Disgrace

Disgrace  de John Maxwell Coetzee, mise en scène de Luc Perceval, par le Toneelgroep d’Amsterdam,

  Une  cinquantaine de mannequins, adultes et enfants noirs, surprenants de vérité- belle scénographie de Katrin Brack-occupent déjà le grand  plateau de la Maison des arts  de Créteil...
  David Lurie, professeur d’université renommé, privé d’amours tarifés, succombe à la tentation et séduit l’une de ses étudiantes qu’il poursuit de ses assiduités. Exclu de l’Université, il va se réfugier chez sa fille Lucy, qui gère une ferme à la campagne sous la protection de son voisin noir. Mais David et Lucy sont victimes d’une agression, leur  voiture est volée,  David est  enfermé dans les toilettes, pendant que Lucy se fait violer, .
 Furieux, il veut emmener sa fille enceinte de son agresseur, mais Lucy refuse;  elle veut garder l’enfant et épouser son voisin qui protégera sa ferme. Celui-ci a déjà deux femmes et plusieurs enfants, mais qu’importe, Lucy gardera sa terre dans cette nouvelle Afrique du Sud,  dont les Blancs ne sont plus les maîtres.
   On sent les parfums âcres de la violence qui traverse ce continent, la naissance d’une nouvelle génération en rupture avec l’apartheid. Les dix excellents acteurs- noirs et blancs- qui émergent de  cette foule, imposent le poids d’une violence née d’une colonisation en déroute…

Edith Rappoport

Festival Exit de Créteil


Archive de l'auteur

Albertine Sarrazin

Albertine Sarrazin,  de l’autre côté du chronomètre  théâtre acrobatique et vertical, mise en scène d’Isabelle Caubère.

Albertine Sarrazin DSC_1081-300x199“Un souffle suspendu à la limite de la chute”… Bouleversés par la lecture de L’Astragale, de La Cavale et de La Traversière d’Albertine Sarrazin, les comédiens/acrobates Sophie Kantorowicz et Xavier Martin, issus du Cirque Plume, d’Archaos, des Arts-Sauts et des Colporteurs, a décidé de sauter le pas en créant leur propre compagnie en 2006.
  Après une collaboration avec Giogio Barberio Corsetti, ils ont élaboré ce fulgurant spectacle acrobatique autour d’Albertine Sarrazin qui a brûlé sa vie en prison pour ses méfaits et qui s’en est sauvée par la force de son écriture. Les deux partenaires nous mettent la tête à l’envers en grimpant à une vitesse fulgurante sur un mur d’escalade, s’installant sur des tables/pièges:  on se croirait dans l’univers de l’artiste  Daniel Spoerri.
  Le couple interprète, avec une belle gouaille, l’amour fou et les méfaits de ce couple en cavale permanente entre deux incarcérations, qui s’envole et rebondit dans une immense toile noire au jardin, s’élance sur une corde volante. Morte à 29 ans,  après une opération ratée  qui avait  entraîné la condamnation du  chirurgien, Albertine Sarrazin est restée une figure de la littérature contemporaine. La belle complicité de ces deux  artistes s’épanouit pleinement à travers la musique de Théodore Vialy.
  C’est Isabelle Caubère, disparue en 2010,  qui  les avait mis en scène.

Edith Rappoport

www.daredart.fr

 Die Sonne (Le Soleil)

Die Sonne (Le Soleil), texte et mise scène d’Olivier Py et Miss Knife chante Olivier Py.

  Le directeur et metteur en scène quittera  donc normalement son cher théâtre de l’Odéon-puisqu’il a été  choisi l’an passé, manu militari, par l’Elysée via Frédéric Mitterrand, come  directeur du Festival d’Avignon-en présentant deux spectacles:  le premier  comme auteur et metteur en scène de ce Soleil qu’il va monté pour la  Volsksbühne de Berlin avec des acteurs allemands.
C’est l’histoire d’un  jeune homme, le bel Axel, (Sebastian König), sorte d’ange énigmatique  que l’on voit au début étendu sur  le lit de Josef,  (Lucas Prisor), marié à Senta, une jeune  femme enceinte mais pas de lui… on vous épargnera la suite de cette intrigue assez compliquée. On  retrouve ici, comme dans une sorte de testament artistique,  de nombreux thèmes chers à Olivier Py: travestissements, identité homosexuelle, foi catholique, théâtre dans le théâtre…
Il y a une scénographie signée Pierre-André Weitz,  exceptionnelle de beauté avec des murs de briques aux  perspectives surprenantes, installée sur un plateau tournant, qui fait penser parfois à celles  que le grand Richard Peduzzi concevait autrefois pour Patrice Chéreau: les autres comédiens jouent tous avec une précision et une sensibilité remarquables:  gestuelle, diction: tout est exact et beau et on les sent vraiment heureux de travailler  avec Olivier Py  qui les dirige à la perfection.  Et comme ils ont des costumes magnifiques que l’on doit aussi à Pierre-André Weitz: soieries,  robes du soir, strass et paillettes aux belles couleurs, il y a sur le plateau des images très fortes. 

