L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau en collaboration avec Maurice Desvallières, mise en scène de Stanislas Nordey

L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau, en collaboration avec Maurice Desvallières, mise en scène de Stanislas Nordey

Créée à Paris en 1894 au Théâtre des Nouveautés, ce vaudeville connait un succès considérable et est l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteur. Et souvent mise en scène, entre autres, à la Comédie Française par Isabelle Nanty, ou adaptée pour la télévision.
Pinglet, entrepreneur en bâtiment, marié à une femme peu séduisante, est amoureux de l’épouse de son ami et associé, l’architecte Paillardin. Celui-ci devant s’absenter, elle accepte un rendez-vous secret avec Pinglet dans un hôtel minable: « Sécurité et discrétion ! Hôtel du Libre-échange, 220 rue de Provence! Recommandé aux gens mariés… Ensemble ou séparément! » dit un curieux prospectus. Mais personne ne sait que Paillardin se trouve aussi dans cet hôtel de passe où ont aussi rendez-vous la domestique de Pinglet et le neveu de Paillardin. Et encore Mathieu, un ami de province venu à Paris avec ses quatre filles qui vont aussi atterrir dans ce fameux hôtel. D’où mensonges et quiproquos en série…

Stanislas Nordey avait déjà remarquablement mis en scène La Puce à l’oreille en 2002 et revient à Georges Feydeau avec des acteurs confirmés: Claude Duparfait (Paillardin), Marie Cariès (Marcelle) Cyril Bothorel (Pinglet) et Hélène Alexandridis (l’épouse  de Pinglet). Stanislas Nordey nous avait dit il y a quelques mois son envie de monter cette pièce en lui redonnant une certaine fraîcheur, mais sans suivre les didascalies de cette pièce-culte.

©Jean-Louis Fernandez

©Jean-Louis Fernandez

Emmanuel Clolus a imaginé pour cet atelier d’architecte,  de hauts murs avec juste une fenêtre haute et trois portes, couverts de phrases en gris caractères et issues des didascalies initiales répétées (ce qui bouffe le jeu des acteurs) : » Deuxième plan, en pan coupé, grande table-bureau porte ouvrant sur l’antichambre,  baie vitrée. À gauche, deuxième plan, autre porte en pan coupé. Un fauteuil et trois chaises, etc.
L’hôtel minable est représenté par une grand couloir central avec deux chambres en longueur… pas très commodes pour le jeu. Et il y a, par deux fois, un grand châssis avec une  tête d’autruche grand format: en deux parties, il s’ouvre,  à la fin, pour laisser passer les personnages. Comprenne qui pourra.  Et on a vu ce scénographe mieux inspiré.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez


Raoul Fernandez a, lui,  conçu des costumes à la fois actuels mais aussi début vingtième siècle pour les agents de police,  et des jupettes blanches en tulle moussant identiques pour les femmes et les hommes séjournant provisoirement dans cet Hôtel du Libre-Echange. Là aussi, sans doute à la demande Stanislas Nordey mais bon?
Le spectacle est mis en scène avec une grande précision avec quatorze interprètes, mais  sur ce vaste plateau, ils semblent un peu perdus. Alors que le théâtre de Georges Feydeau exige une espèce de huis-clos où sont enfermés ces hommes et ses femmes, pas plus bêtes que d’autres, mais pris au piège de leurs envies. Nous n’avons pas bien saisi les intentions du metteur en scène qui fait basculer la pièce vers un no mans’ land surréaliste où le comique n’est pas au rendez-vous.
« Il a su, dit Stanislas Nordey, peut-être le mieux au cours du siècle précédent, explorer la vie du cauchemar éveillé, de la fantaisie inquiétante, sans limites de vraisemblance. J’aime beaucoup le rythme de sa langue écrite avec une précision fascinante. Ce sont le démontage et l’assemblage de ces mécanismes qui m’intéressent. »  Oui, mais ici on n’en retrouve guère la trace.


© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

La faute aussi à une direction d’acteurs approximative. Pourquoi faire toujours crier la petite bonne, et trop souvent les protagonistes? Pourquoi faire du patron de l’hôtel, une espèce de grande folle mais sans vraiment aller jusqu’au bout dans le délire? Et Stanislas Nordey aurait dû faire mieux entendre le texte, souvent boulé par les acteurs: le public au balcon, tendait l’oreille, ce qui n’est pas normal. D’autant que les éclairages pas très réussis   étaient parcimonieux et empêchaient de bien voir les visages des acteurs.
Le spectacle (trois heures, entracte compris, ce qui est trop long) fonctionne au ralenti, et sans le rythme et l’énergie nécessaires à ce vaudeville. Stanislas Nordey aurait dû accélérer la fin: pas la meilleure de l’auteur qui ne sait pas trop comment conclure… Le public rit parfois mais il y a eu de nombreuses désertions après l’entracte et les applaudissements n’ont guère été chaleureux. « Les pièces de Feydeau, écrivait Marcel Achard (1899-1874) , un auteur bien oublié aujourd’hui mais lucide, ont la progression, la force et la violence des tragédies. Elles en ont l’inéluctable fatalité. »
C’est aussi cela qui manque cruellement ici. Et, à relire la pièce, on ne sent pas non plus le rapport obsessionnel aux objets qui caractérise ces personnages. Tout se passe comme si Stanislas Nordey avait voulu tirer le texte vers une imagerie, sans avoir la maîtrise du temps et de l’espace indispensables quand on met en scène une pièce de Georges Feydeau. Bref, malgré de bonnes intentions, l’ensemble ne fonctionne pas comme dans La Puce à l’oreille recréée avec simplicité et qui était un régal.  Dommage.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 13 juin, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème).
T. :  01 44 85 40 40.


Archive pour 10 mai, 2025

L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau en collaboration avec Maurice Desvallières, mise en scène de Stanislas Nordey

L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau, en collaboration avec Maurice Desvallières, mise en scène de Stanislas Nordey

Créée à Paris en 1894 au Théâtre des Nouveautés, ce vaudeville connait un succès considérable et est l’une des œuvres les plus célèbres de l’auteur. Et souvent mise en scène, entre autres, à la Comédie Française par Isabelle Nanty, ou adaptée pour la télévision.
Pinglet, entrepreneur en bâtiment, marié à une femme peu séduisante, est amoureux de l’épouse de son ami et associé, l’architecte Paillardin. Celui-ci devant s’absenter, elle accepte un rendez-vous secret avec Pinglet dans un hôtel minable: « Sécurité et discrétion ! Hôtel du Libre-échange, 220 rue de Provence! Recommandé aux gens mariés… Ensemble ou séparément! » dit un curieux prospectus. Mais personne ne sait que Paillardin se trouve aussi dans cet hôtel de passe où ont aussi rendez-vous la domestique de Pinglet et le neveu de Paillardin. Et encore Mathieu, un ami de province venu à Paris avec ses quatre filles qui vont aussi atterrir dans ce fameux hôtel. D’où mensonges et quiproquos en série…

Stanislas Nordey avait déjà remarquablement mis en scène La Puce à l’oreille en 2002 et revient à Georges Feydeau avec des acteurs confirmés: Claude Duparfait (Paillardin), Marie Cariès (Marcelle) Cyril Bothorel (Pinglet) et Hélène Alexandridis (l’épouse  de Pinglet). Stanislas Nordey nous avait dit il y a quelques mois son envie de monter cette pièce en lui redonnant une certaine fraîcheur, mais sans suivre les didascalies de cette pièce-culte.

