Festival d’Avignon Ça ne se fait pas de Marie de Dinechin et Gabriel Chirouze, mise en scène de Frédéric Fisbach.

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Ça ne se fait pas de Marie de Dinechin et Gabriel Chirouze, mise en scène de Frédéric Fisbach

 

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Ces solos, l’un avec Lucile Roche et le suivant avec Jean Destem ont été créés dans le cadre d’Aux singuliers au Théâtre national de la Colline en octobre dernier. Six projets mis en scène par Frédéric Fisbach, avec une rare efficacité. Sur le plateau nu, juste une chaise pour un exercice virtuose. Le premier texte Quand un pigeon a manqué de me crever l’œil ou comment j’ai voulu faire quelque chose  pour un personnage de quatorze ans. Assise sur une chaise en bois, enfin plutôt souvent sur le dos de cette chaise et dans toutes les positions mais sans jamais en descendre même un instant, Lucile Roche raconte face public son envie «de faire quelques chose ». Diction et gestuelle impeccables pour dire ce texte poétique .

 

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La jeune et brillante comédienne s’éloigne pour laisser la place à Gabriel Chirouze avec Années Fleetwood Mac.  Il raconte l’histoire des premières fois: celle de gens qui se ratent et d’un jeune homme qui se cherche. Il fait des braquages, se prostitue et retrouvera des années plus tard une fille qu’il avait rencontrée dans une soirée. Jean Destrem, au contraire de Lucile Roche, n’arrête pas, lui,  de parcourir le plateau noir, les yeux pétillants de malice face public, avec lui aussi, une diction et une gestuelle très maîtrisées. Cela dure une heure et demi et on ne ne s’ennuie pas. Mais Frédéric Fisbach aurait sans doute à intérêt à jouer un peu du sécateur et à resserrer les boulons, surtout à la fin du spectacle. Mais allez voir ces jeunes acteurs, à la fois complices et au jeu antinomique, mais passionnants…
Que deviendront-ils? Il y a incontestablement chez eux de la graine de bons et solides interprètes. C’est le mérite des grands lieux du off d’offrir une telle rencontre avec un public aussi diversifié que généreux. Et dans de très bonnes conditions scéniques. Oui, c’est tôt mais ne vous privez pas d’un tel plaisir et tous les critiques vous le diront : on voit bien mieux un spectacle à neuf heures cinquante… qu’à vingt-deux heures, surtout par la canicule actuelle. 

Philippe du Vignal

Jusqu’au 24 juillet, au 11, boulevard Raspail, Avignon, à 9 h 50, relâche le 18 juillet.

 


Archive pour 14 juillet, 2025

Festival d’Avignon The last of The Last of Soviets de Svetlana Alexievich, conception et mise en scène de Petr Bohac

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The last of the Soviets de Svetlana Alexievich, conception et mise en scène de Petr Bohac

Fondé sur des extraits de romans de l’écrivaine prix Nobel « pour son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage à notre époque », ce spectacle a reçu le premier prix au festival Fringe d’Édimbourg. Le thème: deux acteurs russes exilés à Prague depuis longtemps, parlent de la cruauté de la vie dans leur pays avec un humour cinglant pour  décrire les événements vécus par les Russes « pendant soixante-dix ans, on les a trompés, puis pendant vingt ans encore, on les a volés.» et à la fois les relativiser… Un spectacle proche d’une performance mais teinté d’absurde dans la ligne de Jaroslav Hašek (1883-1923)  romancier et journaliste libertaire tchèque, auteur du célèbre Soldat Schweik. C’est essentiellement un théâtre d’objets au meilleur sens avec des modèles réduits : arbres, maisons, voitures, personnages…qui est aussi fondé sur des souvenirs et témoignages de guerre et de l’Union soviétique en faillite. Avec de fréquentes références au Journal Télévisé, grande messe de l’information contrôlée, et à la nourriture. Les artistes offrent au public quelques gâteaux et verres de vodka…

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Assis à une table, les présentateurs (Inga Zotova-Milkshina et Roman Zotov-Mikshin) nous parlent de la vie en Russie, juste après la catastrophe de Tchernobyl. Mais ce qu’ils disent, est soutenu par une manipulation très précise d’objets miniatures qu’une caméra filme de près et qui sont retransmis sur grand écran…Le modèle réduit cher à Lévi-Strauss fonctionne ici remarquablement: « A l’inverse, écrivait-il dans La Pensée sauvage (1923)  de ce qui se passe quand nous cherchons à connaître une chose ou un être en taille réelle, dans le modèle réduit, la connaissance du tout précède celle des parties. Et même si cest là une illusion, la raison du procédé est de créer ou d’entretenir cette illusion, qui gratifie l’intelligence et la sensibilité d’un plaisir qui, sur cette seule base, peut déjà être appelé esthétique. (…) Autrement dit, la vertu intrinsèque du modèle réduit est qu’il compense la renonciation à des dimensions sensibles par l’acquisition de dimensions intelligibles ». Oui, peut-être avons-nous l’impression de mieux percevoir les choses et, sans que nous le sachions, comme dit Claude Lévi-Strauss, « nous sommes transformés en agents ».
Le procédé du modèle réduit filmé, a déjà été utilisé au théâtre mais, à chaque fois, les adultes que nous sommes et/ou les enfants que nous avons été, restons fascinés, même quand nous ne sommes pas comme ici tout à fait de la paroisse… 
Un petit garçon de cinq ans nous avait dit à propos des maquettes de gares reproduites dans le mensuel La Vie du rail : «Les petits bonhommes comme cela, sont plus vrais que les grands comme nous. » Ici, ce travail est remarquable d’efficacité et en parfaite liaison avec le texte teinté d’absurde. Un ballet foutraque d’une gestuelle un peu sèche clôt le spectacle mais est sans doute moins convaincant. Ne ratez pourtant pas l’occasion d’aller voir cette compagnie tchèque …

Philippe du Vignal

La Manufacture, Château de Saint-Chamand, Avignon jusqu’au 22 juillet, jours pairs; navette porte Saint-Laare à 13 h 55. T. : 04 90 85 12 71.

