Le foie

Le Foie de François Bégaudeau, version radiophonique, réalisation de Blandine Masson et  Arnaud Meunier.

François Bégaudeau avait relaté dans  Entre les les murs  sa rude expérience d’enseignant ; le livre avait marqué nombre d’entre nous et il en avait tiré un film en 2006. Théâtre Ouvert avait accueilli  l’année suivante, une première approche théâtrale de ce texte réalisé par François Wastiaux.

L’auteur a publié depuis une dizaine d’œuvres dont Le Problème, créé par Arnaud Meunier,  directeur de la Comédie de Saint-Étienne, et présenté en 2011 au Théâtre du Nord à Lille et au Théâtre du Rond-Point, avant d’être repris en tournée.
Théâtre Ouvert a accueilli cette version radiophonique de ce nouveau texte, Le Foie, mettant en scène une difficile rencontre entre une mère et son fils venu lui rendre une visite annuelle, à l’occasion de la publication de son dernier livre, dans une ville de province. On nous  distribue des écouteurs à l’entrée pour bien entendre, et il y a un bruiteur derrière les comédiens qui agite divers accessoires. Les rapports sont tendus, le fils, agressif, reproche à sa mère de n’aborder que des sujets anodins, comme le fromage qu’il aime, et qu’elle n’a pu trouver au supermarché. Elle se défend comme elle peut, admet qu’elle n’a jamais lu une seule des œuvres que son fils lui envoie,  et dont elle est fière,  elle, une petite retraitée des P.T.T. !
Lui, la menace de partir, partir pour de bon, pour ne plus jamais revenir. Elle se défend, elle est sa mère, et il lui doit la vie et son talent reconnu. Elle a invité Françoise, une amie proche qui apporte des meringues dont son fils raffole. Il refuse de s’asseoir mais reste,  sans goûter à la meringue, mais son agressivité s’apaisera. Ce récit quelque peu autobiographique concerne au-delà des artistes chacun d’entre nous, dans la difficulté de trouver les mots d’amour entre parents et enfants, avant qu’il ne soit trop tard.

Edith Rappoport

Spectacle présenté à Théâtre Ouvert,  CitéVéron, Paris XVIIIème et diffusé le 29 février sur France-Culture à l’Atelier fiction, de 23 h à minuit.


Archive de l'auteur

Héritages

Héritages  de Bertrand Leclair, mise en scène d’ Emmanuelle Laborit.

  Héritages 26e54da0c204c7e72617cb4aa7563ba9 Une réunion dans la maison familiale après le décès de la mère, le père autorité incontestée est mort depuis longtemps, et Julien l’aîné des enfants, sourd profond depuis sa naissance, retrouve après vingt cinq ans d’absence, Françoise, sa sœur et Xavier , son frère qui ont publié une petite annonce pour régler l’héritage.
Julien est accompagné de sa femme Hélène et de son fils Alex, tous deux sourds. Après des années de silence, les vieilles blessures d’enfance sont encore à vif: Julien a fui l’autorité d’un père despotique qui refusait la langue des signes et  qui voulait le forcer à apprendre à parler d’une voix insupportable pour les étrangers à la famille.
Les retrouvailles sont tendues, heureusement une interprète les accompagne, qui traduit à une vitesse étonnante, Françoise a appris a langue des signes et parvient à communiquer  mais Xavier  qui a subi l’influence du despotisme paternel, crie sa jalousie : Julien n’avait-il pas bénéficié de toutes les attentions paternelles, alors que son jeune frère  avait consacré sa vie à défendre l’oralité.Et l’on découvre la lutte acharnée entre défenseurs de l’oralité et ceux de la langue des signes, interdite en 1878 par le congrès de Milan.

