Clap de fin au Théâtre de l’Unité!

Clap de fin au Théâtre de l’Unité!

Nous reviendrons cet été sur ce que fut l’aventure exceptionnelle du Théâtre de l’Unité créé en 68 par Hervée de Lafond et Jacques Livchine. Méprisé par les institutions et cordialement détesté par nombre d’autres compagnies, elles, bien en cour.  Ils ont quand même réussi à jouer partout en France et dans le monde entier (deux fois dans le in d’Avignon avec de merveilleux spectacles de rue et en salle. Et ils ont dirigé la Scène Nationale de Montbéliard pendant neuf ans.

©x Jacques Livchine, Hervée de Lafond et Claude Acquart leur scénographe il y a quelques années

©x Jacques Livchine, Hervée de Lafond et Claude Acquart leur scénographe il y a quelques années

Mais, sous le règne de Stanislas Nordey au Théâtre National de Strasbourg, lui-même ni un de ses collaborateurs ne s’est jamais déplacé pour aller jusqu’à Audincourt (le voyage jusqu’à Montbéliard dure environ une  heure et demi!) ou ailleurs, voir un des spectacles du Théâtre de l’Unité et éventuellement le programmer. Pourtant, Hervée de Lafond et Jacques Livchine ont toujours su créer des spectacles populaires au meilleur sens du terme avec une rare exigence artistique comme, entre autres, leur Kapouchnik, ce cabaret qui, à Audincourt, a connu plus de cent trente éditions mensuelles!  Ouvert à tous sur réservation et  chacun à la sortie donne ce qu’il veut.
Retenu en province pour raisons familiales, nous n’avons pu y assister mais Jean Couturier vous racontera demain ce que fut cette dernière Nuit unique, une autre forme de cabaret qui dure toute une nuit. Créée il y a huit ans déjà au festival d’Aurillac et dont nous vous avions rendu compte (voir Le Théâtre du Blog).

« Souvent, nous nous disons, là on n’ira pas plus loin, c’est fini et pourtant à chaque fois, nous repartons » voulaient croire Hervée de Lafond et Jacques Livchine… Mais hier, ce fut la der des der-forcément très émouvante pour le public et pour ces combattants exemplaires qui n’ont jamais  ménagé les puissants avec des spectacles magistralement décalés, souvent crus mais sans aucune vulgarité. Oui, le Théâtre de l’Unité a bien mérité du théâtre contemporain et sans lui, manquerait une palette haute en couleurs.
 » Les souvenirs sont nos forces, disait Victor Hugo. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux.” Oui, cela fait du bien de se remémorer ces spectacles que nous avons presque tous vus. Aucun mauvais souvenir, même d’un joué en lointaine banlieue parisienne,  inodore et franchement raté, de l’avis même de leurs auteurs. 

Mais ces « métastasés, exténués et de plus de quatre-vingt ans », comme ils le disent eux-même, veulent passer la main à trois collaborateurs, aidés en cela par Martial Bourquin, le maire exemplaire d’Audincourt qui les a toujours aidés. Cette fabrique de théâtre a une belle salle de répétitions,  des bureaux et une merveilleuse grande salle à manger…
Le Théâtre de l’Unité appartient à l’histoire du théâtre contemporain mais souvent aussi à celle des critiques qui l’ont soutenu. Sa dernière création que nous avions pu voir, se passait à l’automne dernier, malgré une météo exécrable dans un ancien théâtre romain…Une adaptation très réussie de L’Assemblée des femmes d’Aristophane, mise en scène par Hervée de Lafond.  Et la toute simple promenade Rimbaud qui l’avait précédée, était aussi une réussite… Et les Ruches, un atelier de formation annuel pour les jeunes, est  un beau succès
Nous souhaitons le meilleur à Hervée de Lafond comme à Jacques Livchine et à ceux auxquels ils ont remis les clés de leur cher Théâtre de l’Unité. A très vite donc, pour un feuilleton sur leur aventure théâtrale: “Les souvenirs d’un homme constituent, disait Adlous Huxley,  sa propre bibliothèque.” Mais  il en aussi commune à tous ceux qui ont vu pendant plus d’un demi-siècle, ses créations. A chaque fois que nous en avons parlé dans une conférence, le public qui regardait des extraits de film ou des photos, des spectacles de l’Unité était sidéré par un mélange d’audace et d’humour cinglant… et cuisiné avec la plus grande rigueur. Un grand merci à Hervée de Lafond et Jacques Livchine pour ce qu’ils auront apporté au théâtre. On attend celui de madame Rachida Dati… Que ceux qui l’ont entendu, nous écrivent.

