Judith Magre dit Apollinaire, conçu et animé par Éric Naulleau

Judith Magre dit Apollinaire, conçu et animé par Éric Naulleau

Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire par Le Douanier Rousseau

©x Marie Laurencin et Guillaume Apollinaire par Le Douanier Rousseau

Une vieille histoire d’amour avec Guillaume Apollinaire… La grande actrice en avait lu La Lorelei quand elle était apprentie-comédienne au cours Simon où elle avait passé quelques mois. Elle et Éric Naulleau nous font ici partager l’œuvre du poète terrassé par la « grippe espagnole», après avoir été gravement blessé à la tête par un éclat d’obus à la guerre de 14 : il avait demandé, lui qui n’était pas encore citoyen français, à s’engager dans l’armée et avait subi l’horreur des tranchées. Il mourra deux jours avant l’armistice…

L’actrice assise devant un pupitre en robe élégante (elle adore les beaux vêtements mais aussi le champagne… et la cigarette!), les cheveux auburn bien coiffés, est déjà sur le scène, le regard brillant et impatiente de retrouver son public pour la seconde représentation (une par semaine). L’écrivain lui, est à côté d’elle reste discret et efficace. Le public, pas très jeune, attend calmement dans la chaleur de cette petite salle… Quand, à tout à coup, catastrophe ! Judith Magre est prise d’une toux violente. Eric Naulleau lui fait boire un verre d’eau et propose qu’elle aille s’allonger un peu. Elle refuse et dit que cela va aller… 

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Mais la toux reprend, encore plus violente et nous avons mal pour elle. Une spectatrice lui fait passer un comprimé contre la toux.. qu’elle ne prendra pas. Silence absolu dans la petite salle. Rien à faire, nouvelle quinte de toux et la représentation semble mal engagée : Eric Naulleau attend pour prendre une décision. Très attentif et bienveillant. Le public aussi.
Puis, miracle! Judith Magre, après avoir longuement respiré: fait un petit geste: ele est prête et dira magnifiquement et presque sans lire, avec une diction parfaite et de sa voix un peu rauque, Le Pont Mirabeau bien sûr et, entre autres, La Chanson du mal-aimé, Zones, Réponse des Cosaques Zaporogues au sultan de ConstantinopleLe Chat...
Tout cela croisé avec ce qui s’apparenterait à une mini-conférence d’Eric Naulleau qui, discrètement et avec une grande élégance, nous fait partager la vie de Guillaume Apollinaire mort à seulement à trente-huit ans et dont l’œuvre est entrée dans toutes les mémoires, depuis l’école primaire. Côté cour, quelques images projetées de la vie de cet immense poète. Judith Magre, à la fin, semblait un peu fatiguée d’avoir continué après cette toux. On la comprend… Une belle leçon de ténacité et de vie! Allez la voir et l’entendre, vous ne le regretterez pas mais, attention, il reste quatre représentations. Elle nous avait dit crûment il y a quelques jours quand nous étions allé la voir chez elle: «La vieillesse, c’est épouvantable, c’est vraiment de la merde! Vivement que je meure. »

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Nous souhaitons pourtant à toutes les actrices et acteurs, de continuer, comme elle qui a tellement joué au  théâtre et au cinéma, à travailler encore avec humilité et amour de son métier et du public. Un grand merci à cette jeune actrice qui aura… quatre-vingt-dix-neuf ans, le 20 novembre prochain. Nous l’avions découverte et beaucoup aimée dans Huis-Clos de Jean-Paul Sartre, il y a cinquante-neuf ans…Ainsi va la vie.

 Philippe du Vignal

Tous les lundis, jusqu’au 7 juillet,Théâtre de Poche-Montparnasse,  75 boulevard Montparnasse, Paris (VI ème). T. : 01 45 44 50 21.


Archive pour 15 juin, 2025

L’avenir, c’est notre passé…

 L’avenir, c’est notre passé…
 
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Inventer, toujours inventer… Une idée farfelue:  le théâtre pour chiens. C’est affreusement bizarre, dès que je me mets à dire: tiens je vais essayer de penser, Arthur Rimbaud vient se mêler à la conversation, comme un air  qui s’incruste en toi toute la journée, là  c’est : je m’emcrapule le plus possible.