Au-delà du dialogue qui parvient à se rétablir entre les trois sourds et les trois entendants, tous dotés d’une belle présence, on retrouve les mêmes blessures éprouvées dans le deuil des parents, quel que soit le langage utilisé. Que faire de la maison familiale, faut-il la vendre ? Le jeune Alex propose d’en faire une maison d’accueil pour les sourds, mais son oncle est réticent, pensant ainsi  bafouer ainsi la mémoire de son père. On se sépare en promettant de s’écrire !
Cette création théâtrale est issue d’un travail de résidence sur la rencontre entre deux langues et deux cultures. IVT créé en 1976,  est installé depuis 2007 dans l’ancien théâtre historique de Grand Guignol, sous la direction d’Emmanuelle Laborit. C’est une jolie salle de spectacle, un lieu de création artistique, une école de langue des signes qui reçoit 900 personnes  par an,  et une maison d’édition.
La langue des sourds conçue par l’Abbé de l’Épée à la fin du XVIII ème siècle, n’a été reconnue officiellement en France qu’en 2005…

Edith Rappoport

Jusqu’au 4 mars, 7 cité Chaptal, 75009 Paris
www.ivt.fr

Le Bourgeois gentilhomme

Le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet de Molière et Jean-Baptiste Lully, mise en scène  de Catherine Hiegel

 

  Le Bourgeois gentilhomme le_bourgeois_gentilhomme-300x199Catherine Hiegel propose  une mise en scène enlevée et enjouée du Bourgeois gentilhomme. Dans le rôle-titre, François Morel, dont le côté simple, naïf et naturel lui permet de camper un monsieur Jourdain idéal (nous vous laissons découvrir ses chausses, littéralement exceptionnelles !).
La metteuse en scène a su créer une véritable dynamique de groupe. Les comédiens forment un tout très solidaire et à l’écoute. De Madame Jourdain au professeur de chant, de Covielle à Cléonte, tous dégagent une belle énergie (voir les passages dansés), et séduisent.
Par ailleurs, tout en respectant le cadre de l’époque classique, Catherine Hiegel a su insuffler une touche très personnelle à la dramaturgie. On a presque l’impression d’entendre la pièce comme si c’était la première fois. Un véritable tour de force.
Dans le public nombreux, tous les âges sont représentés, ce qui montre bien la force de cette pièce à réunir en un même lieu des gens très différents.  Les rires des enfants (vacances scolaires obligent) attestent que les gags moliéresques fonctionnent toujours cinq cents ans après leur création.
À noter, les costumes (Patrice Cauchetier) et le décor tout en tentures et panneaux peints (Goury), vraiment superbes. Quant à la présence de musiciens sur scène (ensemble baroque La Rêveuse), elle est des plus appréciables. Un spectacle qui ravira ceux qui souhaitent (re)découvrir un classique dans une mise en scène convaincante, ou les fans de François Morel.

Barbara Petit

Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin (75010), réservation 01.42.08.00.32, www.portestmartin.com

 


L’etoile d’Alger

L’Étoile d’Alger d’Aziz Chouaki, mise en scène et chorégraphie de Farid Ouichouene.

Un jeune chanteur Kabyle se rêve en Michael Jackson à Alger dans les années 90. Il a transformé son prénom de Meziane en Moussa Massy ! Il vit avec sa famille de 14 personnes, dans trois pièces, il s’en échappe en dansant devant un rideau lamé et un mur images avec sa partenaire Fatya dont il est amoureux sans pour autant oser la toucher.
Le couple exécute un ballet étincelant, mais,  las, la gloire n’est pas au bout du chemin. Il suit les conseils d’un ami qui prêche le retour à l’Islam et finit par se laisser pousser la barbe et poursuivre de ses imprécations ceux qui s”écartent du droit chemin de la religion.
Malgré une belle maîtrise chorégraphique, le final de ce spectacle fait froid dans le dos, surtout quand on vient d’achever la lecture du journal de Mouloud Ferraoun, grand écrivain indépendant assassiné en 1962, à la veille de l’indépendance de l’Algérie !

Edith Rappoport

Maison des Métallos, jusqu’au 26 février T:  01 48 05 88 27

Noces

Noces, textes de Laurent Contamin, Benoît Szalow, Carlotta Clerici, Roland Fichet, Dominqiue Wittorski, Luc Tartar et Carole Thibaut, mise en scène de Gil Bourasseau et Cécile Tournesol.