Philippe du Vignal

Un témoignage de Fred Fort, compagnon de route de la compagnie Annibal et ses éléphants, et de L’Oeil du Baobab

« Nous jouons dans la rue, parce que dans les théâtres, il fait froid. » dit Jacques Livchine, metteur en scène ou plutôt metteur en songes, comme il aime se définir. La météo de cette nuit du samedi 28 juin lui a donné tort. Ce qui ne le perturbe en rien: « Je ne suis pas toujours d’accord avec moi-même. » Il faisait un bon 30° à l’Avant-Seine de Colombes et cette chaleur donnait un air de plage d’été à la scène où matelas et transats pour le public encadraient un couloir réservé aux artistes, hautement surveillé par Hervée de Lafond qui alpagua le premier spectateur qui osa s’y aventurer, avec juste ce qu’il faut de tendresse et moquerie pour gagner la complicité de tous.

Passeront de vingt-trois heures à six heures du matin, des scènes, chansons, chorégraphies et carabistouilles comme seul, le Théâtre de l’Unité  peut se permettre de le faire, en jouant avec l’instant présent, l’ici et maintenant. Avec le même métier et la même  facilité, quand il revisite L’Avare de Molière ou un texte de Blaise Cendrars… Allongé sur les matelas ou calé dans les transats, le public était venu avec  couvertures (qui s’avérèrent bien inutiles par cette canicule), oreillers, gourdes, vêtements de rechange…Ce qui évoqua pour Jacques Livchine, un groupe de réfugiés.
Réfugiés? C’est bien ce que nous étions:  réfugiés du rationnel, réfugiés de l’habituel, réfugiés du déjà-vu: « Avec le Théâtre de l’Unité, c’est toujours autre chose! »Et cet autre chose qui pouvait ressembler à une performance, était en fait un voyage en train. Un souvenir du Transsibérien qu’Hervée et Jacques  empruntèrent autrefois, juste avec leurs instruments de musique. Souvenirs aussi des origines de Jacques dont les parents quittèrent Odessa en 1923. Une bande-son récurrente d’un bruit de locomotive avec de la fumée recouvrant souvent le plateau et enrobant les artistes du manteau évanescent que sont les souvenirs personnels et chansons que l’on a entendues autrefois, à jamais gravées dans nos mémoires… Elles nous rappellent des jours heureux (et on les reprend en chœur) ou des jours plus sombres où se mêlent Jacques Brel et Barbara, ombres furtives le long du grand couloir.

Un voyage, ponctué d’heure en heure, par les grands mystères de l’humanité, le rêve, l’amour, le cauchemar, la mort…Et c’est la grande force et l’étrange beauté de cette Nuit unique où se télescopent la mémoire intime et la vie réelle de chaque artiste, avec les textes d’auteurs judicieusement choisis, comme ceux de Marcel Proust, Henri Michaux, avec Boris Vian en dessous, et Anton Tchekhov, naturellement… Hervée de Lafond  nous parle d’un voyage au Viet nam, pays de sa naissance et Jacques ressuscite son père, pour une énième et bienveillante engueulade…
Fabrice Denys,  qui aimerait en placer une, prend une guitare pour chanter de vieux tubes italiens, alors qu’il vient de poser sa contrebasse, pour accompagner Catherine Fornal au violoncelle. Puis Ludo Estebeguy nous livre son histoire d’amour avec une «carte postale ». Un instant de liberté totale de parole dont chaque interprète s’accapare pour échanger le bonheur d’être là avec nous, cette nuit-là.Puis Léonor Stirman et Mélanie Colin-Cremonesi se remettent au piano.  Julie Cazalas devient Bérénice et régulièrement, Charlotte Maingé nous rappelle avec son corps, tout ce qui se joue, à mesure que nous nous enfonçons dans cette  nuit unique. Six  heures de total abandon à une extrême poésie et à l’humour de l’immédiat. Pas une suite de vignettes mais un paysage qui défile, visuel, sonore, mémoriel, poétique, absurde parfois.  Le public ne s’y trompe pas, même après les fulgurances d’excellents artistes qui chantent aussi bien qu’ils dansent et qui jouent avec profondeur et légèreté. Mais ici, pas d’applaudissements comme après les numéros dans un cabaret. Nous savons tous que c’est une étape du voyage qui prendra fin après les six heures promises. 

