L’Art d’avoir toujours raison de Sébastien Valignat et Logan de Carvalho, mise en scène de Sébastien Valignat

 L’Art d’avoir toujours raison de Sébastien Valignat et Logan de Carvalho, mise en scène de Sébastien Valignat

Cette conférence-théâtre a été créée en décembre 24 à la Maison de la Culture de Grenoble.  Avec un titre emprunté au philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860), elle traite du discours politique et de la forme mensongère de tout énoncé commercial, scientifique, économique… de la manipulation exercée sur les citoyens et les électeurs.
Le public vu comme futur candidat est invité à participer à une formation pour réussir une campagne et remporter avec succès les élections présidentielles! Objectif : convaincre, coûte que coûte, et peu importe les moyens… En fond de scène et sur grand écran, l’intitulé de cette conférence pédagogique, élaborée par deux scientifiques de la G.I.R.A.F.E. (Groupe Interdisciplinaire de Recherche pour l’Accession aux Fonctions Électorales). Comment remporter une élection. Méthode rapide  simple et infaillible en 5 points s’affiche sur le grand écran.
Les formateurs: Jane et Bruno (Adeline Benamara et Sébastien Valignat, excellents interprètes) vont expliquer au public la démarche à suivre pour atteindre le succès: comment avoir un bon programme? Comment faire disparaître un conflit et réussir sa communication ? Comment parler, quand on n’a rien à dire? Et enfin, la plus importante et la plus complexe de toutes : comment avoir toujours raison?

©x

©x

«Le point de départ de cette création, dit Sébastien Valignat, est une inquiétude liée à ce qui me semble être une défiance grandissante vis-à-vis de tout discours.» À partir de cette sérieuse préoccupation socio-politique les auteurs ont écrit une « comédie documentée ». Ils préciseront à la fin, leurs sources authentiques et leur bibliographie sur écran. Sébastien Valignat et Logan de Carvalho interrogent la nature, le sens et le fonctionnement de la démocratie aujourd’hui.
La pensée philosophique d’Hannah Arendt en 70 résonne ici avec la même force: «Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire, ne peut se faire une opinion. Il est privé de sa capacité d’agir mais aussi de penser et juger. Et, avec un tel peuple, vous pouvez faire ce qu’il vous plaît. »

Avec un formidable sens du comique, les auteurs lèvent le voile sur les stratégies de communication à la fois puissantes et trompeuses mise au service du pouvoir. Insensées mais bien réelles ! Le public à la fois surpris et amusé, suit avec curiosité et plaisir! La personnalité des conférenciers, souvent drôles malgré eux, annonce la couleur: décalage, humour et ambiguïté du discours. Subtile mais visible dans l’écriture et augmentant le comique de situation, est la différence de statut de ces enseignants. Jane et Bruno, issus d’un univers intellectuel et politique opposé, n’ont pas la même place dans la hiérarchie.
Jane, convaincue par Macron, est professeur dans une prestigieuse université. Bruno, lui, est enseignant en géographie dans un lycée à Limoges.  Un clin d’œil à l’absurdité des classements des universités, que prise tant notre société friande de performance ! Et au manque de respect de la qualité des professeurs du secondaire. Une allusion à la crise actuelle !

Cette conférence, souvent proche d’une plaidoirie, possède une théâtralité joyeuse. Le lieu prévu initialement était une salle de mairie, mais suite à un imprévu, elle a lieu au T.N.P. Avec esprit, Jane et Bruno nous indiquent le mode d’emploi de ce qu’il faut faire, et surtout, de ce qu’il ne faut pas faire. Un exposé sur la composition graphique des affiches ou «comment réussir sa communication? » avec l’exemple authentique de deux candidats de la Première circonscription des Pyrénées-Orientales aux législatives en 2017, exprime avec cocasserie gestuelle et verbale, et sur un ton à la fois sérieux et ironique les choses à éviter à tout prix. Jane- « Qu’est-ce qui est réussi dans cette affiche ? (Le public répond ou pas s’il répond on lui dit non…) Voilà. Rien. Il n’y a absolument rien de réussi: ni les couleurs, ni la police de caractères, ni les tenues vestimentaires, ni la lisibilité du nom des candidats, ni l’exposition au soleil… Là, c’est un cas d’école. (…) Ce sera notre premier conseil et il est central : quelles que soient votre couleur politique ou vos opinions: faites appel à un graphiste. » Ou quand ils citent les noms imprononçables des candidats les plus tendancieux, donc sujets à moquerie, c’est un moment digne des solos comiques des meilleurs humoristes !