 Noces Capture-d’écran-2012-02-20-à-09.50.43-300x200« C’est, nous dit-on, l’exploration d’une noce, de ses coulisses , ses dessous, ses dedans, ses abords, ses abords et avec elle tout un cortège de représentations. Mille facettes pour s’amuser de la représentation de l’homme, de la femme et de ce qui les relie. Les courtes fables qui constituent Noces présentent autant de rires et de petites cruautés, décalages et démesures, grandes méchancetés et tendresses humaines… Un spectacle survitaminé  » (sic).
 Quand on lit dans une note d’intention que le spectacle est survitaminé, on peut tout craindre de cette vulgarité et on a raison… Le mariage  est un vieux thème théâtral: Beaumarchais, Brecht, Gogol, Labiche, et de nombreuses pièces de boulevard…
Ces  » fantaisies  nuptiales pour quatre acteurs » ne sont pas une véritable pièce  mais rassemblent huit  sketches d’auteurs contemporains: ce n’est pas d’une grande originalité, mais après tout,  pourquoi pas? Cela dit, l’exercice est périlleux et, ici, il n’y a pas de véritable unité,  pas de  qualité d »écriture, sauf le dernier-remarquable-signé Carole Thibaut, où il y a enfin une véritable intelligence  dramaturgique  et de vrais personnages.

  Pour le reste, dès les premières minutes, on sent que l’affaire est mal partie; la mise en scène, sans solide direction d’acteurs, n’évite aucune facilité, et  va cahotant , sans rythme, d’un sketche à l’autre, entrecoupée de petites chansons; quant aux  acteurs, après un démarrage assez poussif, ils font un travail honnête mais, pas vraiment dirigés, ne semblent pas  à l’aise, et Anne de Rocquigny sourit et  surjoue sans raison… On s’ennuie donc assez vite.
 Alors à voir?  Sûrement pas. Nous chercherions en vain les raisons de vous envoyer voir la chose en question,  sinon encore une fois, pour le texte de Carole Thibaut. Mais ces quelques minutes  ne peuvent constituer  une soirée. Le Théâtre de Belleville, dont le petite salle est accueillante, devrait veiller davantage à la qualité de sa programmation… si elle veut fidéliser un public.

Philippe du Vignal

Théâtre de Belleville jusqu’au 18 avril.

Apprivoiser la panthère

 Apprivoiser la panthère  texte de Jalie Barcilon, écriture collective de La Poursuite/Makizart, mise en scène de Hala Ghosn.

