La Guerre n’a pas un visage de femme d’après Svetlana Alexievitch, traduction de Galia Ackerman et Paul Lequesne, version scénique de Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyvos, mise en scène de Julie Deliquet

La Guerre n’a pas un visage de femme d’après Svetlana Alexievitch, traduction de Galia Ackerman et Paul Lequesne, version scénique de Julie André, Julie Deliquet, Florence Seyvos, mise en scène de Julie Deliquet

Cela se passe dans un de ces nombreux « kommunalka »,ces appartements communautaires  apparus juste après la Révolution de 1917. Après 45, le gouvernement décide que les citoyens vont vivre ensemble et réquisitionne de grands appartements privés ou réaménage des appartements d’État… Les familles ont des chambres particulières où elles s’entassent mais doivent se partager cuisine, toilettes et salle de bains! Avec tous les conflits, que cette promiscuité peut engendrer. Dans ces logements sordides aux installations d’électricité et plomberie obsolètes, le linge de tous sèche sur des cordes juste sous le plafond de la cuisine…

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Zoé Pautet et Julie Deliquet ont conçu une impressionnante scénographie hyperréaliste avec une accumulation d’appareils ménagers, bassines, casseroles, assiettes et couverts, petits meubles de rangement,valises, vêtements entassés sur des rayonnage, lits une place et des centaines d’objets, livres,  valises bon marché, piano droit dans le fond, vielles chaises dépareillées en bois et tabourets en stratifié qui font toujours le bonheur des metteurs en scène quand ils veulent évoquer les années cinquante. Du linge sèche près du plafond sur des cordes. Murs peints il y a a très longtemps, lumière grisâtre et tristesse garanties…  Impressionnant de vérité!

Comme Svetlana Alexievitch dans son livre, une écrivaine (Blanche Ripoche) cahier et crayon à la main introduit puis conduira ce récit. D’abord sagement alignées et assises face public, Valentina, Olga, Antonina, Tamara, Alexandra, Lioudmilla, Klavdia, Nina et Zinaïda qui ne se sont jamais vues, vont apprendre à se connaître pendant ces deux heures quarante…
Venues
de Russie, Ukraine, Biélorussie, Russie, elles ont participé à la seconde guerre mondiale contre les nazis après le pacte germano-soviétique rompu en 41. Souvent, en première ligne du front, parfois très jeune (quinze ans!), ce million -au moins- de brancardières, infirmières, médecins, agents de renseignements, pilotes d’avion, tireuses d’élite, vivait dans les pires conditions d’hygiène, surtout quand elles avaient leurs règles. Comme les hommes, elles ont connu la guerre de près et la mort, mai n’ y ont pas toutes échappé.

Ces  neuf femmes d’âge et condition sociale différente racontent ici l’enfer au quotidien qu’elles ont subi, avec une solidarité exemplaire: relations parfois difficiles avec leurs camarades masculins, allongés sur des lits d’hôpital et des images insupportables : nombreuses amputations de soldats, corps déchiquetés par des mines, enfants confrontés à l’horreur comme ce petit garçon auprès du corps de sa mère qui a été tuée, purges de 37 dans l’armée, envoi au goulag pour les contestataires, haine de leur belle-famille, une fois la paix revenue qui les regardait comme des putes à soldats… Bref, rien ne leur sera épargné, même pas abensce d’une quelconque reconnaissance officielle ! Comme dit le titre: la guerre n’a pas un visage de femme… Ecrit par Svetlana Alexievitch en 85, soit quarante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, ce premier livre d’elle rassemble les témoignages de ce million de femmes qui, à la cinquantaine, ont eu envie de dire ce qu’elles avaient vécu loin, bien loin des textes officiels.