Loin d’être fastidieux et moral, cette conférence, avec une drôlerie décapante, va nous apprendre à manipuler: une action majeure ! Un choix perspicace, vu le fonctionnement politique entre autres, de notre société. Victime et sous influence d’une communication séduisante ou d’un langage trompeur pour mettre en place une autorité, le peuple se laisse guider et charmer inconsciemment par les discours fallacieux.

Autre point fort: avoir eu recours à des documents, tous véridiques! Formidable pour éclairer notre conscience sur les pratiques incontournables de la manipulation pour gagner une campagne. La seconde et remarquable partie-une séance de travaux pratiques- démontre les mécanismes de persuasion, entre autres: la déconstruction du langage : Jane  « C’est quoi Bernard ! (une réponse à une des spectatrices qui doit respecter le nom qui lui est attribué !), vous nous faites quoi là… Syndicat, ça se dit plus. Ce mot-là pue le conflit. Même les syndicats d’initiative, on appelle ça des offices de tourisme. Fallait utiliser un euphémisme. Par quel mot, vous pourriez remplacer : syndicat. On pourrait mettre quoi à la place, Bernard? Oui, bien sûr, «partenaires sociaux ».

Une démarche singulière que cette formation mise en scène sous forme de conférence mais nous aurions aimé qu’il y ait un peu plus d’imagination scénographique. Le texte, documenté si drôle et parfois farfelu ou exagéré, est parfait et le travail rigoureux de recherche mené par Sébastien Valignat et Logan de Carvalho, ont toutes les qualités pour faire de ce texte une création riche en fantaisie et invention.
Un vrai plaisir théâtral sur un thème captivant et sérieux, mais ici traité avec panache et comique. L’Art d’avoir toujours raison s’adresse à nous tous, qui devons conserver notre liberté, notre esprit de discernement et notre faculté de juger, quand les politiques sont souvent faussement clairs !

Elisabeth Naud

Spectacle présenté les 22 et 23 mai au Théâtre de Châtillon ( Hauts-de-Seine)

Festival Off d’Avignon, du 5 au 24 juillet à 17 h 35, au Onze, 11 boulevard Raspail. T. : 04 84 51 26 01.

 


Archive pour 3 juin, 2025

Valentina, texte et mise en scène de Caroline Guiela Nguyen

Valentina, texte et mise en scène de Caroline Guiela Nguyen


Créé en avril dernier au Théâtre National de Strasbourg, ce spectacle, adapté d’un conte, est fondé sur une situation bien réelle avec un thème socio-politique comme les aime son autrice. En fond de scène, une sorte d’autel avec fausses bougies, un écran où sont retransmises les images en gros plan des visages des protagonistes et un autre, celle d’un cœur humain souffrant de plusieurs pathologies. Au centre, une grande table de salle à manger, mais aussi de bureau pour la médecin à l’hôpital. Côté jardin et côté cour, cinq barres fluo blanches verticales et devant une ligne lumineuse. Mais la scène est plongée dans la pénombre.
A Valentina, une petite fille roumaine, M. Popa, un cuisinier roumain lui aussi, explique ce qu’est La Classification Européenne des Mensonges avec chacune une lettre de A à D en fonction de leur durée. Dans chaque grande ville de l’Hexagone, les établissements de santé recourent à des interprètes pour aider les exilés parlant mal ou pas du tout français à dialoguer avec les médecins qui les prennent en charge. Mais, comme pour les démarches administratives, les adolescents scolarisés et souvent doués aident aussi leurs parents…
Valentina, à seulement neuf ans, est partie de Roumanie avec sa mère qui a une grave maladie cardiaque et espère être soignée ici. Elle a vite appris à l’école maîtriser le français et va expliquer en détail la grave maladie dont souffre sa maman au médecin qui, elle, insiste pour avoir recours  à un interprète: assez peu crédible,  d’autant plus que le dossier médical complet transmis par l’hôpital roumain est sur la table. Il n’y a pour le moment aucun espoir qu’une greffe cardiaque, mais quand il y aura une possibilité et cela peut être soit dans quelques jours ou dans des années. Pour la prévenir Valentina est équipé d’un bracelet électronique et sa mère ne doit pas déplacer plus loin que trente kms.  Le père et resté là-bas pour travailler et s’occuper de l’autre enfant.
Valentina se sert d’abord de la traduction simultanée que lui propose son portable. Mais pour accompagner sa mère, elle s’absente de l’école et écrit d’incroyables mots d’excuse qui s’affichent sur l’écran et s’enfonce, de plus en plus dans le mensonge...

