Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage, texte et mise en scène de Mickaël Délis et Clément Le Disquay
Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage, texte et mise en scène de Mickaël Délis et Clément Le Disquay
Dernier volet de La Trilogie du troisième type, ce seul en scène clôt le voyage intime de cet écrivain, narrateur et comédien. Le premier Sexe ou la grosse arnaque de la virilité sur la thématique du genre et La Fête du slip ou le Pipo de la puissance, sur le sexe biologique existent séparément chacun et seront au théâtre de la Reine Blanche au festival d’Avignon. Et la trilogie, en septembre, à La Scala de Paris.
Dans La Fête du slip ou le Pipo de la puissance comme dans Les Paillettes de leur vie ou la paix déménage, Mickaël Délis utilise un micro:«L’auteur a ainsi choisi, nous dit-il, pour plus de clarté à l’édition, de rebaptiser Mickro, le Narrateur. Un savoureux mélange du prénom donné à sa naissance avec ce micro qui permet de moduler sa voix et d’asseoir un certain rapport à l’intime sur le plateau. «
Ce troisième volet est une autofiction où la masculinité et les différentes facettes de la virilité s’expriment avec vivacité! Au début, Mickro s’installe sur un tabouret parmi le public: «Oula, y’a du monde… ça va être long. Quelle horreur. (À une spectatrice) Excusez-moi, je peux m’assoir là? Vous attendez depuis longtemps? Il faut prendre un ticket ou quelque chose? (…) Vous avez quel numéro, vous? (Pas de réponse) Ok, pour être sûr, parce que l’hôpital est grand, je me suis peut-être planté de salle d’attente: vous êtes pas tous là pour donner… du sperme ?
Ce seul en scène fera progressivement place à un univers plus intérieur avec un récit autofictionnel intime qui s’ouvre sur l’universel. Nous entrons en complicité avec Mickaël Délis et son monde bigarré, sa mère, son père, son frère jumeau, ses amants, dont un acteur porno devenu pâtissier, le médecin du C.E.C.O.S. (Centre de conservation des œufs et du sperme humain), les infirmiers, ses amis, son psychiatre…
Acteur fascinant, il passe avec souplesse d’un personnage à l’autre! Sa mère au tempérament haut en couleurs, envahissante, figure majeure de la trilogie, occupe une place centrale dans cette quête sur la paternité. «Donc, tout ça pour dire, ton don de sperme, c’est joli, c’est gentil, mais y a pas de doute : entre ton père absent pendant des lustres et toi qui donnes pour ne surtout pas voir ce qui pourrait naître de tes bourses… C’est une façon de se reproduire sans se reproduire, enfin je corrige, de se reproduire sans reproduire.»
La gestuelle et la voix aux multiples couleurs, la musique et les chansons, comme un tas symbolique de paillettes en papier de soie nous fascinent. Il sait créer des images comme un artisan, loin de grands effets de mise en scène. Dramaturgie et scénographie-remarquables- donnent au spectacle une ampleur qui va bien au-delà des thèmes annoncés : le don de sperme et la paternité. L’auteur, à partir de sa généalogie, nous interpelle sur la nature de notre envie de filiation: « Se reproduire pourquoi ? Pour reproduire quoi ? »Il nous interroge sur la transmission et la figure du père, du patriarche, si puissante encore aujourd’hui. Il serait temps de renverser ce système moribond: «Démanteler cette figure, nous dit l’auteur, et la réinventer, en la libérant de tout ce qui l’encombre et la mettre sur le chemin de la joie! »
Une mise en scène inventive et joyeuse: le spectacle s’ouvre avec, au centre du plateau, un tas de petits papiers de soie blancs. Une belle trouvaille! Cet unique accessoire se métamorphose en sable des plages de l’enfance, en cendres du père, médicaments de la mère, tiramisu, mousse de bain du filleul, etc.
Comme dans ses deux autres pièces, le traitement théâtral répond ici à une double exigence : un matériau théorique sérieux et une humanité tendre ou caustique mais pleine d’humour. Ici, Mickaël Délis met en jeu, avec une riche fantaisie et à l’échelle d’une génération familiale, des thèmes éthiques et scientifiques, très actuels: masculinité, paternité, reproduction de l’espèce, amour et sexe, famille… Avec savoir-faire, l’artiste arrive à créer avec ce tas de confettis, des situations à la fois délicates, cocasse, ou violentes et d’une poésie exceptionnelle !
Intime, moral et socio-politique, le spectacle enthousiasme le public, surpris et touché par cet univers singulier et kaléidoscopique. Cette mise en scène est à la fois originale et riche d’interrogation profondes. Humanité, pertinence de la pensée et poésie : Mickaël Délis a su garder une âme d’enfant. Son énergie créative et son imaginaire s’inspirent d’une innocence, passée au filtre de l’âge adulte.
Ce seul en scène est un chant d’amour adressé à sa mère récemment disparue. L’auteur lui rend un hommage drôle et tendre. «Enfin, nous dit-il, à l’heure du deuil inattendu et insoutenable d’une maman adorée, Les Paillettes sont, en plus d’une enquête intime sur l’absence du père, une ode festive à la mère et à la toute puissance de l’amour qu’elle a su dispenser. »Un hymne à la vie et au courage, à la liberté d’être soi !
Elisabeth Naud
Jusqu’au 15 juin, Théâtre de la Reine blanche, 2 bis passage Ruelle Paris (XVIII ème). T : 01 40 05 06 96.
Du 3 au 29 juillet à 21 h 30, Théâtre de la Reine blanche, 16 rue de la Grande Fusterie, Avignon (Vaucluse) T. : 04 90 85 38 17.
Du 3 octobre au 27 décembre, La Scala, Paris (X ème). T : 01 40 03 44 30.