 Mais nous avouons ne pas avoir été du tout impressionnés par un  texte narcissique ,assez bavard et qui n’en finit pas de finir (et c’est un euphémisme!), surtout quand on ne comprend pas l’allemand et qu’on doit regarder le surtitrage bien au-dessus de la scène, ou sur deux autres très petits écrans de part et d’autre du plateau. Comme les personnages parlent beaucoup, beaucoup trop sans doute, et que le plateau tournant…  tourne souvent, nous avons décroché assez vite, et la grande heure de cette première partie nous a paru interminable. Comme on nous annonçait encore  deux heures de plus, nous n’avons pas résisté et, comme  deux  miennes consœurs, nous sommes pas revenus après l’entracte, ce que nous ne faisons qu’exceptionnellement. Il serait donc malhonnête d’en dire plus. Cela dit, le public en grande parie germanophone, semblait quand même apprécier. Mais ce long poème/pièce aux allures parfois claudéliennes n’ a ni la grâce ni la force d’ autres pièces d’Olivier Py comme, par exemple, Adagio.On avait  la désagréable impression qu’Olivier Py s’amusait dans un dernier tour de piste- mais sans nous amuser trop- et un peu à nos dépens du genre: l’Etat qui a eu la délicatesse de me virer, après tout, me doit bien ça… Dommage!
  Quelques jours après, Olivier Py, remettait le couvert avec un récital de ses  nouvelles chansons. Avec cette fois, beaucoup plus de bonheur . Sur la scène nue,  un fond un mur d’ampoules blanches sauf une rouge, comme un petit clin d’œil.  Miss Knife,  faux-cils, visage poudré sous une abondante perruque blonde avec une longue robe du soir en lamé argenté à envers rouge, escarpins, porte-jarretelles et bas noirs  à petites étoiles, se déhanchant, minaudant, dialoguant avec le public, somptueusement à l’aise, comme si Olivier Py faisait cela tous les  jours. Soutenu par un bel orchestre:Julien Jolly (batterie), Olivier Bernard (saxos et flûte) , Sébastien maire (contrebasse) et Stéphane Leach au piano qui a aussi composé la musique des dix huit chansons sauf trois de Jean-Yves Rivaud.
Olivier Py revient ensuite en gorille puis encore dans une superbe robe du soir noire décolletée, avec une perruque blonde ou rose, c’est selon…. Toujours aussi magnifiquement à l’aise
. Et il chante bien, encore mieux qu’avant , et avec une belle assurance, content d’être sur scène et de nous faire participer à son plaisir, en parfaite complicité avec ses musiciens et c’est un vrai plaisir de l’entendre, que ce soit dans des mélodies sentimentales, voire  teintées  de  mélancolie, ou d’autres plus joyeuses où il se moque  de lui-même, avec quelques discrètes allusions à Avignon.
Seul regret de cette soirée remarquable dans un Odéon bourré où les jeunes côtoyaient les moins jeunes: l’accompagnement musical  trop amplifié empêchait de bien entendre les belles paroles des chansons mais cela devrait se résoudre facilement quand il reprendra ce récital  à l’automne.

  Une grande ovation,tout à fait justifiée avec plein de plumes et de confettis qui tombaient des balcons, a salué Olivier Py; Frédéric Mitterrand n’était pas là, bien entendu,  mais cela valait mieux pour lui! Ce fut vraiment un bel adieu d’Olivier Py à son public, à ses collaborateurs et à cet Odéon, où il aura le plus souvent donné le meilleur de lui-même. Merci, Olivier Py…

Philippe du Vignal

* Le texte de la pièce est édité chez Actes Sud Papiers; le CD de Miss Knife est aussi édité par Actes Sud.

Soirée unique mais reprise du spectacle en octobre à l’Athénée puis en tournée.

