Léocadia de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras

Léocadia de Jean Anouilh, mise en scène de David Legras

Créée au théâtre de la Michodière à Paris en 40, elle fait partie des Pièces roses de cet auteur (1910-1986)  avec Humulus le Muet (1932), Le Bal des voleurs six ans plus tard et Le Rendez-vous de Senlis (1941) la seule que l’on connaisse peut-être encore…Francis Poulenc avait composé une de ses plus célèbres mélodies, Les Chemins de l’amour chanté par Yvonne Printemps qui jouait la pièce avec Pierre Fresnay, lequel avait aussi fait la mise en scène. Jean Anouilh, bien oublié aujourd’hui par les jeunes metteurs en scène, semble avoir trouvé ces dernières années une nouvelle jeunesse, notamment avec Pauvre Bitos (voir Le Théâtre du Blog). 

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C’est
l’histoire poétique d’un jeune prince follement amoureux d’une cantatrice roumaine, Léocadia Gardi qu’il a connue trois jours. Mais elle mourra étranglée par son châle (comme Isadora Duncan). Inconsolable, il vit dans son souvenir… Sa tante, la duchesse d’Andinet d’Andaine, va reconstituer les lieux où son neveu a connu le bonheur. Le maître d’hôtel et des valets devront interpréter le rôle qu’ils jouaient, pendant ces trois jours vécus par le jeune prince.
Et cela tombe bien: Amanda, une jeune ouvrière dans la mode
rue de la Paix, arrive au château de Pont-au-Bronc pour chercher du travail.

Comme c’est un sosie de la cantatrice, on va lui demander de la remplacer pour que la vie l’emporte sur le souvenir de Léocadia chez le jeune prince..
Il s’accroche  pourtant à son rêve mais quand arrive Amanda, bientôt il prendra conscience que Léocadia était un idéal mais… sans plus…Et, bien sûr, il cédera bientôt à l’appel de la vraie vie et l’amour naîtra entre Amanda et lui. Mais la pièce, quatre-vingt cinq ans après sa création, mérite-t-elle le détour?


Pas sûr, il faudrait une baquette magique pour que cette bluette arrive à renaître. « Elle est, dit David Legras, avant tout une histoire d’amour et nous parle aussi de théâtre. (…) Il est aussi amusant de noter qu’Amanda est d’abord spectatrice du monde factice dans lequel elle se trouve embarquée. Elle devient actrice quand on lui fait répéter, puis jouer le rôle de Léocadia. Enfin, comprenant qu’il lui faut raconter une autre histoire au Prince pour le délivrer de celle dans laquelle il s’était enfermé, elle se mue en metteuse en scène, lui ouvrant un chemin vers la résilience.
Pour donner l’idée de «faux » décors sur une scène mais aussi rendre compte des trois jours que le Prince revit continuellement comme un disque rayé, l’idée du manège s’est imposée comme élément central de scénographie. De ce parti pris, un narrateur est naturellement venu se greffer à l’histoire, à la fois meneur de jeu et double d’Anouilh. Léocadia interroge notre besoin fondamental de nous raconter des histoires. Et cette question en toile de fond : n’est-ce pas par le biais de ces histoires que nous inventons notre identité ? »

On retrouve ici les thèmes chers à ce dramaturge: la révolte contre les riches et et le privilège de la naissance, le refus d’un monde fondé sur l’hypocrisie, le désir d’absolu, la nostalgie d’un paradis perdu, l’impossibilité de l’amour idéal et la mort… Mais ce petit manège, avec colonnes dorées et faux lierre un peu partout, assez laid, réduit l’espace de jeu et finalement, ne sert pas à grand-chose. David Legras le fait tourner lui-même, en maître de cérémonie et commentateur (un personnage ajouté!)
Et l’interprétation?  Inégale…Valérie Français a tendance à surjouer et cette tata aristocrate  est trop envahissante. Camille Delpech  (Amanda) se sort très bien d’un rôle pas facile et est assez crédible. Emilien Raineau ( le jeune Prince), beaucoup moins, et devrait surveiller sa diction. Les petites scènes se succèdent sans beaucoup de rythme mais ce texte où plane l’ombre de Marivaux et de Luigi Pirandello, reste médiocre et on s’ennuie un peu. En tout cas, la pièce n’est pas le « conte moderne et grinçant », que veut y voir David Legras.  Des Pièces roses de Jean Anouilh, Le Rendez-vous de Senlis a plus de force et de poésie.  Quelques jeunes seulement dans la salle qui a mollement applaudi.
A l’époque, la pièce montée en 1940 par André Barsacq avait eu, comme Le Rendez-vous de Senlis, quelque 170 représentations!  Et son Antigone, copié-collé assez vulgaire de celle de Sophocle, fut un grand succès. Jean Anouilh réussit à attirer de jeunes interprètes  prestigieux comme Michel Bouquet qui deviendra son acteur-fétiche  mais aussi Jean Vilar, Suzanne Flon, Maria Casarès… et Daniel Ivernel, Bruno Cremer, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru, Louis de
Funès! Ses pièces étant le plus souvent fondées sur le jeu des comédiens, ceci explique peut-être cela.

