FAUSTX, adaptation, mise en scène et conception de Brett Bailey
FAUSTX, adaptation, mise en scène et conception de Brett Bailey
Deux Faust sud-africains joués à quelques semaines d’intervalle, celui, historique, de William Kentridge au Théâtre de la Ville ( voir Le Théâtre du Blog et celui de Brette Bailey à Nanterre. Tous les deux sont aussi artistes, et quels artistes ! En août dernier, à l’invitation du Kunstfest de Weimar où se trouvent la tombe de Goethe et celle de Schiller, Brette Bailey a mis en scène son Faust, révélant, au-delà de l’évidente universalité du mythe, la force d’actualité du poème.
Il était une fois, donc, un savant lassé et déçu qui joue sa dernière carte : accepter l’aide de Méphistophélès, l’envoyé du Diable. La proposition : il accèdera à toutes les connaissances, de omni re scibilic(en plus de son propre capital-savoir), à toutes les jouissances, mais en échange de son âme, le jour où il se sentira satisfait et comblé. Ce qui n’arrive jamais, sinon, chez Goethe, par l’intercession de Marguerite (voir le premier Faust) que Bailey ne reprend pas dans sa mise en scène. « Toujours plus », désir sans fin, envie d’avoir envie propre à la chanson populaire et, au XIX ème siècle croissance exponentielle et accélération…
Cela commence par une image qu’on pourrait qualifier de « brechtienne » : les ouvriers du spectacle sont alignés face public, dans leurs vêtements de travail un peu à l’ancienne. Puis on découvre un Faust d’âge mûr, rêveur, accroupi au premier plan, au centre, comme dans une image pieuse. Il mettra un masque, que porte déjà son acolyte un peu facétieux, l’envoyé du diable, à son service le temps du « pacte ».
Tout le spectacle se déroule ainsi, comme un livre d’images pour enfants dont on tournerait les pages, en alternance avec des moments de cinéma. Du vrai cinéma, pellicules rayée et sauts d’images, mais vrai piège qui se dénonce lui-même avec l’affichage d’un « message d’erreur » envoyé par l’ordinateur présent sur le plateau. Une note d’humour en passant…
Brett Bailey a tenu, semble-t-il, à rendre hommage à la germanité, en particulier avec les musiques de Franz Schubert, Gustave Mahler, Wolfgang Amedeus Mozart même s’il n’a pas composé de Faust…Mais aussi et surtout, à l’Afrique. Où il trouve la plus belle création de masques, coiffures, bijoux, tous « chargés » qui porteront le mythe. On n’oubliera pas une Hélène parée comme une déesse, à dix mille lieues géographiques et mythiques de l’Hélène européenne, ni les masques sur les pièces de monnaie, les profils de médaille des rois (l’Empereur, dans le texte original).
Tiens, la monnaie : parlons-en. Le duo infernal de l’homme « augmenté » et de son « coach », arrose les rois de questions sur la fausse monnaie (allusion à l’invention du papier-monnaie et à la faillite de Law, au XVIII ème siècle), tandis que Faust s’évade pour faire un enfant à Hélène (accélérons le récit !).. C’est Euphorion auquel le metteur en scène donne le masque d’Elon Musk. Et bien sûr, cela fonctionne: le mythe de Faust a trouvé son incarnation contemporaine : l’homme qui veut tout inventer, tout maîtriser, agrandir le monde, étendre le capitalisme financier au système solaire, voire plus loin , offrir aux privilégiés une vie infiniment prolongée, et le Diable sait quoi….
Voilà un très beau spectacle qui en dit beaucoup avec peu de mots et peu d’effets mais puissants, grâce à l’art du masque, à la matière et à sa profonde mélancolie, même sur la tête du facétieux diablotin.
Christine Friedel
Jusqu’au 1er à novembre à 18 h et le 2 à 15 h,Théâtre de Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo Picasso, Nanterre (Hauts-de-Seine). T. : 06 07 14 81 40 ou 06 07 14 47 83.