©x

©x

Finalement la mère arrivera à surmonter ses ennuis cardiaques mais c’est Valentina qui elle, en aura aussi mais guérira. Alléluia…Alléluia!!!!  C’est un conte et on pardonnera-peut-être-les nombreuses invraisemblances et le côté mélo appuyé de ce texte que Caroline Guiela Nguyen veut mettre au service d’une revendication socio-politique: les responsabilités endossés par de jeunes exilés, quand un membre de leur famille est malade, voire hospitalisé… et qui ne sont pas de leur âge.
Et cela fonctionne? Juste grâce au talent extraordinaire de la très jeune actrice, tout à fait authentique, et à celui des comédiens professionnels comme Chloé Catrin, même si ce rôle de médecin et directrice d’école est traité de façon caricaturale, mais les non-professionnels sont aussi impeccablement dirigés. Mais on entend très mal les acteurs à cause d’une musique de fond au piano qui n’a rien à faire là…

Quant à la mise en scène, cela va aussi nettement moins bien : Caroline Guiela Nguyen a recours à des micros H.F. dont on ne voit pas une fois de plus l’utilité, à un grossissement des visages retransmis sur grand écran par cadreur omniprésent sur le plateau, à une projection d’ image de cœur souffrant de plusieurs pathologies et on l’entend aussi très amplifié. Le tout a un petit côté brechtien mal assumé avec un commentaire en voix off et des chaises sur les côtés attendent les acteurs qui ne jouent pas dans la scène présentée. Cela fait quand beaucoup de stéréotypes! et même si la metteuse en scène veut faire contemporain,  le tout a un côté vieux théâtre poussiéreux et on s’ennuie très vite!
En fait, tout se passe comme si  Caroline Guiela Nguyen avait constamment hésité entre un théâtre documentaire (après vérification, tous les termes médicaux sont bien exacts) et un conte moral. Mais l’écriture est affligeante de banalité et la dramaturgie nous a laissé perplexe: pourquoi ces personnages secondaires qui ne disent pas grand chose… ou jouent seul ou à deux un petit air de violon. Et cette fin bien gentillette ? Sortez tous vos mouchoirs! Bref, pas de quoi délirer! Cela n’a rien d’un vrai et bon moment théâtral. On vous aura prévenu enfin si cela vous tente…

Philippe du Vignal

Jusqu’au 15 juin, Théâtre de la Ville-Les Abbesses, rue des Abbesses, Paris ( XVIII ème).

Théâtre national de Strasbourg ( Bas-Rhin), du 16 septembre au 3 octobre.

Les Célestins, Théâtre de Lyon (Rhône), du 8 au 12 octobre. Romaeuropa Festival, Rome (Italie) du 16 au 19 octobre.

Théâtre de l’Union, CDN du Limousin, Limoges ( Haute-Vienne) ,du 5 au 7 novembre. Le Channel, Calais du 14 au 16 novembre, Tandem, Scène nationale Arras-Douai (Nord) du 24 au 26 novembre.

Teatre Lliure, Barcelone (Espagne), du 8 au 11 janvier 2026. La Garance, Scène Nationale de Cavaillon (Vaucluse), les 21 et 22 janvier.

Le Grand R- Scène Nationale de La Roche-sur-Yon ( Vendée), les 4 et 5 février, Piccolo Teatro, Milan (Italie) du 14 au 16 mai.

Ruhrfestspiele, Recklinghausen (Allemagne), du 3 au 5 juin.

Valentina, adaptation du conte Valentina ou la Vérité,est publié aux éditions Actes Sud-Papiers.

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...