Apprivoiser la panthère apprivoiser-la-panthere

 Plateau nu avec rideaux et  pendrillons noirs. Les cinq comédiens alignés face public écoutent la metteuse en scène faire une annonce au public pour dire que le spectacle est librement inspiré de l’essai d’Amin Maalouf, Les Identités meurtrières,  dont elle lit un court extrait.  Hala Ghosn avertit aussi le public que, suite à l’abandon brutal du spectacle par une des comédiennes, sa camarade la remplacera et  jouera deux personnages que l’on pourra reconnaître grâce à un costume différent. Le gros mensonge, marche à fond,  et le public applaudit. 
  Aussitôt, des militaires en treillis kaki, tee-shirts blancs et rangers noirs portent de cercueils figurés par de longs coffres gris; il y a ensuite une scène où  Kirsten, une jeune actrice allemande arrive dans un hôtel international et raconte ses origines, notamment un grand-père national socialiste, une autre où, dans un avion ,deux jeunes gens   sont à un cheveu de se battre : question d’identité et de nationalisme exaspéré  dans un espace quelque part dans le ciel qui appartient à tous… Lucas, comédien franco-breton fait dans le théâtre et l’humanitaire et rencontre Rida, grande actrice qui a quitté son pays après la mort de son fiancé qui a été assassiné. Petites scènes précises et justes qui, mine de rien,  ne font pas dans la leçon moralisatrice mais qui offrent façon comedia del’arte de belles pistes de réflexion.
   Aucun décor:  seulement quelques  praticables multifonctions et projections destinés à situer les choses dans le temps et dans l’espace: les silhouettes blanches de deux jeunes  femmes, les vitres d’un hall d’aéroport avec un bruit diffus de moteurs d’avion:  une scénographie vidéo de Jérôme Faure  et un univers sonore de  Frédéric Picart d’une rare intelligence. Les cinq jeunes comédiens: Hélène Lina Bosch, Jérémy Colas, Céline Garnavault, Darko Japelj, Jean-François Sirerol, très à l’aise sur le plateau, ont une gestuelle et une diction impeccables: du genre aussi discret qu’efficace. Comme cette hôtesse de l’air en travesti, plus vraie que nature.. Ils ont été visiblement été bien formés, si on a compris, à l’Académie de Limoges…
  Tout va pour le mieux – y compris une caricature réjouissante de François Mitterrand-jusqu’au moment, où  il y a des scènes de théâtre dans le théâtre, quand l’assistante souffle le texte depuis la coulisse,  ou quand la metteuse en scène  assise dans la salle s’engueule avec les comédiens… Impossible de croire une seconde à ces répliques et à cette dramaturgie d’une rare indigence, sans doute construite à partir d’impros et mille fois vues… Comme si c’était une recette imparable!
Leurs enseignants auraient quand même dû signaler à ces jeunes comédiens en formation que ce théâtre dans le théâtre ne date pas d’hier (16 ème siècle! Voir entre autres:  Rotrou, Shakespeare, Molière, Marivaux, Goldoni, Pirandello, Brecht, etc…),  et que c’est devenu un poncif exaspérant du spectacle contemporain. Cela leur aurait évité de faire basculer, leur spectacle-qui se termine mais qui ne finit pas-dans une certaine confusion et dans l’auto-satisfaction.

   Dommage! Mais, bon, pas grave si les petits cochons ne la mangent pas, cette équipe, qui possède une unité et un savoir-faire assez étonnant, devrait refaire parler d’elle… 

Philippe du Vignal

Théâtre Romain Rolland de Villejuif  jusqu’au 17 février. Puis à l’Atrium de Dax le 16 mars et à L’Espace Marcel Pagnol à Fos-sur-mer le 20 avril.

Soirée Algérie

Soirée Algérie 1962-2012  au Théâtre de l’Odéon.

  Cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie: l’Odéon vient de consacrer une soirée émouvante à ce pays aimé par des Français qui ont dû le quitter mais qui y ont conservé des amis algériens, malgré les horreurs de la guerre et des crimes commis par l’OAS.
Salle bourrée de spectateurs enthousiastes qui applaudissent longuement…On retrouve à la fin de la soirée, des petites-filles de Mouloud Ferraoun installées en France qui n’ont connu leur grand-père qu’à travers ses écrits. Olivier Py, né en Algérie, a réalisé un film Méditerranée, à partir des images enregistrées par sa mère avec une caméra Super huit: on y voit un couple jeune et heureux, les grand-mères, les tantes et  Olivier Py  petit enfant Aucune image des violences de la décolonisation,  mais celles d’un jeune, couple  toujours souriant, dont les  enfants  se baignent au soleil, et l’amour d’une terre où se sont succédé plusieurs générations de colons.
On voit aussi son père qui va faire son service militaire  en France, dans un camp  où nombre de familles algériennes se sont réfugiées dans des conditions lamentables pendant des années . À la fin du film, la mère d’Olivier Py, va, avec  sa petite Fiat, via l’Espagne, se réfugier en France. Le couple s’éloigne, la nostalgie est irrémédiable. Mais pas, ou peu d’images d’Algériens…