 Cela ne s’explique pas. L’heure de la fin approche, alors nous mettons non sans mal une transition, une transmission de la Maison Unité. Ce qui change aujourd’hui : nous avions toujours un avenir devant nous, avec dates à honorer, idées à développer, quelque chose à écrire. Mais là c’est fini, notre avenir est derrière nous: c’est notre passé.
Sur France Culture, il y a eu une émission  deux heures trente et un bouquin va sortir. Je peux donc essayer de commencer à comprendre qui nous étions. C’était quoi la différence du Théâtre de  l’Unité avec la galaxie théâtre ? Je ne vais pas réussir en un seul jet. Sans aucun ordre, je dis ce qui me vient .Nous étions trois,  je n’ai jamais entendu des compagnies annoncer trois personnes et signer les spectacles à trois même si Claude Acquart  a ouvert un jour un atelier indépendant, il a toujours été et est encore là.
 Nous avons réussi à vivre  “hors cases” toute notre vie et jamais nous n’étions cadrés. A France Culture, je ne parle pas par exemple des spectacles sous chapiteau pour 5000 personnes  avec des vedettes aujourd’hui un peu éventées comme  Nino Ferrer qui est mort, Nicoletta, William Sheller… C’était nous et pas nous tout à la fois… C’est bien étrange de changer de jauge sans arrêt,  de deux personnes à 40 000 s. Nous étions des fous de la conquête des villes en nous servant de nos pièces comme armes de construction massive. Cela ne se trouve pas chez les autres. Ils enchaînent  les créations, ne vont pas quitter leur théâtre pour engendrer des événements et des fêtes  qui allument  l’espace social.La carrière « descentionnelle »est un concept bizarre. Nous avions pourtant écrit dès 72 un plan d’ascension comme les alpinistes. Nous appellions on appelait cela les camps de base. On les numérotait.
 Le point culminant c’était diriger une institution. Comme on  répétait à Chaillot, nous avions des idées pour Chaillot, et puis comme nous étions à l’intérieur, nous avons senti que les théâtres nationaux étaient condamnés à être figés, que nous n’y arriverions pas… Alors nous avons obtenu une petite institution: la Scène nationale de Montbéliard. Là on pouvait faire vibrer l’outil, mais après neuf ans, nous avons commencé notre descente. Oui, nous étions à Paris puis en banlieue puis dans une sous-préfecture puis dans une ville de 14000 habitants.
 La foi :  quand  nous nous écoutons parler, nous sommes poussés par un élan incompréhensible sauf par Jacques  Lacan. Hervée de Lafond essaye de définir ce qui l’animait : la haine de vies gâchées..Claude Acquart  notre scénographe n’avait pas envie d’une vie tracée d’avance, lui qui  avait fréquenté dès sa jeunesse les grands du théâtre. Et je trainais ma culpabilité de gosse du seizième arrondissement qui rêvais de rendre aux pauvres tout ce que les riches leur avaient pris.Nous pratiquions la création et l’invention à jet continu.Nous n’étions pas le genre à déposer des projets en attendant que l’argent vienne. Grâce à nos stages, ateliers, ruches, nous n’arrêtions jamais d’essayer de nouvelles formes. Qui eût dit que notre Kapouchnik un modeste essai de théâtre d’actualité allait durer vingt ans avec 177 éditions et que cela allait nous survivre.Et que cette 2CV théâtre destinée à n’être jouée que dix fois comme parade, allait tenir la route pendant vingt ans ? Et puis la notoriété ? Nous avons compris assez vite que si le régime de l’anonymat était notre quotidien, nous allions nous faire enterrer, il fallait que, d’une manière ou d’une autre, on parle de nous, pour sortir de l’ombre.Il a donc fallu mettre des moyens dans la communication et ne pas lésiner sur de bonnes attachées de presse… C’est triste mais c’est comme ça.
 On parle de toi dans Libération, Le Monde ou Télérama, tu es sauvé, estimé, tu n’es plus considéré comme un paria, un galérien de la culture, un sous-animateur. Mais aller dans une banlieue ouvrière loin de Paris, c’était se condamner à mort. Voilà quelques lignes qui me viennent quand  je regarde une finale de tennis (cinq heures vingt-cinq) avec cette invraisemblable joie de la gagne. Hervée de Lafond et moi, avons dépassé l’âge de la retraite depuis au moins vingt ans….

Jacques Lichine, co-directeur avec Hervée de Lafond du Théâtre de l’Unité à Audincourt ( Doubs).
 
 

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