Joséphine vue par Germaine,chorégraphie d’Alesandra Seutin, mise en scène de Mikael Serre

Joséphine vue par Germaine, chorégraphie d’Alesandra Seutin, mise en scène de Mikael Serre

 Germaine Acogny a célébré à sa manière le centenaire de La Revue nègre (1925) avec un solo inédit. Cette variation de près d’une demi-heure de théâtre-danse était donnée en première partie du Sacre du printemps (1975) de Pina Bausch, prêtresse de la danse-théâtre, variante de la version originelle de Vaslav Nijinski qui fut créée ici-même en 1913. Il convient de préciser que ce ballet a été dansé par l’École des sables, établissement fondé en 2004 par Germaine Acogny et son mari Helmut Vogt au bord de la lagune à Toubab Dialaw, à cinquante kilomètres de Dakar. La musique d’Igor Stravinsky a été remarquablement restituée par l’orchestre symphonique Les Siècles dirigé par Giancarlo Rizzi.

© N.V.

© N.V.

Sobrement vêtue d’une robe ocre sans manches, le crâne déplumé tel celui d’un bonze ou d’une nonne vouée à Terpsichore, la danseuse monte sur scène depuis la salle, côté jardin ; elle tient à la main une poupée Ashanti, symbole de fertilité, donc aussi de création ; elle invoque les ancêtres, les dieux et les monstres sacrés du théâtre ; elle caresse doucement le rideau de fer plaqué galvanisé de la salle à l’italienne ; elle répand des fleurs sur la scène bénie où s’étaient produits, naguère, Nijinski, Baker, Börlin et tant d’autres. Une porte-miroir pouvant signifier le passage de Joséphine Baker, du statut de chorus girl à celui de vedette du spectacle et, comme telle, ayant droit à une loge individuelle équipée d’un miroir de maquillage rétroéclairé par des spots de couleur. Suggérant aussi la porte que Joséphine avait forcée et contribué à ouvrir aux Noirs d’Amérique au temps de leur ségrégation, les établissements publics leur étant prohibés jusqu’au mitan des sixties.

 En plusieurs tableaux chorégraphiques, quelques mots prononcés par Joséphine ou tirés de ses mémoires, peu de tenues signées, signées Paloma (chaussettes, justaucorps, perruque de la période Bobino), un minimum d’éléments de décor et accessoires, Germaine passe de l’invocation à l’évocation de la star des Années folles, de la vedette écranique, la résistante de la seconde guerre mondiale, la mère de famille nombreuse à la tête de la fameuse tribu arc-en-ciel, la combattante contre la «discrimination raciale, religieuse et sociale », objet de ses discours, à la Mutualité en 1953 et à la tribune de la Marche de la liberté à Washington dix ans plus tard, au côté de Martin Luther King, et l’objet de Panthéonisation. Le solo de Germaine Acogny a été en lumière par Fabiana Piccioli et Enrico Bagnoli. Il a été accompagné d’une magnifique composition musicale et percussive de Fabrice Bouillon-LaForest, qu’on eût préféré voir en  »live ».

 Double retour aux sources : à celles, afro-américaines, du charleston et des balades swing (le thème de Vincent Scotto J’ai deux amours est stylisé au piano), à celles africaines et afro-contemporaines de la technique Acogny, lesquelles ont en commun de descendre « bas dans le sol (…) en ondulant de la colonne vertébrale ». De toute évidence, Germaine Acogny n’a pas cherché à imiter son modèle. Elle a aussi voulu éviter les clichés et les figures qui lui furent imposés à ses débuts, notamment la ceinture de bananes qui est, littéralement, jetée à terre. La tonalité mélancolique du tribut de Germaine l’a emporté sur les aspects comiques, joyeux, provocateurs, sexy, propres qu’on le veuille ou non à Joséphine. On a fort heureusement retrouvé sa qualité de danse, sa fluidité de mouvement.

Nicolas Villodre

Spectacle présenté du 24 au 28 septembre au Théâtre des Champs-Élysées, 15 avenue Montaigne, Paris (VIII ème). T. : 01 49 52 50 50.