Le CD de Miss Knife est édité chez Actes Sud

A la trace…

À LA TRACE…

Depuis 1996, un collectif d’artistes plasticiens, musiciens, troupes de théâtre en espace public, avait investi l’ancienne blanchisserie de l’Hôpital Charles Foix d’Ivry.
Regroupés sous le nom des Mêmes, ils avaient mené des actions salutaires dans ce bel hôpital classé,  où vivent des  personnes de grand âge plutôt démunies, avec des fêtes, et  des visites dans les chambres, dans le cadre d’une convention pluriannuelle, avec la la DRAC, le Conseil Général du Val de Marne et  la Région.
Las, après  quelques années dynamiques (un livre remarquable Les Progrès de l’âge relate cette expérience), la direction de l’hôpital qui avait changé, a exigé un loyer important  et interdit les visites dans les chambres et les fêtes, et malgré tous les efforts des artistes, un ordre de déguerpir a été  maintenu… Plusieurs compagnies  ont donc quitté Les Mêmes, notamment  le Deuxième groupe d’intervention d’Emma Drouin installé à Malakoff (92) et KMK de Véronique Pény maintenant accueilli en résidence à Nangis (77) .
La Blanchisserie est bientôt vide mais,heureusement,  le collectif d’une dizaine d’artistes regroupé désormais sous le nom de La Blanchisserie vient de trouver un lieu d’accueil pour deux ans au port d’Ivry avec le soutien de la municipalité. Des chorégraphes, musiciens et plasticiens ont mené une journée d’ateliers avec des personnes âgées à Charles Foix, pour la clôture de ce projet artistique : d’abord l’association Tangible et la compagnie Nadja avec un atelier chorégraphique Quelques pas de danse parmi les fleurs. Edwine Fournier et Lydia Boukhirane esquissent des pas de danse très lents, invitent doucement de très vieilles personnes à les suivre, l’une d’elles parvient même à se lever de sa chaise roulante. Il y a un beau recueillement,  malgré les réticences d’un vieil homme qui montre un peu d’agressivité vis-à-vis d’une pensionnaire.
Au pavillon de l’Orbe,  l’atelier Purcell qui se déroule au centre d’une toile de Clément Borderie, avec une création vidéo de Tormodl Lindgren. D’autres pensionnaires accompagnés de leurs familles et du personnel soignant écoutent O solitude interprété par une chanteuse aux antipodes de la musique baroque. Il y a une réelle écoute puis on sert aux pensionnaires un goûter apporté par les artistes…

Edith Rappoport

Hôpital Charles Foix d’Ivry

Ciel ouvert à Gettysburg

Ciel ouvert à Gettysburg de Frédéric Vossier, mise en scène de Jean-François Auguste

         Ciel ouvert à Gettysburg ciel_newsNous sommes dans une société du spectacle, on va donc vous donner du spectacle. La pièce commence avec un “montreur“ et un client. Croyez-vous que le fantasme et le désir viennent tout seuls ? Certes non (pour ne pas utiliser le trop usé « que nenni »). Il faut vous les instiller à l’oreille. La belle actrice connue vous fait de l’effet ? Lequel ? Comment ? Où ? On est dans l’exhibition détaillée. Puis le montreur plante là le client, laissé quasi « à poil ».
De voyeurisme en retournements de situation, la pièce, écrite d’une traite, presque un bandeau sur les yeux selon l’auteur, devient une ronde systématique : je fantasme, tu fantasmes, nous fantasmons…
Malgré la beauté de la comédienne, on regrette un peu que le fantasme féminin s’incarne tel que décrit dans la première scène. Mais s’il s’agit de mener le voyeurisme jusqu’à la gêne : rien à redire, les spectateurs regardant le client qui regarde l’autre client, qui touche…
C’est bien fait: bons comédiens, bonne bande son, scénographie astucieuse. Que nous manque-t-il ? La pièce, vraie réflexion sur l’irréductible séparation des sexes (il est bon de rappeler que sexe a la même étymologie que sécateur ; rien qui sépare autant…), tourne en rond (voir plus haut) et n’a ni la belle perversité ni l’humour de Mannekijn (du même auteur, vue récemment à l’Échangeur de Bagnolet), qui faisait porter à une mère de bonne volonté le travail, pour sa fille, de réaliser le fantasme masculin.
Ciel ouvert à Gettysburg : on dirait un fragment de rapport militaire. Bataille perdue : les montreurs se sont approprié le corps, les désirs, votre corps et votre désir, et vous les revendent. Résultat sur scène : un magnifique début, puis ça se débobine. Dommage ou tant pis ?

Christine Friedel

Théâtre Ouvert -01 42 55 55 50 – jusqu’au 5 avril

Les impromptus

Les Impromptus , texte et mise en scène de Christiane Vericel.