Un  très long voyage… Marie Leila Sekri demandant régulièrement à Jacques : « C’est encore loin , Montmartre? » Six heures qui peuvent sembler longues mais on peut dormir et manger. Hervée de Lafond nous ramène systématiquement vers Hanoï et la baie d’Along et en profite pour offrir des nems. Jacques Livchine, lui,  revient toujours vers Odessa, Léon Tolstoï, Piotr Tchaïkovski…  Et fait chauffer des blinis qu’il nous sert avec un petit verre de vodka. Mais inexorablement, la locomotive ralentit… Tous les acteurs voudraient encore chanter, danser, rire avec le public mais aucun d’eux n’arrive à dire le mot de la fin! Et se mettre en place pour les saluts leur semble impossible.  Le public voudrait lui aussi que ce voyage dure…

© Quesemand

© Quesemand   Hervée de Lafond à la fin de cette Nuit unique

Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Hervée et Jacques,  quatre-vingt deux ans chacun, l’ont prouvé une dernière fois, ce samedi 28 juin avec cette dernière Nuit unique et la dernière représentation du Théâtre de l’Unité! Le public, debout, applaudit très longuement et personne ne veut quitter le train. Assise sur un tabouret, Hervée est remplie d’une énorme émotion, comme si elle portait la somme de toutes celles qu’elle a suscitées depuis soixante ans d’Unité. Les yeux commencent à se mouiller mais après quelques minutes, elle fait arrêter ce fracas de gratitude…
Elle sent bien que sinon, cela ne s’arrêterait pas. Ce n’est plus cette nuit qui est unique mais aussi ce moment où l’on doit se séparer -et définitivement- de tout ce qui s’est joué entre le public et cette compagnie sur plusieurs décennies. et que l’on essaye de retenir  en tapant dans ses mains. Pour faire fi de tout cela, le cœur sûrement trop gros, elle donne au public les consignes de rangement: plier les transats et rouler les matelas…pour toujours. Nous ne réfugierons plus, loin de la bêtise et de la fureur du monde, dans les nuits chaudes et bouleversantes du Théâtre de l’Unité….

Fred Fort, compagnon de route des compagnies Annibal et ses Éléphants, et de L’Oeil du Baobab.
 
*L’Avant-Seine de Colombes est l’un des rares théâtres municipaux à programmer des spectacles créés dans un espace public. Chaque année, Samia Doukali se rend en juillet au festival Chalon dans la rue et en rapporte des pépites. Le public a ainsi découvert Opéra Pagaïe, La Française de Comptage, le Théâtre de l’Unité, le Groupe Berthe, Bitonio, Nicolas Turon,… Et  la saison prochaine, viendront, entre autres, Margo Chou, Typhus Bronx, la compagnie Opus…

 


Archive pour 30 juin, 2025

Journée à 35°, je me prélasse…

Journée à 35 °, je me prélasse…Je me dis que cela fait presque vingt ans que, tous les samedis, je philosophe sur l’état du monde et par conséquent, sur mon état. A 12 h 45, j’ai presque une sensation de douceur de vivre… Mais en ai-je le droit? Cela continue Gaza et l’étouffement, l’Ukraine, le Soudan… et mon impuissance totale. Et puis, cela y est, Israël bombarde l’Iran! Que penser de tout cela ? Les mollahs promettent de détruire Israël, aussitôt qu’ils auront l’arme nucléaire… Au moins, c’est clair.

© Phil Lovy Jacques Livchine joue Donald Trump au Kapouchnik

© Phil Lovy Jacques Livchine en Donald Trump au dernier Kapouchnik

Mon entourage de tous les jours est indifférent. Rien à foutre, disent-ils, c’est pas chez nous, on ne sait même pas où est l’Iran…  Les j’m’en-fichistes, est le parti le plus important en France…
Les élections européennes ou municipales, rien à foutre! Une possible dissolution  du gouvernement, rien à foutre… Et quand un Arabe ou un migrant tue quelqu’un, leur haine envers les étrangers monte.
Mais quand une jeune surveillante est assassinée par Julien, un jeune blanc de quatorze ans, ils disent: c’est malheureux mais c’est la vie, et cela n’empêchera pas nos salades de pousser.

Sociologue amateur, je connais tous les clivages. Pascal Praud, Hanouna, ça leur plait. Mais France Inter et le service public, Quotidien de Yann Barthes, rien à foutre, c’est pas pour eux. Télé 7 jours, oui, mais pas Télérama. Le Kapouchnik, notre cabaret mensuel, certains j’m’en-fichistes y viennent mais surtout pour rire. Il y a en a un- on se connait par chiens interposés- m’a avoué : c’est mon seul journal chaque mois…

Jacques Livchine, co-directeur avec Hervée de Lafond du Théâtre de l’Unité à Audincourt (Doubs).

 
 

  

 
 
 
 
 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...