Le Voyageur sans bagages
mise en scène de Georges Pitoëff (1884-1939)  avait été un grand succès et avait lancé la carrière de Jean Anouilh mais Louis Jouvet, lui, n’aimait guère son théâtre et l’avait dit à cet auteur qui n’avait rien de sympathique. Encore tout jeune critique, nous lui avions demandé, après quelques minutes de conversation, si nous pouvions faire une interview de lui à propos d’une de ses créations, la réponse avait été cinglante: « Monsieur, vous saurez que j’ai horreur de trois choses: l’avion, la télévision et les interviews. ».
Enfin, si vous avez envie de découvrir cette pièce mineure d’un dramaturge du siècle dernier qui attirait un nombreux public… Mais bon… encore une fois, rien à faire, cette pièce  n’est pas vraiment séduisante et ne vous attendez pas à une révélation.

Philippe du Vignal

Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris ( VI ème). T. : 01 45 44 57 34.


Archive pour 23 mai, 2025

Vollmond, chorégraphie de Pina Bausch par le Tanztheater Wuppertal, et sur le terrain par Boris Charmatz

Vollmond, chorégraphie de Pina Bausch par le Tanztheater Wuppertal, et sur le terrain par Boris Charmatz

L’ombre de la grande chorégraphe plane encore dans la salle de ce théâtre historique. Elle s’est brutalement envolée en juin 2009, laissant orphelins ses danseurs. Nous retrouvons ici Julie-Anne Stanzack, Ditta-Miranda Jasjfi et Azusa Seyama. Ce spectacle créé en 2006, avait déjà été repris en 2009 au Théâtre de la Ville pour un hommage à Pina Bausch.

© Martin Argyroglo

© Martin Argyroglo

La fusion entre théâtre, musique et danse, est emblématique des créations de Pina Bausch, grâce, entre autres, à la merveilleuse esthétique de ses scénographes. Ici, avec Peter Pabst,  les danseurs affrontent des trombes d’eau. Nous avions gardé un magnifique souvenir de cette pièce à sa création, avec des musiques envoûtantes (qu’on peut écouter sur un CD) regroupant Amon Tobin, Alexander Balanescu avec le Balanescu Quartett, Cat Power, Carl Craig, Jun Miyake, Leftfield, Magyar Posse, Nenad Jeliìc, René Aubry, Tom Waits.
Les musiques et photos de l’époque entretiennent la nostalgie d’un spectacle qui n’avais pas été repris à Paris. Heureusement remonté, grâce au travail de Boris Charmatz et au regard des anciens danseurs-dont certains présents dans la salle. Afficionados de la chorégraphe, comme nouveaux et jeunes spectateurs, ont très vite répondu et cette pièce a affiché  complet, depuis l’ouverture des ventes, comme du vivant de Pina Bausch. Vollmond est une véritable performance physique pour les douze interprètes bravant la pluie, jetant des seaux d’eau, faisant des mouvements de brasse dans l’eau stagnante ou escaladant un volumineux rocher. «Je crois, dit une danseuse, que la nuit va être orageuse ! »

© Martin Argyroglo

© Martin Argyroglo


Comme souvent dans Vollmond, les liens entre hommes et femmes sont chaotiques mais empreints de tendresse et d’humour… Montrant une chaise au milieu du plateau, «Les fantômes doivent pouvoir s’assoir, dit une interprète, c’est la pleine lune.» La magie opère et le plaisir qu’offrait déjà cette pièce, est resté intact comme à sa création. Le Tanztheater Wuppertal a réussi son pari et la salle a longuement acclamé debout cette belle compagnie. A nouveau, il y a un printemps très ensoleillé dans ce grand thâtre…

Jean Couturier

Le spectacle a été joué du 9 au 23 mai, au Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, Paris (IV ème). T. : 01 42 74 22 77.

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