Les impromptus impromptus  Depuis près de trente ans,  Christiane Vericel déploie dans le monde entier, avec sa compagnie Image aigüe,   un magnifique travail avec des enfants venus d’ailleurs, longtemps axé sur des images de grands peintres. Nous l’avions accueillie au Théâtre 71 de Malakoff en 1988 avec Le voyageur sensible, un grand souvenir.
La Maison des Métallos qui déploie une activité salutaire autour de la solidarité rudement mise en cause  par notre président, vient d’accueillir ces Impromptus, élaborés au terme de dix jours de travail avec une dizaine d’écoliers de Saint-Denis.  La salle est bourrée d’enfants très attentifs ,accompagnés par leurs enseignants .
Trois comédiens mènent le jeu autour du thème de la faim. Comme par magie, de petits fruits apparaissent, certains s’en saisissent, aussitôt arrachés par de plus habiles. Il y a aussi la frontière symbolisée par une corde qu’on ne doit pas franchir, interdit d’aller y chercher de quoi survivre. Un  acteur  est habillé  d’une robe à paniers qui dissimule la pitance, et des enfants s’y réfugient.
Cette déclinaison ironique reste toujours ludique, et les images captivent le public. Le débat mené  au terme du spectacle est mené par Christiane Vericel avec une belle écoute autour de questions pertinentes. Au croisement de l’humanisme et de l’exigence artistique…

Edith Rappoport

Maison des Métallos

www.image-aigue.org

Image Aiguë 2 place des Terreaux 69001 Lyon, Tél 04 78 27 74 81

e-mail :contact@image-aigue.org

Ma chambre froide

Ma Chambre froide par le Puppentheater Halle d’après Joël Pommerat, mise en scène de Christoph Werner.

   Ma chambre froide ma-chambre-froide-300x156Les marionnettistes du Puppentheater de Halle, avaient découvert les textes de Pommerat en 2008 avec Cet enfant et une collaboration s’était  engagée entre les deux compagnies pour élaborer un nouveau spectacle en adaptant le texte au cours des répétitions.
Dans une grande surface commerciale,  le patron,  tombé malade, lègue la propriété à ses employés. Estelle, silencieuse et dévouée,  est prête à tout pour maintenir un bon climat de travail, elle nettoie les rayons qui ont été salis avant la fermeture, elle traduit le sabir incompréhensible d’un employé chinois…Devant ce legs inattendu qui n’est pas le seul,  puisque le patron leur transmet aussi deux autres entreprises, les employés hésitent, puis acceptent,  de peur de se retrouver au chômage.
Estelle joue un rôle important: elle s’est mise en tête de répéter avec ses collègues une pièce de théâtre sur leur aventure, pièce qu’elle souhaite présenter à leur ancien patron, avant  qu’il ne disparaisse. Mais la tâche est au-dessus de leurs forces, les entreprises font faillite les unes après les autres,  et Estelle devra donc renoncer à son projet. Il y a un extraordinaire travail de manipulation des marionnettes, et certains rôles, comme celui d’Estelle et des principaux employés,  sont joués  à vue…Le mélange est troublant, on ne parvient pas toujours à distinguer les marionnettes des acteurs.
Après Les Marchands et La fabuleuse Histoire du commerce (voir Le Théâtre du blog), Pommerat attaque de façon lucide les problèmes qui ravagent notre société. Mais dommage:le banc de surtitrage gêne quelque peu la lecture du texte  qui a quelques longueurs.
..

Edith Rappoport

Théâtre Paris Villette
theatredelamarionnette.com

Invasion

Invasion! de Jonas Hassen Khemiri, mise en scène de Michel Didym.

La pièce avait été présenté au printemps dernier au Théâtre des Amandiers de Nanterre (voir Le Théâtre du Blog). Heureusement, le Théâtre 71 de Malakoff vient de reprendre ce spectacle tonique pour une dizaine de représentations.
Cela commence par une discussion pompeuse entre un garde et une femme drapée dans un  grand voile bleu au pied d’un grand escalier. Rapidement interrompue par deux jeune loubards assis dans la salle qui les apostrophent à haute voix, ce qui déclenche les protestations indignées du public. Nous aussi, avons été abusés par ce canular! Les jeunes loubards bondissent sur scène et commencent à évoquer leurs souvenirs du collège où, jeunes immigrés venus de pays arabes en Suède, ils se sont souvent abrités derrière un pseudonyme commode, celui d’un corsaire du XVIIIe siècle, Abulkasem !
Ils  discutent dans un bar minable, au pied d’un grand escalier à circonvolutions,  en haut duquel un groupe de rock rythme les dialogues. Une jeune fille arrive et se fait draguer par l’un d’eux qui se présente sous le nom d’Abulkasem. La représentation se décline sur un mode comique autour des peurs contemporaines d’un Occident  qui serait cerné par par les étrangers.
Interprété par d’excellents comédiens, en particulier Luc-Antoine Diquéro et Zakariya Gouram, ce spectacle est un joli régal contemporain, à ne pas manquer.

