Le Temps des fins, texte et mise en scène de Guillaume Cayet

Le Temps des fins, texte et mise en scène de Guillaume Cayet


Cela se passe en trois épisodes dans une forêt. D’abord, l’adieu d’un chasseur dans un long monologue, à un bois qu’on va raser, et à toute la vie animale et végétale qu’il abritait.Sans doute une peu long mais le plus juste des textes. Puis arrivent deux militantes écologistes mais la Police s’apprête à démanteler le camp. Enfin une famille cherche à se protéger avant la tempête qui menace de tout dévaster. Mais la Nature aura le dernier mot et la flore comme la faune renaîtront. Alleluia….
Le long monologue se passe dans une forêt, très bien scénographiée par Cécile Léna  (voir Le Théâtre du Blog) sous les lumières sépulcrales de Kevin Briard. Dans cette première partie, Vincent Dissez est exemplaire dans le rôle de ce chasseur déjà un peu âgé ; sans crier un instant, il raconte ce que fut longtemps sa passion…La chasse dans ce bois qu’il connait si bien.
Dans le volet suivant, des femmes (Marie-Sohna Condé et Mathilde Weil)  se retrouvent. On les entend même si on ne voit pas bien une fois de plus ce que les micros H.F. apportent sur une scène pas si grande. Elles parlent beaucoup d’écologie, de menaces sur la bio-diversité mais le texte va un peu dans tous les sens…

©x

©x


Puis, le père la mère et leur ado se retrouvent dans une pauvre cuisine autour de la table en stratifié. Le père, sans emploi, ne semble guère faire d’effort pour en trouver. Mais il achète par internet une cabane démontable pour se protéger d’une tempête annoncée. L’ado dit sans arrêt qu’elle va aller dîner seule dans sa chambre.
Et un court épilogue fera allusion à une nature renaissante.

« Le Temps des fins sera donc un spectacle autour de l’écologie politique, ou plutôt de l’écologie radicale, dit l’auteur et metteur en scène. Ce ne sera pas du tout un spectacle sur l’effondrement, sur la collapsologie, mais sur toutes ces brèches de possibles qui s’ouvrent dans notre société actuelle et qui sont refermées par l’ordre, par l’État, le plus souvent violemment.
Ce sont ces brèches-là qui m’intéressent. Ces brèches-là qui pensent déjà, (sic) à l’intérieur de notre monde vieillissant, un monde plus habitable. En filigrane du temps des fins, expression empruntée au philosophe allemand Günther Anders, cette pensée : « il semble plus facile d’imaginer la fin du monde. Si la fin du monde nous semble plus préhensible, parce que nous en possédons des images et des représentations, il nous reste justement à produire des images et des imaginaires de ce que pourrait-être la fin du capitalisme. Le Temps des fins, à sa toute petite échelle, tente d’en offrir une représentation.  » Il faut toujours se méfier des notes d’intention aussi mal écrites…

Le monologue du début, un peu laborieux, aurait amplement suffi à la démonstration et ces deux heures sont interminables. Le texte, même s’il évoque des thèmes actuels, n’apporte rien et la réflexion ne va pas loin. Quant aux dialogues de la dernière partie, ils  ne volent pas plus haut, que ceux de Plus belle la vie.
Les jeunes gens d’une classe de lycée s’ennuyaient et regardaient leur portable. Et les nombreuses vidéos tout format, avec, entre autres, le grossissement du visage des acteurs (un stéréotype actuel que les jeunes metteurs en scène ont enfin abandonné)  n’arrivent pas à soutenir un texte aussi faible. Et comme ces deux heures se passent dans la pénombre, on décroche vite.

L’ensemble, sans doute paré des meilleures intentions, mais jusqu’au bout d’un ennui pesant, est sans aucun espoir, malgré l’impeccable travail des acteurs. Vous pouvez vous épargner ce Temps des fins…

Philippe du Vignal

 Jusqu’au 17 mai, Théâtre de la Cité Internationale, 17 boulevard Jourdan, Paris (XIV ème). T. : 01 85 53 53 85.

Le texte est publié aux éditions Théâtrales (2024).

 


Archive pour 14 mai, 2025

Perdrix de Laure-Kenza Âazizou, mise en scène Laure-Kenza Âazizou et Louis Blanchot

Perdrix de Laure-Kenza Âazizou, mise en scène de Laure-Kenza Âazizou et Louis Blanchot

Cette pièce avait eu un beau succès au Palace à Avignon, l’an dernier. Elle a depuis évolué dans sa dramaturgie et sa distribution. Une jeune femme, Flavia, veut fuir la ville: pour elle, il y a  urgence.  Nuit et brouillard sur son parcours, quand elle rencontre deux frères paysans: Petitjean, dit le Petit Garçon et Yann, dit le Jeune Homme qui rentraient chez eux. Mais ils décident alors de l’escorter. Et si cette rencontre n’était pas le fruit du hasard ? Sous un éclairage sombre, seule sur le plateau, Flavia, inconsciente sur le sol, est soudain éveillée par  un bruit violent.

