène de Lorraine de Sagazan, texte inspiré de faits réels de Guillaume Poix

Léviathan, troisième volet d’un cycle conçu par Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix à partir de questionnements soulevés au cours d’une série de trois cents entretiens. Après La Vie invisible et Un Sacre ( voir Le Théâtre du Blog) Léviathan est fondé sur une mise en cause du fonctionnement judiciaire avec ce qu’on nomme la comparution immédiate. «Comment, dit la metteuse en scène, la notion de réparation résonne-t-elle dans vos vies ? Les gens nous ont majoritairement parlé de deux sujets : l’absence de prise en charge de la mort dans un pays comme la France, et la difficulté de l’institution judiciaire à générer un sentiment de justice. Loin de toute démarche documentaire, thérapeutique ou évangélique. (…) Il ne s’agissait plus de représenter le réel mais de créer du réel. De penser le théâtre comme un contre-espace-une hétérotopie, comme l’a conceptualisé Michel Foucault dans les années 1970 et l’œuvre comme un acte qui a la force originelle de l’action.
Je suis entrée en immersion dans les tribunaux français. Cette longue expérience a pris la forme d’une investigation critique sur nos manières de considérer l’organisation et l’application du droit moderne, interrogeant nos pulsions de jugement et de répression, et confrontant notre idéal de justice aux béances du système pénal contemporain..(…) Léviathan s’intéresse, à l’intérieur du système pénal, à l’une de ses composantes les plus choquantes : la comparution immédiate. «Il n’y a pas de justice dans un tribunal de comparution immédiate. » C’est la phrase que j’ai la plus entendue de la part des avocats que j’ai côtoyés pendant plusieurs mois. »

Cette procédure simplifiée est faite uniquement pour certains délits punis de prison et pour juger l’auteur présumé d’une infraction, à la sortie d’une garde à vue. Mais celui-ci peut aussi obtenir un délai pour préparer sa défense. L’audition dure une vingtaine de minutes (récemment à Marseille six minutes!) et souvent les auditions se prolongent  tard dans la nuit. La peine de prison doit être inférieure à deux ans.
En Norvège, c’est juste une privation de liberté mais les détenus peuvent voter, avoir accès à l’école, aux soins de santé et ont les mêmes droits que tout citoyen. Ils  travaillent et ne sont pas enfermés avant vingt heure trente… La prison exemplaire de Halden a été conçue pour minimiser le sentiment d’incarcération, en harmonie avec la nature environnante. Chaque détenu a sa cellule avec toilettes, douche, réfrigérateur, bureau, écran plat et vue sur la forêt. Inutile de dire qu’en France, on est loin de ce modèle connu dans toute l’Europe…avec un politique ultra-sécuritaire: les prévenus souvent s.d.f. et qui n’ont aucune famille proche sont jugés en comparution immédiate pour délits mineurs ou pas vraiment tout à fait.
Mais le commerçant qui se fait voler vêtements ou biens alimentaires, la vieille dame fragile à qui des jeunes gens piquent la carte bancaire avec le code pour se payer un bon restaurant et d’autres achats, doivent aussi être protégés. Mais au lieu d’une répression, école de la récidive  la France, très en retard pour lutter contre la petite délinquance, n’a jamais imaginé un véritable système de réinsertion efficace.
Ce que la Norvège a réussi, la France veut-elle se donner les moyens de le faire? Comparaison n’est pas raison mais les chiffres parlent : il y a là-bas 4.000 détenus pour cinq millions deux cent mille habitants, soit 0,01 % avec un taux de récidive de 20 %. En France pour quelque 69 millions d’habitants, 82. 000 prisonniers, soit environ 0,12 % dont quelque 20.000 en détention provisoire! pour quelque 62. 000 places. Et en un an, le nombre de détenus a augmenté de 7 % ! Taux de récidive : 38% !
Le mal perdure, avec, comme le souligne le dernier numéro de Politis: «surpopulation chronique, retour des peines courtes fermes, suppression de droits civiques, attaques contre les activités de réinsertion et criminalisation des plus précaires. (…) La surpopulation relève d’un choix politique. Selon Jean-Claude Mas, directeur de l’Observatoire International des Prisons. « La surpopulation relève d’un choix politique, la source principale en reste la sur-incarcération. (…) On estime ne pas avoir assez puni tant qu’il n’y a pas eu incarcération, sans se demander si cette peine est proportionnée, ni quel impact elle a sur les personnes détenues et leurs proches .»
Ce que dénonce aussi ce spectacle: en France, l’intendance des prisons est gérée par de grands groupes privés et dit Lorraine de Sagazan «à l’origine du droit pénal, on trouve la croyance selon laquelle il serait possible de trouver une équivalence entre dommages et douleur. En administrant une douleur à un tiers, on cherche un substitut au passé en infligeant une souffrance au présent. Il existe une économie de la cruauté et de la souffrance dans nos sociétés, qui fonctionne par confort et habitude. »