Cette adaptation regroupe des monologues qui se croisent, rebondissent ou sont interrompus par une de ces femmes qui a subi une même expérience et qui l’approuve ou la consteste. Une voix individuelle et collective où il n’y a aucun vedettariat. Seul point commun, elles veulent toutes dire combien elles ont été marquées dans leur corps et leur esprit par ces années de guerre.
Un récit d’une grande richesse, tant leurs expériences sur le front ont été diverses. Et il y a une bande d’actrices toutes excellentes et crédibles: Julie André, Astrid Bayiha, Marina Keltchewsky, Odja Llorca, Marie Payen, Amandine Pudlo, Agnès Ramy, Blanche Ripoche, Hélène Viviès, et la grande Evelyne Didi, absolument exceptionnelle et souvent bouleversante. Et quand l’une d’elle parle, toutes les autres sont très attentives, ce qui n’est pas si fréquent dans une distribution…Et il y a des moments où l’émotion gagne le public de Saint-Denis souvent jeune qui doit pourtant avoir une connaissance très approximative de l’histoire de la seconde guerre mondiale vécue par leurs grand-parents alors enfants.Miracle du théâtre…
Julie Deliquet les dirige bien et il n’y a aucun temps mort.. Et les costumes: remarquables robes, chaussures, pantalons de
 Julie Scobeltzine sont d’une tristesse absolue, gris, jaunes pâle ou maronnasses comme on en voyait encore en Russie ou en Pologne il y a une vingtaine d’années, sont en parfaite harmonie avec l’absende de couluers vives de cette cuisine collective où elle sont, pour un temps, réunies.
L’esprit du texte de Svetlana Alexievitch est parfaitement respecté et les actrices semblent avoir vraiment connu une triste période de l’humanité, il y a maintenant plus de quatre-vingt ans: de toutes ces combattantes au courage exemplaire qui ont témoigné pour Svetlana Alexievitch, très peu doivent être encore en vie…
En filigrane, bien sûr, les bégaiements de l’Histoire et on pense à toutes ces femmes, jeunes ou moins en Ukraine comme à Gaza qui souffrent au quotidien, victimes d’opérations initiées par des hommes et qui, malgré toutes les horreurs de la guerre, continuent à lutter pour leur pays.
C’est un bon spectacle, souvent statique, au moins du début, et surtout trop long qui aurait mérité des coupes et parfois un peu d’air… Julie Deliquet aime faire dans la longueur mais une fois de plus, elle maîtrise mieux l’espace, que le temps et la dernière partie manque de rythme…Il y a sans doute un glissement vers  une sorte de dialogue mais cela ne fonctionne pas et tourne souvent au brouhaha, voire aux criailleries. Et c’est dommage… Pourtant, et heureusement, ces monologues croisés sans pause ni entracte, ont été suivis dans un silence complet et ont très applaudis par le public, surtout par les nombreux jeunes, ce samedi après-midi. Ce qui est rare au théâtre actuellement.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 17 octobre, Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Théâtre National de Nice, Centre dramatique national Nice-Côte d’Azur (Alpes-Maritimes) .Les 8 et 9 janvier. MC 2: Maison de la Culture de Grenoble ( Isère) Scène nationale. Les 14 et 15 janvier, Les Célestins- Théâtre de Lyon ( Rhône) du 21 au 31 janvier

Comédie de Saint-Étienne, Centre Dramatique National (Loire), les 4 et 5 février. Théâtre de Lorient-Centre Dramatique National (Morbihan), les 10 et 11 février, Comédie de Genève (Suisse) du 18 au 20 février. Scène nationale Chambéry-Savoie, les 25 et 26 février. Théâtre Dijon Bourgogne, Centre Dramatique National ( Côte-d’Or), du 3 au 7 mars.

Comédie de Caen, Centre Dramatique National de Normandie ( Calvados) les 11 et 12 mars. Le Grand R, Scène nationale, La Roche-sur-Yon (Vendée). Les 18 et 19 mars. L’Archipel, Scène nationale, Perpignan (Pyrénées Orientales). Le 27 mars. Théâtre de la Cité, Centre Dramatique National de Toulouse-Occitanie (Haute-Garonne) du 31 mars au 3 avril. Comédie de Reims-Centre Dramatique National, du 8 au 10 avril

La Ferme du Buisson, Scène nationale, Noisiel (Seine-et-Marne) le 14 avril. Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge ( Essonne)le 17 avril. Nouveau Théâtre de Besançon, Centre Dramatique National (Doubs) les 22 et 23 avril. La Rose des vents- Scène nationale, Lille Métropole, Villeneuve d’Ascq ( Nord) les 28 et 29 avril.

Équinoxe, Scène nationale, Châteauroux (Indre) le 5 mai.

La Guerre n’a pas un visage de femme est paru aux éditions J’ai lu.

 

 

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