Festival d’Avignon Le Problème lapin, Cartographie 7 de Frédéric Ferrer
Le Problème lapin, Cartographie 7 de Frédéric Ferrer
Si vous voulez tout savoir sur le lapin, vous trouverez la réponse. Y compris aux questions que vous ne vous posez pas, par exemple, sur les effets interstellaires de son existence terrestre. Ou celles qui ont permis aux plus grands mathématiciens, d’inventer les « maths modernes » (véridique) à partir de la courbe de reproduction du lapin. Censée monter très vite mais croisant celle tout aussi rapide de sa destruction par ses prédateurs. Belle sinusoïdale (avec tableau à l’appui). L’équation se résout ainsi : plus il y a de lapins, moins il y a de lapins. C.Q.F.D., cherchez…
Commençons par le début, s’il en existe un, de cette histoire sans fin. Frédéric Ferrer pratique un théâtre tout à fait particulier : la conférence illustrée avec un «power point», rigoureusement scientifique et irrésistiblement drôle. Avant Les Cartographies, l’auteur avait suivi de très près les grandes conférences sur le climat et a créé, entre autres ( voir Le Théâtre du Blog) Kyoto Forever (2008) et Kyoto forever II, superproduction internationale portée par des comédiens tous issus des pays représentés à la C.O.P. (« conférences des parties » sur le climat).
Dissections diplomatiques et résolutions finales bâclées pour aboutir à un texte commun, puisqu’il le faut, et reproduites quasi à l’identique… Mais revenons à nos lapins, comme dirait Maître Pathelin. Deux images de lapins (différents) nous attendent sur les écrans, paisibles, au repos. Le travail peut commencer : une fois éliminée la question du lièvre-qui-n’est-pas-un-lapin (il gîte et ne creuse pas de terrier), Frédéric Ferrer et Hélène Schwartz vont développer, parfois de façon divergente, les origines, variétés, tours et détours de l’animal, et l’état de la recherche et de la pensée sur lui…
La tâche devient vite touffue, labyrinthique, contradictoire, dialectique, encyclopédique, sérieuse et même effrayante, bouffonne, inquiétante, inépuisable…Vous apprendrez que, tout ce qu’on a inventé pour produire du lapin, a tourné à la prolifération et que, tout ce qui a été fait pour l’éliminer, a, pour le moment, échoué: le lapin sauvage, ou commun, est classé à la fois, et parfois sur le même territoire, animal nuisible (à détruire) et espèce menacée (à protéger).
L’humanité « civilisée » refuse de plus en plus de se nourrir de cette viande saine, bon marché et qui ménage la planète (enfin, c’est selon…) et la santé des consommateurs. Sous prétexte que, depuis qu’on a inventé le «doudou», autre moyen de faire taire les bébés avec la tototte (ou tétine), le lapin est devenu « mignon », donc symboliquement impropre à la consommation.
On y revient : ce qui fait la force de spectacles comme L’Atlas de l’anthropocène dont Le Problème lapin est la Cartographie 7 et des autres, comme A la Recherche des canard perdus et en 2026, Géopolitique du petit pois)…. est un travail de documentation colossal. Pire, il est sans cesse remis en question, discuté. Et les deux interprètes incarnent ces questions, discussions et tiraillements. Ils ont droit à leurs moments d’information, digressions: « laisse-moi finir » et illustrations tirées de l’Histoire de la peinture (sans Le Lièvre d’Albrecht Dürer, puisque c’est un lièvre).
Des conclusions-toujours provisoires-s’affichent en lettres comminatoires sur les écrans. C’est dire la richesse de cette conférence et la rigueur avec laquelle les orateurs la tiennent pour en venir à bout, ou du moins, à un bout.
En un mot-mais on n’y arrivera pas- donc en quelques mots : plus que de la science amusante, Le Problème lapin nous apporte à jet continu et sans une seconde de trop, un «gai savoir», une belle échappée de philosophie pour tous, des aperçus mathématiques aussi vertigineux qu’excitants et les réponses à trente questions tirées au sort parmi des centaines (mais rien, ce jour-là, sur l’expression : poser un lapin : il faut bien garder une petite frustration ! Frédéric Ferrer et Hélène Schwartz sont là, solides au rendez-vous : à nous de ne pas les manquer. Et on est prié de guetter toutes les Cartographies, anciennes et nouvelles qui passeront vers nos horizons.
Christine Friedel
Théâtre des Halles, Avignon, jusqu’au 26 juillet (relâche les 16 et 23 juillet). T. : 04 32 76 24 51.
Les 18 et 19 novembre, Quai des arts, Pornichet et le 25, L’Odyssée, Orvault (Loire-Atlantique) ; le 26 au T.H.V. à Saint-Barthélémy d’Anjou (Maine-et-Loire) ; le 27 au Théâtre de Laval, Centre National de la Marionnette ( Mayenne).
Le 6 janvier, salle Jacques Brel, Montigny-le-Bretonneux et le 19 janvier, Théâtre Armande Béjart, Maisons-Lafitte (Yvelines).
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