Archive pour 2 octobre, 2025

Joséphine vue par Germaine,chorégraphie d’Alesandra Seutin, mise en scène de Mikael Serre

Joséphine vue par Germaine, chorégraphie d’Alesandra Seutin, mise en scène de Mikael Serre

 Germaine Acogny a célébré à sa manière le centenaire de La Revue nègre (1925) avec un solo inédit. Cette variation de près d’une demi-heure de théâtre-danse était donnée en première partie du Sacre du printemps (1975) de Pina Bausch, prêtresse de la danse-théâtre, variante de la version originelle de Vaslav Nijinski qui fut créée ici-même en 1913. Il convient de préciser que ce ballet a été dansé par l’École des sables, établissement fondé en 2004 par Germaine Acogny et son mari Helmut Vogt au bord de la lagune à Toubab Dialaw, à cinquante kilomètres de Dakar. La musique d’Igor Stravinsky a été remarquablement restituée par l’orchestre symphonique Les Siècles dirigé par Giancarlo Rizzi.

© N.V.

© N.V.

Sobrement vêtue d’une robe ocre sans manches, le crâne déplumé tel celui d’un bonze ou d’une nonne vouée à Terpsichore, la danseuse monte sur scène depuis la salle, côté jardin ; elle tient à la main une poupée Ashanti, symbole de fertilité, donc aussi de création ; elle invoque les ancêtres, les dieux et les monstres sacrés du théâtre ; elle caresse doucement le rideau de fer plaqué galvanisé de la salle à l’italienne ; elle répand des fleurs sur la scène bénie où s’étaient produits, naguère, Nijinski, Baker, Börlin et tant d’autres. Une porte-miroir pouvant signifier le passage de Joséphine Baker, du statut de chorus girl à celui de vedette du spectacle et, comme telle, ayant droit à une loge individuelle équipée d’un miroir de maquillage rétroéclairé par des spots de couleur. Suggérant aussi la porte que Joséphine avait forcée et contribué à ouvrir aux Noirs d’Amérique au temps de leur ségrégation, les établissements publics leur étant prohibés jusqu’au mitan des sixties.

 En plusieurs tableaux chorégraphiques, quelques mots prononcés par Joséphine ou tirés de ses mémoires, peu de tenues signées, signées Paloma (chaussettes, justaucorps, perruque de la période Bobino), un minimum d’éléments de décor et accessoires, Germaine passe de l’invocation à l’évocation de la star des Années folles, de la vedette écranique, la résistante de la seconde guerre mondiale, la mère de famille nombreuse à la tête de la fameuse tribu arc-en-ciel, la combattante contre la «discrimination raciale, religieuse et sociale », objet de ses discours, à la Mutualité en 1953 et à la tribune de la Marche de la liberté à Washington dix ans plus tard, au côté de Martin Luther King, et l’objet de Panthéonisation. Le solo de Germaine Acogny a été en lumière par Fabiana Piccioli et Enrico Bagnoli. Il a été accompagné d’une magnifique composition musicale et percussive de Fabrice Bouillon-LaForest, qu’on eût préféré voir en  »live ».

 Double retour aux sources : à celles, afro-américaines, du charleston et des balades swing (le thème de Vincent Scotto J’ai deux amours est stylisé au piano), à celles africaines et afro-contemporaines de la technique Acogny, lesquelles ont en commun de descendre « bas dans le sol (…) en ondulant de la colonne vertébrale ». De toute évidence, Germaine Acogny n’a pas cherché à imiter son modèle. Elle a aussi voulu éviter les clichés et les figures qui lui furent imposés à ses débuts, notamment la ceinture de bananes qui est, littéralement, jetée à terre. La tonalité mélancolique du tribut de Germaine l’a emporté sur les aspects comiques, joyeux, provocateurs, sexy, propres qu’on le veuille ou non à Joséphine. On a fort heureusement retrouvé sa qualité de danse, sa fluidité de mouvement.

Nicolas Villodre

Spectacle présenté du 24 au 28 septembre au Théâtre des Champs-Élysées, 15 avenue Montaigne, Paris (VIII ème). T. : 01 49 52 50 50.

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