Edith Rappoport

Théâtre 71 de Malakoff, (Hauts-de-Seine)  jusqu’au 16 mars. T. : 01 55 48 91 00.

http://www.dailymotion.com/video/span

La Religieuse

La Religieuse de Denis Diderot,  adaptation et mise en scène d’Anne Théron

La Religieuse 43070029-cr%C3%A9dit-Barbara-KraftDonner à voir l’enfermement,  voilà le pari réussi d’Anne Théron avec cette adaptation. Le spectacle, recréé en 2004,  après une première version en  97, nous parle de Suzanne Simonin, une bâtarde que sa mère envoya au couvent pour expier son « péché ». Dans le texte initial de 1780 de  Diderot, la religieuse adresse la correspondance de ses mémoires au marquis de Croismare, mais ici elle prend à témoin directement le public. Le spectacle débute quand Suzanne entend une douce voix off, celle de sa mère qui l’exhorte  à entrer au couvent. Dans cette courte première partie, elle n’est pas encore religieuse, et le personnage évolue dans un espace vide séparé du public par un tulle vertical, déjà symbole de l’enfermement. Le tulle disparait et Suzanne devenue religieuse apparaît enveloppée d’un grand voile qui occupe tout le plateau, et qui en font une sorte de  personnage paysage,.
Marie-Laure Brochant vit en symbiose avec son personnage, et prête sa voix aux autres mères supérieures des différents couvents que Suzanne va croiser. La dissociation du personnage se révèle dans le corps de l’actrice: ses mains, son visage, sa voix témoignent d’une réelle souffrance tragique. L’ensemble du récit est raconté dans la douleur, il n’y a pas de respiration pour le spectateur qui suit le déroulement de cette séquestration. Seuls certains moments musicaux allègent le jeu. Et les lumières apportent une réelle dimension esthétique au spectacle.  C’est un beau travail  que celui de Marie-Laure Brochant qui nous emporte dans son intime douleur et Anne Théron a réussi à  fixer  définitivement le corps de son actrice dans des  voiles qui l’emprisonnent et qui en font une sorte de  personnage paysage. Seule, sa parole est encore libre pour peu de temps.
A la fin, les voix de chacun des personnages s’entremêlent, mais on entend la dernière parole de Suzanne Simonin:  « Ne me touchez pas », dit-elle, laissant seul le spectateur devant ce spectacle hypnotique.

Jean Couturier

Montfort jusqu’au 24 mars

Je ne suis personne

Je ne suis personne montage de textes de  Fernando Pessoa, mise en scène de Guillaume Clayssen.

Je ne suis personne je-ne-suis-personne-300x284Guillaume Clayssen a présenté depuis 2005 aux Rencontres de la Cartoucherie  quelques expériences théâtrales singulières, d’abord avec  Attention ! Attentions, puis à l’Étoile du Nord  Les Monstres philosophes, À la grecque Memento moi dans le cadre du festival À court de forme.
Avec Je ne suis personne, Clayssen  pénètre dans l’univers de Fernando Pessoa, étrange et prolifique poète portugais, passionné par les hétéronymes dont Personne , le nom qu’Ulysse avait donné de lui au Cyclope. “Être cohérent est une maladie, un atavisme peut-être ; cela remonte à des ancêtres animaux à un stade de leur évolution où cette disgrâce était naturelle” (…) Surviens-toi à toi-même ! (…) La vérité est la seule excuse de l’abondance, nul homme ne devrait laisser plus de vingt livres, à moins de pouvoir écrire comme vingt hommes différents…” écrivait Pessoa ! Il ne s’en est pas privé,  signant son œuvre abondante de nombreux pseudonymes !
Aurelia Arto, fragile et séduisante comédienne, fait irruption sur le plateau,  et reste prostrée par terre autour d’un tube  fluorescent qu’on lui lance, se relève et nous emmène dans un voyage poétique en apparence incohérent mais toujours surprenant.Elle se juche sur un grand fauteuil, le déplace;  elle est mutine, enjouée et  grave à la fois. Pour qui n’a lu que Le Livre de l’intranquillité, ou même pour une découverte de l’auteur, c’est un beau voyage à entreprendre.

Edith Rappoport

Spectacle joué à La Loge du 26 février au 1 er mars.

Edith Rappoport

www.lalogeparis.fr

 

 

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