Comment représenter toute cette violence des comparutions immédiates sur un plateau? En 81, le grand Jean-Pierre Vincent avait mis en scène Palais de Justice avec une grande sobriété et un certain réalisme, la  journée ordinaire d’un  de justice où sont jugés les auteurs de petits délits. Un spectacle fondé sur une observation de la compagnie sur le terrain et essentiellement sur le jeu des acteurs dont Evelyne Didi, impressionnante en Procureure de la République.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Lorraine de Sagazan a, elle, privilégié une autre approche en essayant de trouver, dit-elle, «un équivalent du réel qui puisse concerner les spectateurs.» Avec la comparution immédiate de trois prévenus: un jeune homme assez paumé jugé pour conduite sans casque et sans permis d’une moto, un SDF récidiviste qui profère des menaces contre un agent de l’autorité publique, puis une jeune mère de famille qui a volé des vêtements d’enfant seront condamnés en quelque vingt minutes à plusieurs mois de prison ferme. La première audition est sans doute la plus juste mais ensuite la mise en scène est très chargée sur le plan sonore avec des ronflements de basse électroniques, images vidéo inutiles et couches de fumigènes sur sol de tourbe marron: des stéréotypes scéniques actuels que la metteuse en scène aurait pu nous épargner…
Mais ce travail est  remarquable de précision, bien rodé et joué à la perfection. Loin de tout réalisme mais mais sans trop de nuances plus proche d’une certaine distanciation brechtienne: parlé-chanté de la Présidente, magistrats et avocats avec un masque lisse en résine assez étrange et prévenus juste un avec un tissu élastique blanc translucide couvrant leur visage. Les uns et les autres jouant parfois depuis la salle.
La scénographie en tissu orange pâle d’Anouk Maugein, évoque un chapiteau de cirque avec une vingtaine de chaises en bois dépareillées; le dôme, par moments, se soulève comme une respiration. Arrive aussi vers la fin un beau cheval gris-une image visiblement provocante et de toute beauté! Il semble faire ce qu’il veut mais sans doute dressé à cet effet, il va chaque soir manger les pages du code pénal sur le bureau de la Présidente du tribunal et ressortir ensuite aussi calmement… Etonnant !
Bref, une démarche proche d’une performance où sont privilégiées l’action et l’image, comme celles de vidéos en fond de scène avec le visage en gros plan des personnages dialoguant, ou vivant dans un autre contexte comme sur une balançoire de jardin public, ou un visage de Christ issu d’une peinture de la Renaissance. Ou encore une pendule marquant le temps sur écran en minutes et secondes dans la pénombre et le silence le plus total, avant l’extrême fin du spectacle. là aussi on est plus près des arts plastiques que du théâtre-théâtre mais pourquoi pas? Et pour accentuer la réalité de ce tribunal, Khallaf Baraho, un ancien détenu abonné à ces comparutions immédiates amateur-le seul qui ne soit pas masqué-témoigne de leur violence mais dit un texte trop écrit et assez pléonastique de ce qui se passe sur la scène.
Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, ancienne chroniqueuse du Canard enchaîné a signalé récemment à France Inter, le manque de courage des femmes et hommes politiques face à la surpopulation carcérale, suite en partie à ces comparutions immédiates si souvent dénoncées… Ce que semblent aussi dire Maxime Poix et Lorraine de Sagazan mais mezzo voce, comme s’ils n’avaient quand même pas voulu aller trop loin dans la dénonciation de cette justice expéditive. Et c’est dommage.
Encore une fois, c’est un spectacle bien fait, un peu long qui a été salué par le public, même s’il semblait partagé. Au moins, Léviathan joué dans un théâtre national, a le grand mérite de rafraîchir la mémoire des Français sur ce scandale dans la patrie des Droits de l’homme. Au même moment et à quelques dizaines de mètres, dans le nouveau Palais de Justice, a sans doute lieu une autre pièce, celle des véritables comparutions immédiates dont nous vous parlerons…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 23 mai, Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris ( XVII ème) relâches exceptionnelle, les dimanches 11 et 18 mai; représentations surtitrées en anglais les vendredis 9, 16 et 23 mai. T. : 01 44 85 40 40.

