Die Sonne (Le Soleil), texte et mise scène d’Olivier Py et Miss Knife chante Olivier Py.
Le directeur et metteur en scène quittera donc normalement son cher théâtre de l’Odéon-puisqu’il a été choisi l’an passé, manu militari, par l’Elysée via Frédéric Mitterrand, come directeur du Festival d’Avignon-en présentant deux spectacles: le premier comme auteur et metteur en scène de ce Soleil qu’il va monté pour la Volsksbühne de Berlin avec des acteurs allemands.
C’est l’histoire d’un jeune homme, le bel Axel, (Sebastian König), sorte d’ange énigmatique que l’on voit au début étendu sur le lit de Josef, (Lucas Prisor), marié à Senta, une jeune femme enceinte mais pas de lui… on vous épargnera la suite de cette intrigue assez compliquée. On retrouve ici, comme dans une sorte de testament artistique, de nombreux thèmes chers à Olivier Py: travestissements, identité homosexuelle, foi catholique, théâtre dans le théâtre…
Il y a une scénographie signée Pierre-André Weitz, exceptionnelle de beauté avec des murs de briques aux perspectives surprenantes, installée sur un plateau tournant, qui fait penser parfois à celles que le grand Richard Peduzzi concevait autrefois pour Patrice Chéreau: les autres comédiens jouent tous avec une précision et une sensibilité remarquables: gestuelle, diction: tout est exact et beau et on les sent vraiment heureux de travailler avec Olivier Py qui les dirige à la perfection. Et comme ils ont des costumes magnifiques que l’on doit aussi à Pierre-André Weitz: soieries, robes du soir, strass et paillettes aux belles couleurs, il y a sur le plateau des images très fortes.
Mais nous avouons ne pas avoir été du tout impressionnés par un texte narcissique ,assez bavard et qui n’en finit pas de finir (et c’est un euphémisme!), surtout quand on ne comprend pas l’allemand et qu’on doit regarder le surtitrage bien au-dessus de la scène, ou sur deux autres très petits écrans de part et d’autre du plateau. Comme les personnages parlent beaucoup, beaucoup trop sans doute, et que le plateau tournant… tourne souvent, nous avons décroché assez vite, et la grande heure de cette première partie nous a paru interminable. Comme on nous annonçait encore deux heures de plus, nous n’avons pas résisté et, comme deux miennes consœurs, nous sommes pas revenus après l’entracte, ce que nous ne faisons qu’exceptionnellement. Il serait donc malhonnête d’en dire plus. Cela dit, le public en grande parie germanophone, semblait quand même apprécier. Mais ce long poème/pièce aux allures parfois claudéliennes n’ a ni la grâce ni la force d’ autres pièces d’Olivier Py comme, par exemple, Adagio.On avait la désagréable impression qu’Olivier Py s’amusait dans un dernier tour de piste- mais sans nous amuser trop- et un peu à nos dépens du genre: l’Etat qui a eu la délicatesse de me virer, après tout, me doit bien ça… Dommage!
Quelques jours après, Olivier Py, remettait le couvert avec un récital de ses nouvelles chansons. Avec cette fois, beaucoup plus de bonheur . Sur la scène nue, un fond un mur d’ampoules blanches sauf une rouge, comme un petit clin d’œil. Miss Knife, faux-cils, visage poudré sous une abondante perruque blonde avec une longue robe du soir en lamé argenté à envers rouge, escarpins, porte-jarretelles et bas noirs à petites étoiles, se déhanchant, minaudant, dialoguant avec le public, somptueusement à l’aise, comme si Olivier Py faisait cela tous les jours. Soutenu par un bel orchestre:Julien Jolly (batterie), Olivier Bernard (saxos et flûte) , Sébastien maire (contrebasse) et Stéphane Leach au piano qui a aussi composé la musique des dix huit chansons sauf trois de Jean-Yves Rivaud.
Olivier Py revient ensuite en gorille puis encore dans une superbe robe du soir noire décolletée, avec une perruque blonde ou rose, c’est selon…. Toujours aussi magnifiquement à l’aise. Et il chante bien, encore mieux qu’avant , et avec une belle assurance, content d’être sur scène et de nous faire participer à son plaisir, en parfaite complicité avec ses musiciens et c’est un vrai plaisir de l’entendre, que ce soit dans des mélodies sentimentales, voire teintées de mélancolie, ou d’autres plus joyeuses où il se moque de lui-même, avec quelques discrètes allusions à Avignon.
Seul regret de cette soirée remarquable dans un Odéon bourré où les jeunes côtoyaient les moins jeunes: l’accompagnement musical trop amplifié empêchait de bien entendre les belles paroles des chansons mais cela devrait se résoudre facilement quand il reprendra ce récital à l’automne.
Une grande ovation,tout à fait justifiée avec plein de plumes et de confettis qui tombaient des balcons, a salué Olivier Py; Frédéric Mitterrand n’était pas là, bien entendu, mais cela valait mieux pour lui! Ce fut vraiment un bel adieu d’Olivier Py à son public, à ses collaborateurs et à cet Odéon, où il aura le plus souvent donné le meilleur de lui-même. Merci, Olivier Py…
Philippe du Vignal
* Le texte de la pièce est édité chez Actes Sud Papiers; le CD de Miss Knife est aussi édité par Actes Sud.
Soirée unique mais reprise du spectacle en octobre à l’Athénée puis en tournée.
Le CD de Miss Knife est édité chez Actes Sud