  Le Contraire de l’amour, journal de Mouloud Ferraoun, mis en scène par Dominique Lurcel, apporte un autre éclairage à la soirée. Interprété par Samuel Churin accompagné par  Marc Lauras au violoncelle,  le spectacle,  simple est bouleversant, retrace  le chemin douloureux parcouru de 1955 à 1962 par cet instituteur  qui aimait la France… Un plancher disjoint, une chaise, un fauteuil rouge,c’est tout mais  Samuel Churin  fait porter loin la douleur de Mouloud Ferraoun, assassiné quinze jours avant la libération de l’Algérie. L’amitié n’était plus possible entre les colons français et les Algériens :”Ce Français chez qui ils viennent travailler, gagner leur pain, c’est lui, l’ennui, c’est lui,  la cause de leur malheur (…) Ce ne sont plus des maîtres, des modèles ou des égaux, les Français sont des ennemis (…) Ils étaient civilisés, nous étions des barbares. Ils étaient chrétiens, nous étions musulmans. Ils étaient supérieurs, nous étions inférieurs.”
Dominique Lurcel, discret et toujours pertinent, avait avait créé sa compagnie, Les Passeurs de mémoire, en 1997.  Il travailla, aux côtés d’Armand Gatti dans  un lycée autogéré où il professait. Il a créé de nombreux  spectacles dont Mange moi de Nathalie Papin, Nathan le sage de Lessing, Une Saison de machettes de Hatzfeld et Les Folies coloniales à partir du journal de son grand père, et l’Exception et la règle de Brecht (voir Le Théâtre du blog)… Le Contraire de l’amour avait été présenté à Avignon  l’an passé  et  doit poursuivre sa carrière en Algérie.

Edith Rappoport

passeursmemoire.free.fr

Mouloud Ferraoun Journal 1955-1962 éditions Points, 492 pages, 8€

La vie chronique

La vie chronique par l’Odin Teatret


La vie chronique

L’Odin Teatret est venu pour la première fois en France en 1972 au Théâtre de la Cité Internationale avec  Min Far Hus, (La Maison du père)  à l’invitation d’André-Louis Perinetti. Eugenio Barba, italien,  avait émigré à Oslo en 1966 , où il avait créé l’Odin Teatret avec de jeunes acteurs refusés par les écoles officielles.
Puis, il avait pu s’installer avec ses compagnons au Danemark, à l’invitation de la ville d’Holstebro qui avait mis à sa disposition une ancienne ferme, devenue avec les années un magnifique havre artistique porteur des souvenirs de leurs voyages.
Barba a ainsi bâti une enclave qui résiste à l’usure du temps ! Il a relevé un défi :maintenir une troupe d’acteurs venus de plusieurs pays,  et donner plus  de 200 représentations par an de leurs vingt deux spectacles à travers le monde, tout en menant des sessions de formation. Pendant ses années d’apprentissage, c’est lui  qui avait révélé au monde occidental,  le génial metteur en scène polonais Jerzy Grotowski avec qui il avait travaillé .
Nous avions pu retrouver l’Odin Teatret en 1977, quand il était   venu jouer Come and the day will be ours  à Paris, au cours d’une soirée troc à la Crypte Sainte-Agnès dans le XXème arrondissement, organisée par le Théâtre de l’Unité. Il avait joué Le Livre des danses, et les spectateurs devaient payer leur place en nature : Monsieur Legros, gardien d’usine , avait récité ses poèmes, René Mahaut,  ouvrier à la SNECMA de Corbeil avait chanté des chansons de la Commune de Paris… Des échassiers,  beaux athlètes blonds,  avaient déambulé dans le quartier, puis étaient aussi intervenus sur les toits de la Cartoucherie de Vincennes .
Nous avions pu les inviter au Théâtre Paul Éluard de Choisy-le-Roi avec Cendres de Brecht, spectacle né d’une interdiction des héritiers  : Eugenio Barba l’avait contourné  en montant   des extraits de Mère Courage et de  ses autres pièces . L’Odin Teatret était ensuite revenu au Théâtre 71 de Malakoff avec le symposium de l’ISTA, (École Internationale d’Anthropologie Théâtrale organisé en 86 par Patrick Pezin, avec des acteurs orientaux , Sanjukhta Panigrahi et Mannojo Nomura et , puis il était revenu avec  Talabot en 1989,  du  nom du navire sur lequel Barba avait gagné la Norvège.
Mais, depuis,  hormis Kaosmos présenté en 1994 au Théâtre du Lierre, l’Odin Teatret n’avait plus été invité à Paris par des instances bien dotées. Heureusement, et  pour la troisième fois, Ariane Mnouchkine leur  a ouvert son Théâtre du Soleil et  les spectateurs ,parfois venus de très loin,  ont pu ainsi  voir, Andersen’dream, Salt et La Vie chronique. Depuis quarante ans, Eugenio Barba a réussi à bâtir une enclave qui résiste à l’usure du temps. La Vie chronique a ainsi été mûrie pendant quatre ans, avec huit mois de répétitions espacées à cause des tournées  des spectacles au répertoire.
Sur les dix  interprètes du spectacle, cinq d’entre eux: Roberta Carreri, Ian Ferslev, Tage Larsen, Iben Nagel Ramussen et Julia Varley sont des compagnons de la première heure. Mais  Torgeir Wethal, magnifique comédien venu adolescent jouer à Oslo dans le premier spectacle de l’Odin Teatret, a succombé à un cancer  au début des répétitions.