 

 

 

Festival d’Avignon: Mami, création et mise en scène de Mario Banushi

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Mami, création et mise en scène de Mario Banushi

Une pièce sans paroles d’une heure dix. Enfant, Mario Banushi a grandi avec plus d’une mère. Il avait à peine un an quand il a été confié à sa grand-mère qui l’a élevé jusqu’à ses treize ans. Puis il a déménagé avec sa mère à Athènes et a grandi au-dessus de la boulangerie où elle travaillait, entouré de femmes de toute générations. C’est à elles-une figure maternelle aux mille visages-que Mami veut rendre hommage. “J’ai d’abord partagé avec mes artistes, des souvenirs personnels. Je leur ai expliqué pourquoi je voulais créer cette pièce et ce qu’elle représentait pour moi. Je leur ai raconté les images que j’avais de ma mère, sage-femme en Albanie. (…) A quoi ressemble le moment de l’accouchement? Que ressent-on, en entendant le premier cri ? J’ai grandi entouré de ces histoires. Mami parle de la naissance et de la vie ; dans mes autres pièces, il était question de douleur et deuil. A mes interprètes, j’ai raconté comment j’ai été élevé, la déchirure qu’a été mon départ d’Albanie.”

 

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Ce spectacle tourne autour de la figure maternelle, d’abord cette sage-femme qui travaillera ensuite dans une boulangerie à Athènes. On découvre ici un théâtre d’images fortes: un bonheur pour un photographe… Un no man’s land traversée par un chemin de terre avec juste un lampadaire et une cabane rudimentaire en briques: scénographie de Sotiris Melanos très réussie. Plusieurs tableaux de grande qualité vont se succéder avec comme dénominateur commun, des images de la femme. Une qui accouche, une âgée à la dérive, une jeune amoureuse… La nudité très présente n’est jamais vulgaire ni gratuite. n retiendra de belles images comme cette femme âgée dépendante nettoyée par un jeune homme, ou cette union pudique sous un voile transparent d’un corps féminin avec un corps masculin, et ensuite avec douceur, un autre corps masculin.
Un femme nue plonge la tête dans un grand bocal d’eau et nous interroge du regard. Bruits et lumières d’un feu d’artifice: nous avons aussitôt l’impression d’appartenir à une fête un peu triste mais à chacun d’interpréter ce récit. Ce metteur en scène de vingt-cinq ans sait maîtriser les outils théâtraux et ses interprètes sont très engagés dans ce théâtre d’images. Mais manque ici une véritable émotion et nous sommes restés un peu extérieur à cette histoire, même si certaines images rappellent celles de Romeo Castelluci. Il faudra suivre le travail de Mario Banuschi..

Jean Couturier

Jusqu’au 18 juillet, gymnase du lycée Aubanel, Avignon.

Festival d’Avignon America,chorégraphie de Martin Harriague avec le Ballet de l’Opéra du Grand Avignon

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America, chorégraphie de Martin Harriague avec le Ballet de l’Opéra du Grand Avignon

Nous connaissons cet artiste depuis le premier concours des jeunes chorégraphes à Biarritz (voir Le Théâtre du Blog). Pour Prince, il avait reçu le Prix du public  et le second Prix du jury, ce qui lui avait permis d’avoir en 2016 une résidence d’un mois au Malandain Ballet Biarritz pour une création de vingt minutes.
Depuis, il a été reconnu avec Sirènes, Fossiles, Walls… au festival Le Temps d’aimer la Danse à Biarritz et avec Le Sacre du Printemps à Chaillot-Théâtre National de la Danse… Cette année, il a reçu le Grand prix du Syndicat de la critique (meilleur spectacle chorégraphique) pour Crocodile et, en septembre 2024, a été nommé directeur du Ballet de l’Opéra Grand Avignon.

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Cette pièce traduit avec humour son obsession d’un homme politique comme Donald Trump qui risque d’amener notre planète au désastre. Martin Harriague a réussi une chorégraphie à la fois engagée et esthétique, avec onze interprètes, tous excellents. Et sur grand écran numérique, défilent les images de l’ascension de Trump avec ses phrases trop souvent entendues depuis sa réélection, comme: « America great again ».
Les journalistes politiques ont analysé depuis longtemps ce phénomène médiatique comme l’étaient Hitler ou Staline. Mais l’Europe doit à ce pays il y a juste quatre-vingt ans, sa liberté et elle a oublié que les Etats-Unis se sont construits sur des massacres. Martin Harriague le rappelle avec une première série d’images-choc… Le vent de liberté qui y soufflait dans les années soixante-dix est bien loin. On retient aujourd’hui la suffisance et la vulgarité sans limite de Donald Trump qui gagne l’Europe et ses dirigeants. Les images provocantes de ce président intouchable sont ici contrebalancées par une danse sensible et poétique avec de très beaux moments. Le public a salué debout cette pièce où il faut souligner l’intégration de la gestuelle de Trump. Merci à Martin Harriague, un des chorégraphes français les plus engagés…

Jean Couturier

Le spectacle a été joué du 5 au 13 juillet à la Scala-Provence Avignon.

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