Couples, etc. texte et mise en scène de Susana Lastreto Prieto

Couples, etc. texte et mise en scène de Susana Lastreto Prieto

 Rien de nouveau : on sait bien que le quotidien tue l’amour, comme mal fermer le tube de dentifrice, faire du bruit en avalant son café au lait, ne pas répondre à une question de son conjoint ou pire à côté, tout cela peut détruire la plus belle histoire d’amour. Et pourtant le couple dure, comme dans la chanson des Vieux amants de Jacques Brel ou La Femme cachée,des nouvelles de Colette.  Le couple, ce troisième personnage qui n’est pas l’addition d’Elle et Lui, traverse le temps, à moins qu’il ne craque sur le tard, à la surprise générale.

L’autrice et metteuse en scène a choisi une configuration à cinq: un couple, une adolescente qui les observe sans savoir grand-chose quant à ses propres désirs et cherchant à tout hasard du côté du poly-amour et autres tentations, dont celle exercée par l’Ami (Tibor Radvanyi). Cet homme plus âgé  n’est pas attiré par les jeunes filles et pleure son amour mort durant les années sida. Avec eux, veillant sur tous et dépositaire de leurs secrets, la Vieille dame des plis (Susana Lastreto Prieto).

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La mise en scène, minimale par nécessité et par défi relevé avec panache, est fondée sur l’infatigable et savoureux duo Nathalie Jeannet et François Frappier, un couple aussi ferme qu’élastique, et sur la fraîcheur de Marieva Jaime-Cortez.
La trouvaille: les costumes, tous blancs… Elle gardant au fil du temps sa robe de mariée -eh ! oui, le plus beau jour de la vie, dure toute la vie…Et Lui, en complet dont on tombe la veste dans la vie courante.
L’adolescente, en éternel pyjama, proclame à sa façon qu’elle renâcle à entrer dans la vraie vie, et la robe à plis d’ange gardien pour la vieille dame qui semble récupérer les plumes perdues par les autres. Des anges, vous dis-je, mais très humaines et humains.

La ou le critique, toujours gourmand et en appétit, aurait aimé un peu plus de ceci ou de cela. Mais la compagnie GRRR n’est plus une jeune troupe émergente et n’a pas droit aux aides qui lui donneraient le juste temps de son travail. Et le théâtre de l’Epée de bois ne pourrait les lui offrir. Déjà bien beau: il héberge les compagnies (à quel prix ?) dans ses trois belles salles (ici, au premier étage, le Studio avec ses boiseries, elles-mêmes de précieux décors. «Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.» disait Don Fernand à Don Rodrigue dans Le Cid de Corneille: aux mains de cette équipe-là, le spectacle se musclera et prendra du mordant au fil des représentations.

Christine Friedel

Jusqu’au 25 mai, Théâtre de l’Epée de bois, Cartoucherie de Vincennes, route du champ de manœuvre. Métro : Château de Vincennes+ navette gratuite.) T. : 01 48 08 39 74

 

 

 

 

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