Les acteurs ont longuement mûri leurs personnages à partir de recherches solitaires que “le maître du regard” a éliminées parfois sans pitié ! Ainsi,  Julia Varley, qui avait longtemps mené des recherches sur un personnage d’homme, a-t-elle été amenée à interpréter une réfugiée tchetchène, et c’est Kaï Bredholt, un jeune musicien,  qui interprète une Vierge noire, incarnation de la mère d’Eugenio qui avait dix ans ,   à la mort de son père, militaire engagé du mauvais côté en Italie pendant la dernière guerre.
Impossible de retracer la fable: les images splendides se succèdent entre les deux rangées de gradins, mais, comme dans tous les spectacles de l’Odin. Il y a l’obsession de la recherche, de la fuite, de la déportation, la quête du père disparu recherché par son jeune fils colombien, aveugle comme Oedipe, une sémillante ménagère roumaine bardée de torchons, un vieux rocker des îles Feroès, un bel avocat danois dans un costume de cuir bleu, deux inquiétants mercenaires masqués,  et la veuve d’un combattant basque.
La mort rôde aux portes, et Lolito le pantin est enterré dans un cercueil de verre avec le jeune garçon colombien… On voit des crochets menaçants , instruments de torture auxquels les femmes viennent suspendre des costumes d’homme, et, à l’autre bout,  une porte avec  une serrure dont on n’a pas la clef.
Il y a toujours en effet cette obsession de la porte qu’on ne peut franchir, et qui est présente  dans  nombre  de spectacles de l’Odin. On jette une pluie de pièces dorées, la réfugiée tchetchène lance des cartes, les accroche au-dessus de la porte. Il y a de belles montées de chant lyrique  et des musiques lancinantes interprétées par toute la troupe.
Chercher à comprendre ? Il faut sentir dit Barba ! “Le culte de la clarté qui servit à éclairer les esprits, sert aussi aujourd’hui à les obscurcir. Pour la première fois, La Vie chronique est imaginée dans un futur proche, simulé, simultané, dit-il, et la scène est le Danemark et l’Europe : plusieurs pays en même temps ! L’histoire?  Celle des premiers mois qui suivent une guerre civile. Le cadre est peu crédible (mais pas au point d’être rassurant). L’ensemble n’est pas compréhensible.”

Edith Rappoport

Théâtre du Soleil jusqu’au 18 février, les mercredi, jeudi vendredi, samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, Tél 01 43 74 24 08

Bloed et rozen

Bloed et rozen cassiers

Bloed & rozen (sang & roses) de Tom Lanoye, mise en scène de Guy Cassiers, (en néerlandais surtitré).