©Jean-Louis Fernandez

©Jean-Louis Fernandez

Emmanuel Clolus a imaginé pour cet atelier d’architecte,  de hauts murs avec juste une fenêtre haute et trois portes, couverts de phrases en gris caractères et issues des didascalies initiales répétées (ce qui bouffe le jeu des acteurs) : » Deuxième plan, en pan coupé, grande table-bureau porte ouvrant sur l’antichambre,  baie vitrée. À gauche, deuxième plan, autre porte en pan coupé. Un fauteuil et trois chaises, etc.
L’hôtel minable est représenté par une grand couloir central avec deux chambres en longueur… pas très commodes pour le jeu. Et il y a, par deux fois, un grand châssis avec une  tête d’autruche grand format: en deux parties, il s’ouvre,  à la fin, pour laisser passer les personnages. Comprenne qui pourra.  Et on a vu ce scénographe mieux inspiré.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez


Raoul Fernandez a, lui,  conçu des costumes à la fois actuels mais aussi début vingtième siècle pour les agents de police,  et des jupettes blanches en tulle moussant identiques pour les femmes et les hommes séjournant provisoirement dans cet Hôtel du Libre-Echange. Là aussi, sans doute à la demande Stanislas Nordey mais bon?
Le spectacle est mis en scène avec une grande précision avec quatorze interprètes, mais  sur ce vaste plateau, ils semblent un peu perdus. Alors que le théâtre de Georges Feydeau exige une espèce de huis-clos où sont enfermés ces hommes et ses femmes, pas plus bêtes que d’autres, mais pris au piège de leurs envies. Nous n’avons pas bien saisi les intentions du metteur en scène qui fait basculer la pièce vers un no mans’ land surréaliste où le comique n’est pas au rendez-vous.
« Il a su, dit Stanislas Nordey, peut-être le mieux au cours du siècle précédent, explorer la vie du cauchemar éveillé, de la fantaisie inquiétante, sans limites de vraisemblance. J’aime beaucoup le rythme de sa langue écrite avec une précision fascinante. Ce sont le démontage et l’assemblage de ces mécanismes qui m’intéressent. »  Oui, mais ici on n’en retrouve guère la trace.


© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

La faute aussi à une direction d’acteurs approximative. Pourquoi faire toujours crier la petite bonne, et trop souvent les protagonistes? Pourquoi faire du patron de l’hôtel, une espèce de grande folle mais sans vraiment aller jusqu’au bout dans le délire? Et Stanislas Nordey aurait dû faire mieux entendre le texte, souvent boulé par les acteurs: le public au balcon, tendait l’oreille, ce qui n’est pas normal. D’autant que les éclairages pas très réussis   étaient parcimonieux et empêchaient de bien voir les visages des acteurs.
Le spectacle (trois heures, entracte compris, ce qui est trop long) fonctionne au ralenti, et sans le rythme et l’énergie nécessaires à ce vaudeville. Stanislas Nordey aurait dû accélérer la fin: pas la meilleure de l’auteur qui ne sait pas trop comment conclure… Le public rit parfois mais il y a eu de nombreuses désertions après l’entracte et les applaudissements n’ont guère été chaleureux. « Les pièces de Feydeau, écrivait Marcel Achard (1899-1874) , un auteur bien oublié aujourd’hui mais lucide, ont la progression, la force et la violence des tragédies. Elles en ont l’inéluctable fatalité. »
C’est aussi cela qui manque cruellement ici. Et, à relire la pièce, on ne sent pas non plus le rapport obsessionnel aux objets qui caractérise ces personnages. Tout se passe comme si Stanislas Nordey avait voulu tirer le texte vers une imagerie, sans avoir la maîtrise du temps et de l’espace indispensables quand on met en scène une pièce de Georges Feydeau. Bref, malgré de bonnes intentions, l’ensemble ne fonctionne pas comme dans La Puce à l’oreille recréée avec simplicité et qui était un régal.  Dommage.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 13 juin, Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris (VI ème).
T. :  01 44 85 40 40.

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