Ce premier instant étrange et onirique nous surprend et notre étonnement va perdurer, grâce à l’histoire peu banale de cette rencontre mais aussi à la construction du texte et à un rythme subtil. Laure-Kenza Âazizou a réussi à créer une dramaturgie où les personnages de cette fiction vont entre réalité et fantasmes, rêve et délires. Le titre des actes (La Ville, Le Pont et La Campagne) sonne comme l’expression à la fois matérielle de l’espace et le symbole de l’évolution psychique de chacun, en route sur un chemin inconnu. La Ville, lieu d’isolement et d’enfermement, devenue insupportable pour Flavia… Le Pont élément de liaison et de passage pour elle, Yann et Petitjean  et la Campagne, espace de l’infini et de l’indéfinissable, lieu de tous les possibles: loin d’un théâtre social et traditionnel et cette pièce est comme un voyage imprévu avec des fortes personnalités que tout oppose… Flavia solitaire, légèrement hallucinée et artiste-peintre, vient de la ville; Yann, adolescent mal dégrossi, impulsif et alcoolique est un être blessé, égocentrique à l’inverse de son jeune frère, Petitjean qu’il tyrannise et protège à la fois.
Ce garçon sauvage et romantique incarne les contradictions de l’enfance. « La Nature, dit Laure Kenza Âazizou, lui a conféré une dextérité extraordinaire au tir et à la chasse, mais depuis que la grâce lui a rendu visite sous la forme d’une perdrix bleue, révélation qui donne son titre à la pièce, il aspire à un monde fait d’art et de beauté. »
La figure poétique de cette perdrix que l’on peut voir comme un personnage-esprit mythique, nous met en relation avec «l’être des lointains» et un monde ancestral, un ailleurs dionysiaque qui échappe à la raison et qui habite notre inconscient. Il influe aussi sur nos comportements, notre intelligence et notre appréhension de l’existence.

Naît ainsi une atmosphère surnaturelle et nous sommes aspirés par cette aventure singulière en parfaite harmonie avec l’ingénieuse création sonore, la musique électronique de Margot Barnaud  et les remarquables  costumes de Solène Wohhuter. Nous entrons en fusion avec ces trois êtres,  leur folie violente et jouissive et leur paysage intime. La mise en scène inspirée par une esthétique expressionniste, les maquillages, le contraste ombre/lumière créé par Rémi Woodall, le jeu et les voix qui n’ont rien de naturaliste, le langage imagé et sensuel, la mobilité inventive des corps, participent à une traversée poétique d’une rare théâtralité.

Ces personnages nous invitent à un parcours initiatique et à une redécouverte de soi. Notamment Flavia « remontant, dit l’autrice, aux sources de son mal-être.» Comme ces frères si différents qui vont, chemin faisant, essayer de se décharger d’un vécu noir et oppressant. La solitude et l’angoisse existentielle finissent par s’éloigner et font renaître Flavia, Yann et Petijean. Et ensemble, ils construisent un univers qui redonne sens à leur vie. Pour combien de temps ?
Le texte possède des espaces esthétiques et éthiques communs avec ceux de la tragédie. « Sommes-nous les jouets de la fatalité, ou avons-nous notre libre arbitre? Hérite-t-on de la violence de nos pairs? Le pardon est-il toujours possible? Des questions ici posées par Laure-Kenza Âazizou mais Flavia, Yann et Petitjean ne sont pas seuls dans cette odyssée… Un narrateur, tel un guide invisible à ces êtres blessés, accompagne  leur histoire personnelle et collective mais aussi le public.

Parfois, son texte, admirablement interprété dans sa gestuelle et profération (Laurent Khider), est un peu trop démonstratif,  vu la grâce et justesse de Myriam Fichter (Flavia), Gibriel Lakhdari (Yann) et Myra Zbib (Petitjean).
Perdrix
, un voyage extra-ordinaire au sens étymologique du mot… La structure du spectacle et l’enchaînement du récit dramatique sont à l’image d’un puzzle à reconstituer par le public et les acteurs. Une pièce-paysage de toute beauté et la mise en scène, travaillée jusqu’au moindre détail, est d’une  forte théâtralité
(selon la définition de Michel Vinaver dans Écritures dramatiques: essais danalyse  de texte de théâtre). Nous sommes en symbiose avec cette folle traversée, pourtant si proche de ce que la vie réelle produit comme difficultés, parfois fatales, dans l’existence de chaque être humain.
À la fin, le soleil brille et la lumière a chassé l’obscurité angoissante qui ouvrait le spectacle. « Adieu ma fée, dit Petitjean. Puis, à voix haute, le narrateur dit: « La jeune femme sourit, puis elle s’approche du petit garçon. (…) Très délicatement, elle pose ses lèvres sur celles du petit garçon. Il ferme les yeux. Extase. Avec la même délicatesse, la jeune femme retire sa bouche de celle du petit garçon, puis s’en va.) « J’suis dans ma maison… Papa fume dans l’salon… Yann est dans sa chambre, avec Marie… Y découpent des photos marrantes dans des magazines… Pis toi, ma fée… T’es dans l’jardin, tu ramasses des cerises, pour l’dessert… Pis c’est le soleil d’six heures… Pis l’ciel est bleu… pis c’est beau. C’est beau.  » (On entend au loin le  chant d’une perdrix. Le petit garçon pointe le fusil vers le ciel, reprend le narrateur. (Noir et fin).
Originalité et la profondeur: cette émouvante Perdrix s’adresse à nous tous, plongés dans nos tourments et secrets…

Elisabeth Naud

 Jusqu’au 17 mai, Théâtre 3 T, 14 rue Saint-Just, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T : 01 74 40 02 95.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...