  Le spectacle présenté la saison dernière dans la cour d’Honneur du  Palais des Papes  d’Avignon, est un bon exemple du savoir-faire  de Guy Cassiers, maître du  mariage du jeu théâtral et de la vidéo.
Cette adaptation des vies de deux mythes de l’histoire de France, Jeanne d’Arc et Gilles de Rais,  est fondée sur un travail de recherche historique qu’a effectué avec précision Tom Lanoye. Le metteur en scène et l’écrivain dénoncent tous les deux le pouvoir judiciaire destructeur de l’église catholique de l’époque. Le jeu des acteurs très juste est dominé par deux personnalités exceptionnelles, Abke Haring  (Jeanne d’Arc) et Johan Leyse (Gilles de Rais),  que nous avions vu la saison dernière dans Bulbus  au Théâtre National de la Colline.
La belle chorale du Collegium Vocale de Gand donne une dimension sacrée aux images. Mais les costumes d’allure médiévale  posent  un problème d’interprétation: ils ont tous, (sauf celui de Jeanne) un complément en marionnette dépourvue de tête, qui semble s’accrocher, à chacun des personnages et dont les mains sont placées de telle façon qu’elles semblent avoir un sens précis !
La projection  en fond de scène, donne une autre dimension au jeu théâtral. Et quand  les murs majestueux de la Cour d’honneur apparaissent sur l’écran, la dimension cinématographique du récit prend alors tout son sens: cela  donne, sans aucune connotation péjorative, un côté Rois maudits , célèbre adaptation télévisée des années 70 du roman de Maurice Druon. De très belles scènes resteront dans la mémoire du public. Comme cette projection  en  ombres chinoises des personnages au lointain qui n’est pas sans rappeler, les images du   Soulier de satin de Paul Claudel,  mis en scène par Antoine Vitez en 1987.
La scène de Jeanne au bûcher est impressionnante: Guy Cassiers a filmé l’image de la vierge qui surplombe  la cathédrale Notre-Dame des Doms d’Avignon, et l’a colorée en rouge. En faisant osciller l’image,  il la fait ainsi  incarner le feu destructeur. Jeanne d’Arc comme Gilles de Rais sont donc tous deux, chacun à leur manière, selon le metteur en scène, victimes de la religion. Gilles de Rais se souvient de Jeanne: « Sa petite tête s’est mise à bouillir  » et prévient  ses compatriotes: « Je vous surpasserai tous dans l’ignominie ».
Le metteur en scène laisse à cette incarnation du mal, les derniers mots, plein de sens, avant l’ exécution de Gilles de Rais, quand il se présente à l’avant-scène: »Moi, je vous sauverai autrement, à l’envers ! Expions ensemble,  vous et moi!  Amen ».

Jean Couturier

Théâtre de l’Odéon puis en tournée aux Pays-Bas et en Belgique

pour le meilleur et pour le pire

Pour le meilleur et pour le pire, conception et interprétation de Victor Cathala et Kati Pikkarainen, musique d’Helmut Nünning, mise en scène de Michel Cerda.

Une petite voiture rouge entre en piste, on entend des aboiements, ô surprise , ce sont deux chiens qui sont au volant. Du capot,  émergent un grand colosse et une frêle petite blonde qui vont nous entraîner dans un spectacle plein d’humour et délicieusement acrobatique.
La voiture est un accessoire magique, Victor démonte la porte, lance Kati sur le toit, la porte à bout de bras, la remet dans la voiture, dont il sort le siège, et ils font un numéro d’antipodistes. Il se met au volant et recule, et elle reste accrochée furieuse à la rambarde qui surplombe la porte d’entrée.
On n’en finirait pas d’énumérer les drôles de gags de ce couple Fellinien qui font preuve d’une adresse acrobatique étincelante avec humour . La voiture est une sorte de boîte à malices qui ne cesse d’entrer et de sortir, et qui sert del oge pour les changements d’où émergent des accessoires comme l’immense arbre à moteur porté par Victor où Kati ira faire de vertigineux équilibres, en haut du chapiteau.
Et les chiens qui clôturent le spectacle avec un drôle de numéro, ravissent le public familial qui remplit ce joli chapiteau.

Edith Rappoport

Jusqu’au 18 février, Tél 01 41 87 20 84, www.theatrefirmingemier-lapiscine.fr
Espace cirque d’Anthony.

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